lundi 27 octobre 2008

Tuus adventus

« Ange à la chevelure couleur de blé,
Esquisse fugace, tu émanes du passé
Tel le parfum de l’heureuse jeunesse
Et déjà tu te fais bien belle promesse. »

Bercés par les astres d’un unique ciel,
Qui en secret préparait ce doux miel,
Deux petits lilas opalins s’élevèrent
Avec violettes, myosotis, primevères.

Au coeur du pré qui fut leur empire
Et au son léger du charmant zéphyr,
Avant que Destin ne sépare leur route,

Ils se virent et se frolèrent sans doute.
« Hier encore tu n’étais que souvenir ;
Aujourd’hui naît l’aube d’un sourire. »

Pour E...

lundi 20 octobre 2008

La gare de Bizerte

La ligne de chemin de fer de Tunis à Bizerte fut ouverte à la circulation en 1894 parallèlement aux travaux considérables d’aménagement du port de Bizerte, à partir de 1891. La première gare de Bizerte se trouvait sur le quai nord-ouest du canal reliant la mer Méditerranée au lac de Bizerte ; il s’agissait d’une gare de taille relativement modeste, constituée comme à Tunis d’un pavillon central à deux niveaux, encadré de deux pavillons à un niveau.

C’était le modèle de gare basique, convenant parfaitement bien aux besoins modeste d’une ville encore à moitié déserte : la « ville européenne » de Bizerte restait en effet fort modeste au début du XXe siècle, les lots de terres prises à la lagune n’ayant encore pas tous été vendus et bâtis.


Gare de Bizerte, vue en direction du sud-est.


Gare de Bizerte, vue en direction du nord-est.


Quai le long du canal de Bizerte, vue en direction du sud-ouest (1924) [la gare se trouve vers le fond du quai].


Vers la fin des années 1920, une nouvelle gare se substitua à la précédente. Il s’agissait d’une gare monumentale de style néo-mauresque avec un pavillon central quadrangulaire percé d’une grande porte ainsi que de baies de tailles plus réduites et de fenêtres circulaires ; au sud-ouest était accolé un pavillon rectangulaire d’un niveau. Au nord-est était accolé un pavillon rectangulaire de deux niveaux. Enfin un beffroi se trouve dans l’angle nord-ouest de la gare.


Cette gare était plus en harmonie avec ce qu’était devenue Bizerte, à savoir une grande ville tunisienne, ville double avec sa cité d’origine et sa « ville européenne » cette fois plus complète, avec de nombreux édifices publics, plusieurs casernes militaires, un port de commerce et de voyageurs ainsi qu’un port militaire, complété par l’arsenal de Sidi Abdallah à Ferryville (Menzel Bourguiba). Établie dès l’origine entre la ville et le canal, sur le quai même où étaient reçus les navires de passagers et de marchandises, la gare de Bizerte se trouvait en position idéale pour assurer le contact entre l’intérieur des terres et la Méditerranée.


Le beffroi, destiné à signaler la gare et porter des horloges, adopte la forme locale d’un minaret, ici en style ottoman, à section octogonale. L’usage à Bizerte d’un beffroi associé à une gare est unique en Tunisie. Un autre projet présenté dans les années 1930 et visant à reconstruire la gare sud de Tunis prévoyait également un beffroi mais dans un style moderne sans rapport évident avec l’apparence d’un minaret.


L’usage du beffroi a été importé de France où l’on connaît le fameux exemple du grand beffroi quadrangulaire de la gare de Lyon, à Paris, construit lors de la rénovation de 1900 ; on pourrait également mentionner les beffrois des gares de La Rochelle (1910-1922), Bayonne (1918), Limoges-Bénédictins (1924-1929), Rouen (1928), Lens (1927), Brest (1932-1934), Belfort (1934) et Bois-Colombes (1934-1935), plus proches dans le temps de celui de Bizerte ainsi que du projet de Tunis non réalisé. On notera aussi que d'autres pays européens connaissaient de tels ouvrages, par exemple l'Allemagne avec les gares de Colmar (1905-1906) et de Metz (1908). Plusieurs beffrois furent associés à des gares du Maghreb dans la première moitié du XXe siècle, de la gare d’Oran (1908-1913), en style néo-mauresque, à celle de Guémar (1946), en style saharien, en passant par celle d’Annaba-Bône, avec un beffroi quadrangulaire décoré tel un minaret, celle de Skikda-Philippeville (1934), œuvre de Le Corbusier, ou encore celle de Casablanca, au Maroc.


Façade de la nouvelle gare de Bizerte, côté ville.


Façade de la nouvelle gare de Bizerte, côté canal (1940).


Les installations ferroviaires de la gare de Bizerte (années 1930).


Vue aérienne de Bizerte au début des années 1930 [on aperçois la gare et son beffroi dans la moitié gauche de l'image, près du quai].


Cette deuxième gare monumentale n’eut qu’une existence éphémère ; elle fut en effet en partie détruite lors de plusieurs bombardements en novembre et décembre 1942 lors des combats de la seconde guerre mondiale ; le beffroi n’y résista pas. Dès les années 1950, les plans de ville de Bizerte indiquent l’abandon de cette gare très endommagée et le report du terminus de la ligne pour Tunis à son emplacement actuel, c'est-à-dire quelques centaines de mètres en amont.