J'ai dit il y a déjà un certain temps ici tout le "bien" que je pense de la Poste Tunisienne ; si cela peut rassurer, je ne suis pas beaucoup plus confiant en la Poste Française, mon dernier livre ayant échoué dans la boîte aux lettres d'une voisine qui a eu l'honnêteté de me le restituer.
Ce miraculé s'intitule Le train s'affiche ; il est l'oeuvre de Thierry Favre et de Jean-Marc Combes, éditions de La vie du Rail (2005). Ce livre est consacré aux fameuses affiches publicitaires qui ont été réalisées depuis le XIXe siècle pour valoriser l'usage des réseaux ferrés. On y trouve à la fois certains grands classiques, comme l'affiche du train franchissant le viaduc auvergnat du Garabit - c'est la couverture du livre - et des affiches plus méconnues, de divers pays européens, qui livrent un autre regard sur cet art si particulier mis au service du progrès technique et du commerce.
Il s'agit bien d'un art en effet, les compagnies ferroviaires ayant déployé de la sorte une grande énergie pour susciter le rêve chez leurs usagers potentiels. On peut même parler de séduction, celle-ci étant particulièrement explicite dans des affiches où figurent des femmes souvent un peu lascives et peu vêtues, illustration de l'agrément des bains de mer, rendus accessibles par les liaisons ferroviaires.
La séduction au sens plus large passe aussi par l'exaltation de la nature, des paysages sauvages partiellement maîtrisés par l'homme, notamment par le biais d'impressionnants ouvrages d'art - ponts de pierre, viaducs métalliques et tunnels - qui sont extrêmement fréquents sur les affiches ferroviaires. Les horizons sont soit coupés de hautes montagnes soit plats jusqu'à perte de vue... et le train traverse toujours ces espaces quasi désolés d'un fier panache de fumée, sauf quand il s'agit bien entendu d'un autorail ou d'un convoi à traction électrique.
Une autre façon de développer l'intérêt du voyageur, sans doute plus masculin d'ailleurs, est la mise en avant des techniques de pointe utilisées par le rail, qu'il s'agisse des ouvrages d'art dont il a déjà été question, du matériel roulant dont on suit l'évolution dans le temps au fil des affiches ou encore des équipements de voies - signalisation et aiguillages. L'intérêt de tous, avec sans doute une faveur accrue pour les femmes, est mis sur le confort intérieur des trains, la qualité du service intérieur, ...
Les affiches des compagnies ont également contribué à développer ce que les auteurs du livre appellent l'invitation au voyage, le goût pour la découverte des provinces ou des pays voisins reliés par le rail. Et c'est là sans doute que j'émettrai une légère réserve sur l'intérêt de ce livre ; j'ai été en effet un peu déçu de ne pas y trouver la moindre affiche ferroviaire évoquant le Maghreb. Certes on ne peut nier que ces affiches sont moins nombreuses que celles d'outre-Méditerranée mais elles ne sont pas pour autant inexistantes.
On doit songer notamment à l'intérêt développé pour le Maghreb par la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, plus connue sous le nom de P.L.M., entreprise qui a été créée en 1857 et qui a survécu jusqu'à la nationalisation des réseaux ferrés français en 1938. La ligne ferroviaire de Paris à Lyon et Marseille ne pouvait que s'intéresser au Maghreb, étant donné son positionnement sur un axe de circulation majeur et au débouché maritime qui lui succédait en direction des terres où la France avait établi son autorité sous la forme de la colonie (Algérie) ou du protectorat (Maroc et Tunisie). Hormis certains navires qui reliaient le Maghreb depuis les ports de l'Atlantique, la ligne PLM était la clé d'accès évidente vers les ports les mieux disposés pour établir les relations entre les deux rives méditerranéennes.
On ne s'étonnera donc pas que la compagnie française PLM se soit de manières diverses positionnée sur le marché des transports entre la France et l'Afrique du nord occidentale. Elle a poussé cette logique jusqu'à gérer et étendre une part du réseau ferré algérien, notamment la liaison Alger-Oran et celle entre Philippeville (Skikda) et Constantine. PLM devait cependant coexister avec plusieurs autres compagnies ferroviaires, ce qui entraînait de nombreux changements pour les voyageurs au cours de leurs longs trajets. Nous citerons l'une de ces compagnies, finalement plus complémentaires que réellement concurrentes : la Compagnie des chemins de fer de Bône-Guelma et Prolongements (BG) qui gérait aussi la partie nord du réseau ferré tunisien, d'abord pour son propre compte puis, sous le nom de Compagnie fermière des chemins de fers tunisiens (CFT), en concession sur le réseau nationalisé par l'État tunisien en 1922.
La compagnie P.L.M. a donc déployé des moyens de communications en faveur de ses activités des deux côtés de la Méditerranée. On peut notamment songer à des plaquettes assez luxueuses telles que l'Atlas P.L.M. consacré à la Tunisie, dont l'exemplaire ci-dessous date de 1920 environ. Sur la couverture, mêlant le style Art déco et les motifs orientaux, les deux vignettes - la gare de Lyon, à Paris, et El Jem - et le plan marquent clairement le lien établi par la compagnie P.L.M. entre son réseau ferré français et les liens maritimes avec le Maghreb.
La séduction au sens plus large passe aussi par l'exaltation de la nature, des paysages sauvages partiellement maîtrisés par l'homme, notamment par le biais d'impressionnants ouvrages d'art - ponts de pierre, viaducs métalliques et tunnels - qui sont extrêmement fréquents sur les affiches ferroviaires. Les horizons sont soit coupés de hautes montagnes soit plats jusqu'à perte de vue... et le train traverse toujours ces espaces quasi désolés d'un fier panache de fumée, sauf quand il s'agit bien entendu d'un autorail ou d'un convoi à traction électrique.
Une autre façon de développer l'intérêt du voyageur, sans doute plus masculin d'ailleurs, est la mise en avant des techniques de pointe utilisées par le rail, qu'il s'agisse des ouvrages d'art dont il a déjà été question, du matériel roulant dont on suit l'évolution dans le temps au fil des affiches ou encore des équipements de voies - signalisation et aiguillages. L'intérêt de tous, avec sans doute une faveur accrue pour les femmes, est mis sur le confort intérieur des trains, la qualité du service intérieur, ...
Les affiches des compagnies ont également contribué à développer ce que les auteurs du livre appellent l'invitation au voyage, le goût pour la découverte des provinces ou des pays voisins reliés par le rail. Et c'est là sans doute que j'émettrai une légère réserve sur l'intérêt de ce livre ; j'ai été en effet un peu déçu de ne pas y trouver la moindre affiche ferroviaire évoquant le Maghreb. Certes on ne peut nier que ces affiches sont moins nombreuses que celles d'outre-Méditerranée mais elles ne sont pas pour autant inexistantes.
On doit songer notamment à l'intérêt développé pour le Maghreb par la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, plus connue sous le nom de P.L.M., entreprise qui a été créée en 1857 et qui a survécu jusqu'à la nationalisation des réseaux ferrés français en 1938. La ligne ferroviaire de Paris à Lyon et Marseille ne pouvait que s'intéresser au Maghreb, étant donné son positionnement sur un axe de circulation majeur et au débouché maritime qui lui succédait en direction des terres où la France avait établi son autorité sous la forme de la colonie (Algérie) ou du protectorat (Maroc et Tunisie). Hormis certains navires qui reliaient le Maghreb depuis les ports de l'Atlantique, la ligne PLM était la clé d'accès évidente vers les ports les mieux disposés pour établir les relations entre les deux rives méditerranéennes.
On ne s'étonnera donc pas que la compagnie française PLM se soit de manières diverses positionnée sur le marché des transports entre la France et l'Afrique du nord occidentale. Elle a poussé cette logique jusqu'à gérer et étendre une part du réseau ferré algérien, notamment la liaison Alger-Oran et celle entre Philippeville (Skikda) et Constantine. PLM devait cependant coexister avec plusieurs autres compagnies ferroviaires, ce qui entraînait de nombreux changements pour les voyageurs au cours de leurs longs trajets. Nous citerons l'une de ces compagnies, finalement plus complémentaires que réellement concurrentes : la Compagnie des chemins de fer de Bône-Guelma et Prolongements (BG) qui gérait aussi la partie nord du réseau ferré tunisien, d'abord pour son propre compte puis, sous le nom de Compagnie fermière des chemins de fers tunisiens (CFT), en concession sur le réseau nationalisé par l'État tunisien en 1922.
La compagnie P.L.M. a donc déployé des moyens de communications en faveur de ses activités des deux côtés de la Méditerranée. On peut notamment songer à des plaquettes assez luxueuses telles que l'Atlas P.L.M. consacré à la Tunisie, dont l'exemplaire ci-dessous date de 1920 environ. Sur la couverture, mêlant le style Art déco et les motifs orientaux, les deux vignettes - la gare de Lyon, à Paris, et El Jem - et le plan marquent clairement le lien établi par la compagnie P.L.M. entre son réseau ferré français et les liens maritimes avec le Maghreb.
Ces liens prirent la forme concrètes d'associations économiques entre la compagnie P.L.M. et d'autres compagnies, qu'elles soient ferrées ou maritimes. Un exemple très concret en est la couverture d'une brochure de 1910 consacrée à l'Algérie, la Tunisie et l'île de Malte par la Compagnie Générale Transatlantique (C.G.T.) et les Chemins de Fer Paris-Lyon-Méditerranée (P.L.M.). [L'illustration représente le paquebot Charles Roux (1909) quittant la rade d'Alger pour Marseille.]
On apprend aussi par un prospectus consacré à la Tunisie par la Compagnie des Chemins de Fer de Bône-Guelma et Prolongements, dans la première moitié des années 1910, que des billets permettant de faire des "voyages circulaires" "sont en vente dans toutes les gares françaises du réseau P.L.M. et les Agences de voyage". La compagnie P.L.M. pouvait donc vendre en ce début du XXe siècle des billets comprenant des trajets maritimes ou ferroviaires sur des réseaux autres que le sien, à charge pour elle de reverser les sommes dues aux compagnies empruntées respectivement par les passagers.
Les affiches des compagnies ferroviaires concernant le Maghreb ne sont sans doute pas les plus fréquentes mais les documents figurés précédemment montrent que ce type de support publicitaire a bel et bien existé. Il conviendrait donc de les valoriser tout autant que les autres affiches touristiques, en n'oubliant pas que les compagnies maritimes mais aussi les offices de tourisme et, quelques années plus tard, les premières compagnies aériennes ont également produit leurs affiches publicitaires. Voici par exemple une très belle affiche de la Compagnie Générale Transatlantique (C.G.T.) qui incite à la rêverie nocturne...
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