A l’heure où j’écris, au-delà de minuit, il n’y a presque rien dans ma tête… rien hormis toi. Tu es près de moi, tout contre mon cœur. Je ferme doucement les yeux ; je te vois… Mes yeux font une vague tentative d’explosion… je résiste… j’essaie… je ne retiens plus rien…
Je pense à toi, à l’endroit où tu es et à ce que tu fais… je t’imagine tantôt dormant paisiblement, tel l’enfant sage que tu as été il y a longtemps, et tantôt en train de « faire les quatre cents coups », éternel rebelle à la Doinel.
J’ai peur, oui… souvent un peu… parfois beaucoup… je te saoule de mes « prend soin de toi » ou encore « ne fais pas trop de bêtises »… sachant bien que tu en feras toujours au moins un peu, que c’est ta nature et dans l’ordre des choses. Je m’angoisse un peu… beaucoup… c’est normal, tu fais partie de moi, de ma vie, de ma famille.
Je me souviens de t’avoir dit un jour que « je serai ton compagnon du jour aussi souvent que tu le souhaiteras mais je ne serai pas celui de la nuit ». Je suis trop ceci… pas assez cela… tu me connais bien… tu me traînerais comme un boulet… Une fois le soir venu, je suis plutôt enclin à me glisser paisiblement dans ma coquille jusqu’au lendemain ; pour toi, une autre vie commence… parfois.
Je me demande bien finalement lequel de nous deux est le plus raisonnable… moi qui suis toujours trop sage ou toi qui ne l’es pas toujours assez ? Il m’arrive d’ailleurs, dans certaines situations, de manquer moi-même un peu de sagesse et c’est toi qui alors me rassures, soit par ta présence, soit par ces mots que tu m’offres à distance.
Rien n’est simple…
Suis-je réellement aussi sage qu’en apparence ? En réalité, je suis capable de faire des choses assez folles pour les gens que j’aime. Les gens que j’aime me donnent toujours un petit grain de folie… Je suis fou sans toi… je veux être fou avec toi, comme je peux l’être avec d’autres. Je voudrais revivre ces instants si rares, si éphémères mais bienfaisants, où je sors de ma contenance habituelle pour me laisser aller vers un ailleurs qui provoque en moi une sorte d’ivresse naturelle.
Plus que tout autre, tu m’aides à me connaître, à faire le constat que mes limites sont bien plus éloignées de moi que je ne le pensais, à faire resurgir du passé certaines vérités enfouies dans mon âme et que je m’emploie à intégrer désormais sereinement dans ma vie actuelle. Mon auto-analyse a fait de sérieux progrès grâce à toi, grâce à la force de ton attachement pour moi et du mien pour toi, grâce à ce désir profond de me dépasser pour te surprendre sans cesse et pour t’éblouir autant que je le puis.
Continue, je t’en prie ! Aide-moi encore à savoir chaque jour un peu plus qui je suis. Tue-moi de ton regard transperçant comme la foudre ; poignarde-moi pour que je renaisse à nouveau… une troisième fois… encore différent et, je l’espère, meilleur… Vide-moi de mon sang et offre-moi un peu du tien.
Ton frère qui t’aime pour toujours.
P.S. Le titre de cette note est inspiré du titre d’un livre de Jean d’Ormesson, de l’Académie Française, une façon pour moi de rendre hommage à cet éternel jeune homme.