dimanche 4 mars 2018

Poésie liégeoise

L'endroit se mérite, à l'écart de l'agitation urbaine... de là haut, on embrasse une partie de la ville, le palais d'Erard de la Marck , les toits mosans, la fascinante coupole de Saint-André et le clocher fortifié de Saint-Martin, la tour néo-gothique de l'ancienne poste, la petite Manhattan en bord de Meuse, ...
Et au loin, il y a cette vague blanche aux Guillemins, au pied du phare du souvenir, et l'étrave de la Tour Paradis comme échouée devant elle...
Sur les murs de cette agréable terrasse où Liège se laisse apprécier au promeneur quasi solitaire, un inconnu a tagué sur les murs vénérables le tréfonds de ses pensées. "Je n'ai pas cherché quelqu'un comme toi" avoue-t-il à la première station de son cheminement, que je décide de suivre avec curiosité. Cette vision inattendue et quelque peu sacrilège me fait l'effet d'un miroir où l'âme ricoche pour mieux frapper le coeur : je crois lire mes pensées et les vivre... On peut bien ne pas ménager ses efforts : ce qui est réellement beau est souvent le fruit du hasard.



mercredi 31 janvier 2018

La chute


La chute d'Icare (Ikaro caduto), Igor Mitoraj, 2011.

Agrigente est un site archéologique sicilien parmi les plus impressionnants avec sa succession de temples antiques. Les uns sont posés sur une colline étroite et longue, entre mer et montagne ; les autres se trouvent dans la fameuse vallée des temples, en particulier le colossal temple de Zeus Olympien. Ce dernier est orné de statues colossales de géants pénitents - des "Télamons" - qui soutiennent avec douleur le ciel de leurs bras tendus. Ils portent tout le malheur du monde sur leurs épaules mais ce mal est nécessaire car le ciel sans eux se rapprocherait trop des humains et ne serait plus alors le siège des divinités.

La non moins colossale statue en bronze réalisée en 2011 par Igor Mitoraj en est l'écho lointain de ce mythique équilibre entre la Terre et le Ciel. Installée à Agrigente, La chute d'Icare rappelle en effet les géants effondrés du temple de Zeus et les limites que l'humain a commis l'erreur de vouloir dépasser. Les Télamons maintiennent cette "distance de sécurité" ignorée par Icare dans son vol fatal. Son père, le savant Dédale, faisait un usage raisonné de la science ; Icare, lui, est un ambitieux ramené à la raison par les traits du Soleil.

Le temple aussi qui voulait aller très haut n'est plus que ruine aux pierres creuses caressées par un vent mauvais qui en garde à chaque fois une petite part, ce sable dans lequel tout s'enfonce et cette poussière qui brûle les yeux. 

Tout l'art consiste donc à ne pas être las où l'on est.