lundi 26 février 2007

D'un poème à un autre

En lisant l’une des dernières notes d’Aziz, consacrée à un ouvrage de photographies aériennes de Tunisie, j’ai employé l’expression « poème muet » pour désigner ces vues si évocatrices ; je songeais alors à une expérience aussi ludique qu’artistique consistant à écrire un véritable poème inspiré de l’une de ces photographies, pour en somme passer d’un poème à un autre.
J’ai regardé longuement mes deux livres de photographies aériennes de Tunisie. Le choix de l’image a été difficile tant elles sont toutes séduisantes ; je laissais mes yeux et mon âme choisir... ou peut-être bien la photographie me choisir elle-même. Soudain ce que j’espérais s’est produit ; l’une de ces photographies m’a saisi au détour d’une page. Il s’agit d’une vue prise dans la région de Medenine. Fort heureusement, ce choix me permet de m’éloigner un peu cette fois de la mer, qui a inspiré déjà plusieurs de mes poèmes. En route donc pour le sud !
Message personnel à Aziz : Je suis désolé, mon cher Aziz, mais on ne descendra donc pas tout à fait jusqu’à Douiret comme tu l’espérais ; on n’en est cependant pas très loin, quelques dizaines de kilomètres tout au plus, et j’espère que tu es malgré tout satisfait du choix de la photographie ; l’étincelle créatrice étant venue de ta note, je me fais un plaisir de te dédier ce poème.

Délicatement apparaît un poème muet,
Qui diffuse dans les yeux mille reflets,
Eclats d’une source d’intense bonheur,
D’un souffle de l’air caressant le cœur ;
Le vide devient le plein et tout évoque
Ici un singulier dépouillement baroque.

Rehaussé de pourpre et d’or s’étend
Un tapis semé de cailloutis ardents,
Terroir austère cerné par les monts,
Paradis rêvé des oueds vagabonds
Qui esquissent de charmantes rides
Avec le hasard pour unique guide.

Incarnation d’une absolue solitude,
Présage d’une heureuse béatitude,
Un sépulcre à la couleur de chaux
S’accroche au roc, modeste joyau
Qui recueille d’un saint les mânes
Protectrices d’antiques caravanes.

Seul souverain de cet océan désolé,
A l’horizon duquel est consommée
La belle noce du Ciel et de la Terre,
Le regard de ces grâces se désaltère
Et savoure à l’infini cette ambroisie
Elevant l'âme de l'enfant de Tunisie.


Cette photographie est extraite du magnifique ouvrage de Mohamed-Salah Bettaïeb, Mrad Ben Mahmoud et Viviane Bettaïeb, La Tunisie vue du ciel, Editions du Layeur, Paris, 2006. Ce livre présente en 240 pages de sublimes panoramas qui permettent de parcourir de manière originale les différentes régions de la Tunisie, révélant la variété époustouflante de ses paysages, la diversité si riche du relief, de la végétation et du mode d’occupation humaine des sols. Outre le choc émotionnel et artistique que peuvent représenter ces photographies, les yeux sont envahis par une merveilleuse palette de couleurs. La Tunisie vue du ciel est source tout autant de souvenirs que de rêves ; ouvrir ce livre loin de Tunisie est un plaisir et même une nécessité en ce qui me concerne pour garder un lien physique, ici visuel, avec cette terre tant aimée. La lecture de cet ouvrage est chaudement recommandée à chacun.

lundi 19 février 2007

Vois comme la vie est belle

Que retenir de cette semaine ? Beaucoup de choses... des petites choses qui comptent beaucoup... des grandes choses qui comptent peu... des mots lus ou entendus... des gestes... une semaine avec l’amour des autres pour me faire vivre... une sorte de transfusion permanente et indispensable... mon cœur ne doit jamais se vider...

Ton âme était à vif... la mienne aussi... je voulais t’aider... je ne savais trop comment faire, étant si loin de toi... j’ai écrit ce poème pour toi mercredi soir... je n’avais jamais pensé t’écrire un poème auparavant... je t’ai envoyé ce poème par mail... tu l’as apprécié... je souhaitais te montrer mon attachement et ma présence morale dans cette période difficile pour toi... Je pense à toi... fais reculer tes angoisses et fais triompher tes espoirs...prend soin de toi, mon Grand...


Mon Ami, tu es resté cet enfant triste,

En qui les doutes toujours persistent.

L’aube naissante toujours te délivre

De tes peurs et te fait un peu revivre ;

Tu désires jouir enfin de l’existence,

Te donner ainsi une seconde chance.

Pourtant tu es fréquemment rattrapé

Par le côté ténébreux de tes pensées.


Tu bouleverses mon âme et mon cœur,

Me rappelant mon enfance et ses heurs,

Et tout le cortège de ce qu’on peut fuir

Après une jeunesse passée dans la nuit.

Tu passes du rire aux chaudes larmes,

D’une paix sage à de si vives alarmes,

Du goût à l’indigestion de l’existence,

Du plein heureux à l’absolue absence.


Ton équilibre se crée jour après jour

Grâce à ce que l’on te donne d’amour.

De toute chose il faut savoir savourer

Chaque instant qui pourrait t’apaiser,

Cultiver l’appréciation du juste milieu

Et rendre à ton regard l’éclat radieux

Qui lui manque parfois quand domine

La crainte d’un retour à tes origines.


Sois confiant, serein, regarde l’avenir :

Il te gratifiera de ton meilleur sourire.

Crois en toi et crois en nous, tes amis,

Qui réveillons ton doux cœur, endormi

Par les siècles de tes années passées,

Et qui l’aidons dans sa rude traversée

Où tout et son contraire s’entremêlent :

Mon Ami, vois comme la vie est belle.

lundi 12 février 2007

Je reviens de Tunisie

Cette semaine de février j’étais en Tunisie. Cela faisait bien longtemps que j’attendais ce moment de grâce et c’était donc un grand plaisir pour moi d’y retourner, de faire ce retour à une part des sources de ma vie. J’ai essayé de profiter au maximum de ce court séjour en voyageant autant que je le pouvais.

J’avais pris un billet pour l’aéroport de Tunis et donc c’est là que j’ai résidé l’essentiel du temps. Je me suis bien promené tant à Tunis même, dans la medina, qu’à Carthage ou encore à l’Ariana. Il ne faisait pas toujours beau la semaine passée ; il y a même eu de la pluie. Au moins je n’étais pas trop perturbé par le changement de climat avec Paris. J’ai fait un passage au musée du Bardo évidemment ; cela s’imposait.
J’ai voulu aussi voir Bizerte car cette ville évoque beaucoup de choses pour moi et notamment cette idée de modernité, de mélange... et de défis techniques fascinant relevés là-bas depuis la fin du XIXe siècle.
Je suis ensuite descendu à Sfax en train, passant par ma chère ville d’El Jem. J’ai traversé la forêt d’oliviers et je profitais à Sfax d’une belle promenade près du rempart et à la recherche de souvenirs inspirés par des vues anciennes de la ville gravées dans mon esprit.
De là je suis descendu dans le sud à la découverte des austères ksour, enserrés dans leur écrin minéral et caressés par la lumière pure du jour et de la nuit.
En remontant vers Tunis, je me suis arrêté à Monastir. J’avais une envie soudaine de manger des sardines alors j’ai acheté une boîte de sardines au monoprix de Monastir et je les ai mangées dans la rue. Ensuite j’ai été saluer Habib Bourguiba dans son beau sépulcre qui me fait tant penser, par son organisation, à un grand tombeau sis en plein cœur de Paris.
J’ai enfin regagné Tunis. La semaine s’était vite écoulée et je n’avais pas eu le temps de faire un centième de ce que je souhaitais… pas le temps d’accomplir chacun de mes rêves. J’ai repris l’avion avec des regrets en espérant revenir très vite.
A l’attention de mes lecteurs, j’ai pris quelques photographies durant mon voyage. Voici ces photographies que j’ai voulu partager avec vous :






 











[avenue de Tunisie, parc Montsouris]


 [hôtel tunisien bien connu à Paris]
Fin de ce beau voyage... cette note est dédiée à Anis et Rached Trimèche... de la part de celui qui voyage par le rêve.

lundi 5 février 2007

Peine de mort… peine de vie...

La question de la peine de mort est revenue sur le devant de la scène ces dernières semaines.

Le 30 décembre 2006, Saddam Hussein a été pendu à Bagdad suscitant de nombreuses réactions, louanges pour certains, condamnations pour d’autres, que ce soit sur le principe de l’exécution ou sur la qualité du procès ; la controverse a également concerné le film amateur montrant les détails de son exécution. Le 15 janvier, les complices de Saddam Hussein, Barzan Ibrahim al Tikriti et Aouad Hamed al Bander ont subi le même sort, le premier ayant même la tête arrachée par la violence de la pendaison. En raison de la personnalité des condamnés, ces exécutions auront eu au moins le mérite de réveiller les débats sur la peine de mort et peuvent contribuer à la réflexion, particulièrement dans les pays qui ne l’ont pas aboli à ce jour.

A Paris a eu lieu du 1 au 3 février 2007 le troisième Congrès mondial contre la peine de mort, à l’initiative de l’organisation Ensemble contre la peine de mort, pour faire le point des avancées dans ce domaine.

La France s’apprête quant à elle à inscrire dans la constitution de la République l’interdiction de la peine de mort, déjà abolie par la loi n° 81-908 du 9 octobre 1981. Le Sénat et l’Assemblée nationale, réunis en Congrès à Versailles, devraient entériner cette modification constitutionnelle dans la seconde moitié du mois de février ; elle interdit absolument la peine de mort, y compris en temps de guerre et assure qu’aucune loi ne peut rétablir la peine de mort en France.

En Tunisie, la peine de mort n’est pas abolie et la justice continue de prononcer, de plus en plus rarement il est vrai, la peine capitale dans des crimes de sang, les délits de violence grave ou tout ce qui touche à la sûreté de l’Etat, sujet délicat s’il en est. La plupart des condamnations à mort prononcées en Tunisie ces vingt dernières années ont été commuées en réclusion à perpétuité par le président de la République, dans le cadre de l’exercice du droit de grâce accordé aux chefs d’Etats. Néanmoins certaines condamnations à mort ont été suivies d’effet en 1990 et en 1991, année depuis laquelle il n’a été procédé à aucune exécution dans le pays. La Tunisie a, dans la pratique, progressé vers l’abandon de la peine de mort mais cette situation reste fragile dans la mesure où elle est ne repose pas sur des bases législatives. C’est en ce sens que des voix s’élèvent, notamment en Tunisie, pour demander que le droit soit mis en adéquation avec la pratique de raréfaction des condamnations à mort et de non application de ce type de peine depuis 1991 ; un appel au vote d’une loi relative à l’abolition de la peine de mort a même été lancé dans le journal Tunishebdo le 17 janvier 2007.

En marge du congrès organisé à Paris ces derniers jours, l’organisation Ensemble contre la peine de mort a souligné à propos de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient qu’ « aucun des 22 pays de la région n’a aboli la peine de mort. Le Maroc, la Tunisie, l’Algérie notamment n’exécutent plus depuis plus de dix ans, mais condamnent toujours à la peine capitale. D’autres, comme l’Arabie saoudite et l’Iran, pendent ou lapident chacun plus d’une centaine de condamnés chaque année. Qu’elle soit vestige du droit colonial, instrument de coercition de régimes forts, ou appliquée au nom du droit islamique, la peine de mort est inscrite dans le paysage pénal en Afrique du Nord, comme au Moyen-Orient. Malgré tout, des voix s’élèvent pour dénoncer cette pratique ou la questionner. Ils sont députés, juristes, membres de la société civile ou du clergé. Des voix courageuses pour autant de voies vers l’abolition de la peine de mort dans la région. ».

On ne peut qu’espérer des progrès dans ce domaine pour qu’émerge une justice humaniste, apaisée et éclairée, guidée par la seule volonté de ramener à la raison ceux qui se sont écartés des normes juridiques de la société.

Malheureusement, à côté de cette question de la peine de mort, il en est une autre que l’on ignore bien souvent : c’est celle de ce que j’appelle la « peine de vie » et que d’autres appellent la « peine de mort lente ». On lutte en effet beaucoup pour l’abolition de la peine de mort sans trop se soucier de ce qu’on lui substitue. La réponse normative est simple et stéréotypée : la peine de mort est commuée en réclusion à perpétuité, cette « perpétuité » étant réelle ou assortie d’une peine de sûreté (20 ans, 30 ans, ...), délai en deçà duquel toute libération est impossible.

Et après… ???!!! Ceux qui font de grands discours sur la valeur de la vie et sur la nécessité d’abolir la peine de mort ne parlent presque jamais des conditions de vie indignes de ceux qu’ils ont sauvé de la mort, de ceux qu’ils ont finalement condamnés à « la peine de vie ». Au-delà de leur peine judiciaire, application juste de la loi, ces prisonniers à perpétuité, qui auraient été exécutés en d’autres temps, vivent bien souvent sans aucune dignité, à l’isolement, faisant l’objet de brimades. On a le cœur saisi par l’annonce d’une condamnation à mort mais on se moque de savoir qu’un détenu « à perpétuité » vit comme un rat dans une prison, généralement sans avenir et sans espoir. Personnellement j’ai visité une prison française désaffectée et déjà j’étais saisi de dégoût par le côté sordide des lieux. Bien que l’endroit soit propre et bien entretenu, j’ai eu le sentiment que l’atmosphère du lieu ne pouvait que difficilement contribuer à reconstruire les détenus, à les rendre à la vie purgés de leurs comportements répréhensibles. Si l’on ne fait rien, si l’on n’y prend garde, la prison devient un lieu de destruction du détenu, un lieu qui le déshumanise un peu plus encore qu’il ne l’est. Les détenus de longue durée en viennent à faire le deuil de leur vie, à se demandent si être condamnés à la « peine de vie » n’est pas plus inhumain que de mourir sur la potence ou sur la guillotine. Il y a près d’un an, le 25 janvier 2006, on pouvait lire dans un article du journal Le Monde que « Dix détenus de la centrale de Clairvaux (Aube) ont attiré l’attention sur le sort des condamnés qui purgent des longues peines. "Nous, les emmurés vivants à perpétuité du centre pénitentiaire le plus sécuritaire de France (...), nous en appelons au rétablissement effectif de la peine de mort pour nous", ont-ils plaidé dans une lettre datée du 16 janvier, publiée le mardi 24. Dans un contexte de durcissement répressif contre la récidive, l’appel dénonce l’allongement de l’exécution des sentences. "Assez d’hypocrisie ! Dès lors qu’on nous voue en réalité à une perpétuité réelle, sans aucune perspective effective de libération à l’issue de notre peine de sûreté, nous préférons encore en finir une bonne fois pour toutes que de nous voir crever à petit feu", écrivent les signataires, qui ont passé entre 6 et 28 années en prison. »

Cet exemple, pris en France, illustre un problème finalement universel. Quelques soient les crimes de ces hommes, comment peut-on à la fois dénoncer la peine de mort et accepter de les reléguer dans une situation aussi inhumaine ? Il ne suffit pas de lutter contre la peine de mort ; il faut aussi lutter pour le respect de la dignité des prisonniers, pour un système pénitentiaire qui les aide à construire leur avenir, à préparer leur réinsertion sociale et non qui achève de les détruire. Une société qui ne sait pas aider ses détenus, ex-condamnés à mort ou non, prend le risque de les voir récidiver, de les traiter sans aucune humanité, et cette perspective est honteuse pour tous.

medium_liste_des_detenus_de_Clairvaux_reclamant_le_retablissement_de_la_peine_de_mort.JPG

Ces prisonniers de Clairvaux ont demandé il y a un an à être exécutés...Abdelhamid Hakkar, André Gennera, Bernard Lasselin, Patrick Perrochon, Milivoj Miloslavjevic, Daniel Aerts, Farid Tahir, Christian Rivière, Jean-Marie Dubois et Tadeusz Tutkaj.