« La vie est bien courte et ses moments s’enfuient, nos jours arrachés passent comme une heure brève (…)
Qui pourrait désormais s’arrêter là sans ressentir de vertueux élans, qui n'admirerait ce chef¬-d’œuvre [le mausolée], qui, en voyant cette profusion de richesses, ne resterait confondu devant les immenses ressources qui permettent de lancer ce monument dans les souffles de l’éther ?
C’est là le moyen le plus honorable d’utiliser sa fortune, c’est ainsi que les dépenses procurent des demeures impérissables, c’est ainsi que l’argent trouve à s’employer pour l’éternité lorsqu’il s’investit sainement dans une fondation durable. Beau spectacle pour la frénésie qui ne songe qu’à entasser de l’or et qu’entraîne l’éclat l’argent acheté au prix du sang ! Beau spectacle aussi pour le luxe insolent et prodigue qui se disperse entre de vains plaisirs (…) ; c’est une plaie qu’entretient la concurrence à laquelle se livrent les peuples.
Tout cela perd vite son charme, n’offre qu’un instant de plaisir, se trouve condamné par sa brièveté, mais si l’on veut bien tenir compte de tous les hasards de la vie et prendre la peine de jauger l’homme à la courte durée de son existence, alors on apprendra à croire que la conduite la meilleure est de consacrer tout ce qu’on a de forces dans la vie à se prolonger dans le temps sans manquer au respect dû aux dieux.
Ton père doit souvent éprouver de la joie et regarder de haut le bataillon des autres ombres, car il sait qu’ici subsiste son tombeau de si grande allure dans une éternelle nouveauté, que ces pierres parfaitement appareillées se dressent dans tout leur éclat, que s’élevant depuis leur assise ces étages ont vu croître leur beauté, si bien que chacune de ces arêtes semble tracée au cordeau dans une cire malléable. (…) ; et la foule des passants peut, sans se lasser, admirer ces splendeurs et s’émerveiller de voir l’équilibre harmonieux des colonnes qui brillent au dessus de leurs têtes. (…).
Beaucoup peut-être (…) diront qu’on fait venir la mort avant son heure en érigeant de son vivant un monument pour les temps à venir. (…) Je crois au contraire qu’ils sont à l’abri ceux qui ont voulu se ménager une demeure éternelle et, avec une rectitude absolue dans leur vie, planter des murs qui jamais ne s’effondreront. (…). Et tu seras à l’abri du souci, tu profiteras pleinement de ta richesse sans risque de créer de charge à personne, sans faire un testament grevé d’obligations, sans que ton héritier ait à redouter de devoir bâtir un monument pareil. Non, tout ce que tu laisseras parviendra intégralement où tes volontés voudront le faire aller. »
Ce joli poème n’a pas été écrit comme on pourrait le croire pour évoquer le mausolée d’Habib Bourguiba…
Ce poème est en fait gravé sur la façade du mausolée de Titus Flavius Secundus, un notable de la ville romaine de Cillium, actuellement Kasserine, en Tunisie.
En tous lieux… en tous temps… le passé nous aide à comprendre qui nous sommes ; l'étude du passé nous montre aussi que chaque civilisation est le fruit des civilisations qui l'ont précédée.