dimanche 8 décembre 2013

Ton ombre... encore...

Quand tu ressurgis des ténèbres, je suis toujours vaincu... Qui es-tu pour me troubler ainsi ? Qu'as-tu fait que je n'ai point vu et qui me rend si songeur ? Tu es tel un voyageur en retard qui n'en finit pas de regarder sur le quai son train qui s'éloigne... J'étais là... je dévorais du regard ton visage à la structure rassurante... les voluptés de ta bouche étaient déjà gravées sur mes lèvres... ton âme commençait à m'envelopper et la mienne te désirait ardemment... et puis tu as laissé partir le train sans toi...

Et si le train s'arrêtait au bout du quai pour te permettre de le rattraper... ? Sais-tu seulement que ce train est encore à portée de mains pour toi ? Non... sans doute en as-tu fait ton deuil, ignorant quels sentiments tu as froissé en moi et inconscient de cette tendance à privilégier ce qui t'éloigne des autres... de l'Autre... ce qui t'a éloigné de moi...

Et pourtant le train est toujours là qui t'attend, à peu de distance, enveloppé d'une brume qui le masque.

Peut-être seras-tu au rendez-vous cette fois ? ou pas... ? Je suis curieux en tout cas de connaître la suite de cette curieuse histoire de deux êtres qui ne se trouvent jamais ensemble au bon moment.

dimanche 24 novembre 2013

Victor Young Perez

J'ai vu hier le film de Jacques Ouaniche, sorti le 20 novembre 2013, consacré à Victor "Young" Perez.



Ce film est une évocation de la vie du boxeur tunisien Victor "Young" Perez, né à Tunis le 18 octobre 1911 et assassiné par les Nazis à Gliwicze, en Pologne, le 22 janvier 1945.

En octobre 1931, il devient à Paris le plus jeune champion du monde de boxe dans la catégorie "poids mouches". Alternant ensuite succès ou échecs, sa carrière durera une petite décennie.

Il est arrêté à Paris en juin 1943 en raison de sa confession juive, interné au camp de Drancy puis déporté en octobre 1943 au camp de concentration d'Auschwitz III Monowitz-Buna, au sud de la Pologne ; son bras est alors gravé d'une marque indélébile : Victor devient le numéro de matricule 157178. Malgré ses mauvaises conditions de détention, il réussit à survivre et même à s'imposer lors d'un combat de boxe forcé, organisé par le commandant du camp, contre un boxeur allemand de poids lourd pour démontrer la supériorité de la "race aryenne" sur les juifs.

Le 18 janvier 1945, face à l'arrivée imminente des troupes soviétiques à Auschwitz, les autorités du complexe concentrationnaire décident son évacuation, marquant le début du transfert des déportés rescapés vers l'Allemagne, une "marche de la mort" au cours de laquelle beaucoup décèdent dont Victor, épuisé, qui est exécuté par balles à Gliwicze après quatre jours de marche. L'Armée rouge entre à Gliwicze le 24 janvier, quarante-huit heures plus tard.

Sur les mille déportés partis le 7 octobre 1943 de Drancy dans le soixantième convoi ferroviaire organisé en France pour la déportation vers les camps nazis, trente-et-un étaient encore en vie lors de la chute du régime nazi, quelques mois après le décès tragique de Victor. Le nom de Victor "Young" Perez est inscrit sur le monument aux morts en déportation érigé au cimetière juif du Borgel à Tunis.

Tragique destin que celui de ce jeune homme, né en Tunisie, devenu champion en France et mort en Pologne à l'âge de 33 ans. Il nous rappelle que des juifs du Maghreb ont aussi été victimes des Nazis et de leurs complices. Il témoigne par sa souffrance d'une époque innommable et de crimes inédits par leur ampleur, des crimes contre l'humanité puisque, sans doute, il n'y eut pas plus cosmopolite que ces camps nazis où l'on trouvait aussi bien des sommités intellectuelles que d'humbles gens, des artistes et des sportifs, des jeunes et leurs aïeux, des juifs mais aussi des tziganes, des résistants ou encore des homosexuels, autant d'êtres venus de toute l'Europe et même au-delà, comme Victor.

Le sourire d'une photo jaunie est celui d'un mort pour qui nous ne pouvons rien sinon une pensée émue. Veillons au moins sur les vivants, qui ont besoin de nous, de notre mémoire, de notre tolérance et de notre intelligence pour lutter contre tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à une atteinte à la dignité humaine.



Portrait dédicacé du boxeur Victor Young Perez
(Collections Musée national du Sport, Paris).

dimanche 4 août 2013

Généalogie

Pendant qu'il ne se passe rien en Tunisie - c'est le gouvernement tunisien qui le dit... et aussi mon ami F*** qui est très (trop) gentil pour voir le mal - continuons à mener une vie d'insouciance...


Ce texte aurait pu s'appeler le "repli identitaire" mais au risque d'être mal interprété. Ceci dit quand certains se replient négativement sur leurs origines, supposées ou réelles, et qu'ils se réfugient par exemple dans des grottes protégées par des champs de mines, d'autres cultivent une conscience positive de leurs origines, à travers des recherches ou encore des transferts de connaissances.

En ce moment, je me passionne pour la généalogie qui me permet plusieurs choses. La première est incontestablement de remonter une sorte de chaîne humaine dont le premier maillon, après moi, est mon cher et défunt père ; c'est une façon de l'avoir encore tout contre moi dans mes bras. Il s'agit ensuite de mieux comprendre qui je suis et d'où je viens. Si les générations récentes se sont en effet pas mal déplacées, mes origines semblent plus précises et localisées aux XIXe et XVIIIe siècles... mais il s'agit là de premières impressions, ces recherches étant relativement longues et progressant avec autant de patience que de prudence pour ne pas se laisser emmener vers de fausses pistes.

Au delà des noms ajoutés sur un arbre généalogique, tout l'intérêt réside dans ces petits détails qui peuvent éclairer la vie de nos ancêtres : leur métier, leur niveau d'instruction, le cercle de leurs relations, ...

À ceux qui pensent qu'au fond ce type de recherche consiste plus ou moins en un repli sur soi, assez proche finalement de la philosophie des extrémistes cavernicoles, je dirai qu'il y a de cela en ce sens que cette quête procure une sorte de confort de l'âme, une forme de sentiment d'enveloppement et d'appartenance à quelque chose qui nous dépasse et nous apporte en quelque sorte une force symbolique. Certains en font mauvais usage, il est vrai... il ne tient cependant qu'à nous de ne pas en rester à ce stade primaire de l'appropriation de la conscience du passé.

La comparaison doit en effet s'arrêter là car, la généalogie ne consiste pas seulement à regarder vers le passé et à se regarder soi-même à travers l'image que l'on parvient à concevoir du passé, en fonction de son propre vécu ; il s'agit aussi de s'ouvrir aux autres et à d'autres réalités... prendre en considération des réalités parfois peu flatteuses, comme la modestie de ses origines, intégrer la dureté de la vie passée et en tirer une image relativisée de nos propres difficultés, suivre les branches cousines de notre arbre et revenir vers notre époque, vers des gens qui vivent plus ou moins proches de nous, nos cousins ignorés, et qui ont suivi des destins parfois fort différents du nôtre, apprendre à connaître et à apprécier leur altérité...

Le principal intérêt et enseignement d'une démarche de type historique est de nous apprendre qu'à côté d'éléments qui semblent plus ou moins intangibles, le temps qui se déroule est systématiquement et naturellement porteur de changements, et que les évolutions actuelles ne font que succéder à d'autres plus anciennes. À nous d'en prendre connaissance, de se les approprier et de les maîtriser au mieux, sans oublier qu'on ne peut aller contre l'idée même d'évolution qui dépasse de très loin nos simples êtres.

jeudi 13 juin 2013

Tu es un ange

Tu es un ange...

C'est le titre d'une chanson ou plutôt d'un poème chanté très émouvant venu de Grèce que j'ai entendu il y a peu. On y retrouve une mystique de l'Amour qui peut s'appliquer tant à l'être aimé qu'à un amour plus religieux, ce qui lui donne une puissance proche de ce que l'on connaît notamment chez les poètes perses.



Tu es un ange, mes yeux,

Et tu marches sur la terre

Comme un ange.



Tu me parais un ange,

Petit oiseau,

Quand tu viens vers nous.



Un jour, j’étais un ange...

D’autres le sont maintenant

À la fontaine où je buvais de l’eau

D’autres maintenant viennent y boire...



Regarde comme elle marche...

C’est un ange avec l’épée...



Je voudrais être un ange,

Et venir avec toi...

Et si tu en aimais un autre,

Que je prenne ton âme !



Tu me parais un ange,

Petit oiseau,

Quand tu viens vers nous...



J'étais un ange avant que mes ailes ne tombent, j'étais un ange... Une voix me dit qu'elles n'ont pas disparu mais qu'elles ont été rendues invisibles... J'étais un ange, non, je ne le suis plus... encore qu'en te dévisageant je n'ai d'autre choix que de l'être encore pour ouvrir ton regard sur moi... mon cœur n'est plus si léger et mes yeux sont pleins de plumes...

lundi 29 avril 2013

L"histoire se répète...

On ne le dira jamais assez... L'Histoire se répète très souvent et il faut être sourd, aveugle ou ignorant pour ne pas noter des similitudes constantes au quotidien par rapport au passé proche ou plus ancien.

Que penser alors de ce que nous réserve demain si le présent se conjugue déjà si bien au passé... ?

J'ai été frappé en triant de vieilles revues d'en faire l'amère expérience avec une sérieuse angoisse pour l'avenir.

Un vieux magazine du journal français Géo faisait sa une sur l'Algérie des années 1990 et il y était notamment question de la destruction des marabouts algériens par des intégristes religieux.

S'il est une tradition qui rapproche Tunisiens et Algériens, c'est bien cette présence dense de saints protégeant symboliquement le territoire et ses habitants et auxquels la population est très attachée au point même qu'on les préserve en sachant parfois bien qu'ils n'hébergent que sidi Walou ! Car au delà de leur symbolique religieuse, ils marquent un territoire depuis des siècles et en constituent des éléments fédérateurs, fondateurs, rassurants, ...

La destruction de ces lieux vénérables et vénérés n'est pas qu'une marque d'hostilité à l'égard d'une lecture régionale et libérale des préceptes religieux ; c'est sans doute avant tout une façon très concrète de saper les repères d'une population qui en manque cruellement en ces circonstances agitées.

Il faut bien peu pour faire le vide et effacer matériellement l'âme des lieux pour y imposer quelque chose d'autre, supposé plus authentique mais qui n'a sans doute jamais véritablement existé en l'état... C'est un défi à la culture et à l'intelligence, fragile brindille qui est si perméable aux apparences qu'on lui impose.

Une part de la mémoire peut en effet s'effacer bien vite...

Qui sait à cette heure si la perspective funeste qui se profile ne s'accomplira pas définitivement... ?!

 

 

jeudi 7 février 2013

La nausée

Combien de temps l’État tunisien va-t-il encore nier la situation dramatique dans laquelle se trouve la Tunisie ? Jusqu’à quand négligera-t-il d’agir au nom du fondement démocratique qui devrait théoriquement l’animer ? Jusqu’où le gouvernement laissera-t-il aller les criminels extrémistes avec une mollesse à peine voilée ?


Il est inutile d’enfumer les gens avec des discours vaseux quand les actes, commandés par l’État lui-même ou du moins inspiré par sa doctrine manifeste du laisser-faire, témoignent de l’inverse.

Pour certains, tout va plutôt bien en Tunisie. On se permet même de faire, comme au bon vieux temps de Ben Ali, la morale aux médias étrangers pour leur reprocher d’alerter inutilement les potentiels touristes, sans parler des consciences interpellées par la succession incalculable désormais des incidents qui sont intervenus depuis plus de deux ans. Face à ces gesticulations, aussi grossières qu’inutiles, les faits parlent d’eux-mêmes : la Tunisie n’est jamais sortie du trouble où elle se trouve depuis la fuite de son dictateur… Si le décor et les acteurs ont changé, le drame se poursuit avec les mêmes « ingrédients : terreur et intimidation, assassinat, dégradation du patrimoine collectif au nom d’intérêts partisans. La seule différence de taille : les opprimés d’hier se sont faits les oppresseurs d’aujourd’hui. Quoi de plus simple dans un pays qui n’a pas véritablement grandi en termes de citoyenneté pendant cinquante ans et qui tient donc plus aujourd'hui du géant aux pieds d’argile qu’à une démocratie solidement établie.

Il y a deux ans, je disais ici même que tout était à faire et qu’on ne pouvait regarder l’avenir sans une certaine angoisse : "Qui peut décemment affirmer de quoi sera fait Demain sans le moindre frisson ?". Que tous ceux qui ont fait preuve d'un excès d’optimisme, louable et compréhensible, se réveillent tant que cela est encore possible car, chaque jour un peu plus, tandis que le sang d’un esprit libre coule ou qu’un mausolée sacré se consume, c’est l’âme de la Tunisie qui meurt un peu plus encore. De la dictature nationale-socialiste néo-destourienne au règne déjà bien avancé des extrémistes religieux, il n’y a qu’un pas sans doute déjà largement franchi. Songeons que même les pays les plus rigoristes en matière religieuse possèdent leurs éléments incontrôlés avec des « débordements » bien connus. Le jeu dangereux du gouvernement tunisien, sa passivité manifeste, la volonté de chaos espérée par certains qui pensent en tirer profit, n’est qu’une vue de l’esprit tout à fait chimérique. Au-delà d’un certain point, personne ne pourra plus dire qu’il contrôle quoi que ce soit et chacun deviendra l'ennemi de l'autre.

Comme il n’est jamais trop tard pour essayer de bien faire et tenter de revenir à une situation plus saine, il est essentiel, pour ne pas dire vital, d’insuffler immédiatement de réels changements : une action résolue, concertée et massive en faveur de la démocratie et la défense des valeurs fondamentales d’un État de droit : liberté, paix civile et sociale, … Tous ceux qui croient en l'idéal démocratique doivent se mobiliser où qu’ils soient, avec les moyens dont ils disposent, par amour pour la liberté, par respect pour l'identité plurielle tunisienne et pour la mémoire de ceux qui ont souffert, pour épargner aux nouvelles générations des maux inacceptables et qui ne doivent absolument pas perdurer plus longtemps.

Si rien ne change maintenant, dans cinq ans, la Tunisie sera l’Algérie des années 1990 ou peut-être même l’Iran… c'est à dire l'ombre d'elle-même.

dimanche 20 janvier 2013

Neige à Paris

Quoi de plus agréable que de se promener tranquillement à Paris en fin de semaine ?! Certes la température actuelle n'incite pas tellement à flâner mais les couleurs et l'atmosphère particulières à la neige qui tombe depuis quelques jours ont retenu mon admiration. Il y a un petit côté romantique à contempler ces étendues urbaines, semées de bâtiments qui émergent d'un ciel à la lumière teintée par le voile des flocons de neige qui virevoltent avant d'agrémenter le sol d'un tapis blanc. Ce qui est intéressant c'est la lisibilité des lignes de l'architecture qu'apporte cette neige qui uniformise le plan horizontal pour mieux valoriser ce qui se développe à la verticale. De cette clarté émerge un sentiment de bien-être avec la certitude qu'il y a sans doute quelque part quelqu'un qui a quelque chose à offrir.



dimanche 13 janvier 2013

Les Halles ou le gouffre de la mémoire

Aujourd'hui 13 janvier est le dernier jour pour profiter de la belle exposition consacrée à Victor Baltard par le Musée d'Orsay à Paris.

Victor Baltard (1805-1874) est connu pour être l'emblématique architecte des anciennes halles de Paris,  une dizaine de pavillons de métal et de verre détruits au début des années 1970 quand les édiles locaux voulaient faire entrer une certaine idée de la modernité dans Paris.

Loin de vouloir faire un long exposé historique, je me placerai simplement dans l'optique de la mémoire et de l'émotion.

Les Halles, qu’Émile Zola nommait "le ventre de Paris", se sont muées en une véritable plaque tournante sociale, économique et culturelle depuis les années 1970 avec l'essor des transports en commun d'Île-de-France (gare RER des Halles) et la réalisation d'un centre tout autant commercial (magasins, bars, restaurants) que culturel et sportif (cinéma, piscine, médiathèque, centre Pompidou tout proche, ...). C'est un lieu de rencontre populaire où se sont forgés d'innombrables souvenirs. En fermant les yeux, j'imagine nos aïeux ayant engrangé nombre d'autres souvenirs dans les halles encore debout "de leur temps".

Aujourd'hui ce quartier est à nouveau en travaux et son aspect devrait connaître de sérieux changements. Ainsi nos souvenirs parfois récents seront partiellement effacés et remisés dans un espace devenu invisible, abstrait, illusoire, ... et nous aurons un peu plus l'impression d'appartenir au passé nous-mêmes, avec une bonne dose de mélancolie.

J'ai mangé ici avec eux à l'époque où nous étions encore tous là, heureux et unis... sur ce banc, je me suis assis avec toi, toi ou toi de longues minutes et nous avons parlé de nos joies et de nos peines, de nos espoirs, de nos rêves déçus ou naissants, ... Ici je suis passé avec il ou elle sous un beau soleil ou sous un dégradé de gris balayé par un vent frais d'hiver, ...

La géographie des souvenirs, émotions et sentiments devra se réinventer.