L’automne, tout comme le printemps, n’est pas une saison mais une intersaison ; il est une simple transition nous faisant lentement quitter l’été pour l’hiver. L’automne n’en est pas moins « ma saison », cette période de l’année qui m’a vu naître, celle où le soleil nous irradie à l’aube et au crépuscule de ses incroyables teintes rouge orangées, celle où le végétal retourne à la terre, celle où l’esprit divague entre le cycle de la vie et celui de la mort.
L’automne est la période poétique par excellence (avec le printemps, l’autre intersaison !). De nombreux poètes ont été inspirés par l’automne parmi lesquels Victor Hugo, qui publie à l’automne 1831 le recueil de poèmes Les feuilles d’automne ; Charles Baudelaire à qui l’on doit un Chant d’Automne, dans Les Fleurs du Mal, en 1857 ; Arthur Rimbaud, qui évoque l’automne dans le texte Adieu, inclus dans Une saison en enfer (1873) ; Guillaume Apollinaire, auteur de l’Automne malade, dans Alcools, recueil édité en 1913.
Voici les Rêves d’Automne d’Alphonse de Lamartine, publiés dans les Méditations poétiques, en 1820 :
« Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !
Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire.
J’aime à revoir encore, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois !
Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d’attraits.
C'est l’adieu d’un ami, c'est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !
Ainsi, prêt à quitter l’horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui,
Je me retourne encore et d’un regard d'envie
Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui !
Peut-être l’avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une âme que j’ignore
Aurait compris mon âme et m’aurait répondu ?...
La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphyr.
A la vie, au soleil, ce sont là mes adieux ;
Moi, je meurs et mon âme au moment qu’elle expire,
S’exhale comme un son triste et mélodieux. »
Voici Les Sanglots de l’automne de Paul Verlaine, parus dans les Poèmes saturniens, en 1866 :
« Les sanglots longs des violons de l’automne
Blessent mon cœur d’une langueur monotone.
Tout suffocant et blême, quand sonne l’heure,
Je me souviens des jours anciens et je pleure.
Et je m’en vais au vent mauvais qui m’emporte
De-ci de-là, pareil à la feuille morte ».
Voici L’automne de Roumi, paru sur ce blog le 30 octobre 2006 J :
Un Automne de la couleur du sang,
Balayé par le souffle fort du temps,
Voici ce que tu es et moi je t’aime.
Dans mon esprit sombre tu sèmes
L’ivresse de mon bonheur résolu
Et de mes rêves à jamais déchus.
Je te cède, ô raffinée mélancolie :
Je bois ton poison jusqu’à la lie.
J’offre mes mains froides à ce vide
Mais las, je m’effondre seul, livide,
Sur cette terre tapissée de feuilles
Qui forment mon tendre cercueil ;
M’offrant une bien douce chaleur,
Je m’embrase des mille couleurs
De ces si frémissantes frondaisons
Que tu fais pâlir, Nouvelle saison.
Mon corps baigne dans mes larmes
A l’ombre de chênes et de charmes
Aux corps presque nus et décharnés
Qui voilent l’horizon lointain désolé.
L’amour est mort, l’amitié lointaine !
Chacune de mes actions bien vaines
Me guide là où j’erre sans raison :
Tu es mon labyrinthe, Arrière-saison.
Seul l’astre aux rayons mordorés
Peut encore m’exhorter à t’adorer,
Vie composée de ces jours mornes
Où nulle fantaisie n’est une borne ;
Ses rougeoyant faisceaux percent
Mon cœur douloureux et le bercent
Tandis que son bel halo annulaire
Est promesse d’une alliance légère.
C’est donc au soleil que ma destinée
Je confie pour cette longue odyssée
Sur la voie où l’on meurt et renaît,
Résistant pour que ce vent mauvais
Ne me détourne point de mon destin
Et d’un espoir jamais tout à fait vain.
Bel Automne, incarnation du sublime,
Tu me déchires entre abîme et cime.