J’ai rencontré cette charmante dame en me promenant au château de Versailles. Il s’agit d’une statue représentant l’Afrique, réalisée en 1682 par les sculpteurs Georges Sibrayque et Jean Cornu, deux des meilleurs artistes de leur temps. Le second avait séjourné à Rome, à l’Académie de France, une institution fondée notamment pour fournir au royaume de Louis XIV des copies de statues antiques. Jean Cornu a copié notamment pour Versailles l’Hercule Farnèse ainsi que des motifs reproduits sur des vases en marbre tels qu’une scène de bacchanale et une autre où figure le sacrifice d’Iphigénie.
Quant à la représentation de l’Afrique elle est elle-aussi tout droit inspirée de l’antiquité avec l’attribut classique de la proboscis, c’est-à-dire la dépouille d’éléphant portée sur la tête ; on reconnaît la trompe, les oreilles et les défenses de l’animal, le tout formant l’attribut spécifique de l’allégorie de l’Afrique. On y a ajouté dans le cas de la statue versaillaise le lion, symbole classique de noblesse, et qui devait sans doute évoquer le caractère sauvage et exotique du continent africain alors peu connu en France.
La statue de l’Afrique appartient à une grande commande statuaire passée en 1674 pour orner le parterre d’eau, au nord-est du château. Pas moins de vingt-cinq sculpteurs y ont contribué pour réaliser un ensemble cohérent basé sur la répétition de groupes de quatre statues : les quatres éléments, les quatre continents (l’Océanie n’étant alors pas prise en compte), les quatre saisons… et plus rare, les quatre poèmes (lyrique, pastoral, satyrique, héroïque), les quatre heures (le point du jour, l’heure de midi, le soir, la nuit) et les quatre tempéraments (mélancolique, colérique, sanguin, flegmatique).
On retrouve ici un langage familier de l’antiquité, notamment avec les représentations des saisons, souvent associées à d’autres éléments évoquant l’espace ou le temps. Il s’agit par là de signifier la maîtrise de l’espace et du temps par un principe souverain, qu’il émane du divin ou du pouvoir temporel ; en l’occurrence cette aspiration à la maîtrise est un manifeste à l’absolutisme royal du souverain français. Cette logique est ici développée plus encore avec la représentation des tempéraments qui renvoie à la maîtrise de soi. Les quatre poèmes font eux référence à la maîtrise des arts mais il est étonnant qu’on n’ait pas préféré plutôt quatre arts distincts que de décliner quatre types de poésies.
Cet ensemble de statues se comporte un peu comme une boussole géante qui diffuserait aux quatre points cardinaux, de manière universelle donc, les vertus royales. La seule énigme finalement réside dans le constat que l’organisation de ces statues dans l’espace laisse à désirer alors qu’elles auraient pu faire l’objet d’une savante mise en scène renforçant la cohérence de son message symbolique.
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