lundi 26 janvier 2009

La complainte du strapontin vide

Avec Toi, à la seconde précédente encore,
J’étais ici, mon Amour, ravi de mon sort,
Mais c’est maintenant ton strapontin vide
Qui recueille mon tribut de larmes acides.

Le corps si chahuté par ce métro trépidant,
Mon âme divague… vague à contretemps…
J’égrène nos souvenirs qui déjà s’enfuient
Et creusent un sillon en mon cœur endolori.

Un instant simple et cruel suffit à craqueler
Ce que des heures délicieuses ont façonné ;
Je saigne de Toi quand tu t’envoles de moi.

Je suis sage, mon Cœur, taisant mon émoi ;
Mon regard seul témoigne de ton absence
Sans que meurt l’espoir de notre Alliance.

lundi 19 janvier 2009

Le drapeau tunisien vu par un Français en 1882

Né en 1844 à Toulon, Privat-Agathon Hennique était passionné par la mer, un goût sans doute grandement favorisé dès l’enfance par son père, Privat-François-Agathon Hennique (1810-1870), général de brigade du corps de l’infanterie de marine, devenu à la fin de sa vie gouverneur de la Guyane Française. C’est tout naturellement donc que Privat-Agathon Hennique s’engagea dans la Royale, la marine nationale français. En 1881, il se trouvait dans la flotte militaire de l’amiral Garnault destinée à établir le Protectorat de la France en Tunisie. En tant que lieutenant de vaisseau, Privat-Agathon Hennique commandait un petit navire muni de pièces d’artillerie – une cannonière – nommé Le Chacal qui s’illustra notamment lors de la prise de Sfax, en juillet 1881.


En 1882, Privat-Agathon Hennique fit une étude des côtes tunisiennes, consignant ses remarques sur les navires de pêches croisant dans ce secteur, particulièrement ceux qui venaient y pêcher des éponges. Il y avait là des navires tunisiens, bien entendu, mais plus encore des navires italiens, maltais et grecs. Cette étude, parue en 1888 sous le titre Les caboteurs et pêcheurs de la côte de Tunisie. Pêche des éponges, décrit donc les navires utilisés ainsi que les techniques de pêche, le tout agrémenté de nombreux dessins dont certains en couleur.


Parmi les planches les plus intéressantes de l’ouvrage, on notera celles qui reproduisent les pavillons des différentes flottes. Voici les pavillons tunisiens :




Comme on peut le constater plusieurs pavillons étaient employés par la marine tunisienne lors du passage de Privat-Agathon Hennique, au moment de la mise en place du Protectorat français.


À terre, les défenses côtières, forts et batteries, étaient surmontés d’un drapeau rouge orné d’un sabre double. Si le drapeau rouge est clairement d’inspiration ottomane, l'épée à double pointe (l'épée d'Ali) est en revanche un symbole beylical que l’on retrouve dans les grandes armoiries des possesseurs de la Régence de Tunis, plus précisément sur l’étendard beylical qui figure en leur centre.


En mer, les navires de commerce utilisent le pavillon de la marine ottomane, pavillon rouge frappé d’un croissant de lune blanc et d’une étoile blanche à huit branches. Cet usage souligne le lien de vassalité de la Régence de Tunis à l’égard de l’empire ottoman : les navires marchands tunisiens appartiennent donc indistinctement à la flotte de commerce impériale.


Il en va différemment des navires de l’État, c'est-à-dire les navires de guerre ou tout autre navire officiel de la Régence de Tunis. Dans ce cas, le parti-pris est de distinguer nettement les navires tunisiens de ceux de l’empire ottoman. Le pavillon des navires de l’État n’est pas celui de l’empire, même s’il en est très clairement inspiré : pavillon rouge avec disque blanc frappé d’un croissant rouge et d’une étoile rouge à cinq branches ; hormis les proportions, qui sont depuis régies par la loi, c’est, dès le deuxième quart du dix-neuvième siècle, l'ancêtre du drapeau tunisien que nous connaissons aujourd’hui. Il reprend le fond rouge du drapeau ottoman ainsi que ses symboles mais en inversant leur couleur et en les plaçant sur un disque blanc.


L’idée de la création de ce pavillon typiquement tunisien serait venue à la suite de la sévère défaite navale des Ottomans à Navarin, le 20 octobre 1827, lors de la guerre d’indépendance grecque, où des navires tunisiens avaient combattu. Ce pavillon spécifique devait permettre aux navires tunisiens tant de s’identifier plus clairement au sein de la flotte militaire ottomane que de s’en distinguer aussi nettement le cas échéant, nécessité d’autant plus grande que la Régence, posant certains jalons caractéristiques d'un État moderne, entrait clairement dans une logique autonomiste et n’entendait manifestement plus partager systématiquement le destin de sa métropole.


Sur terre ou sur mer – pour les navires militaires –, s’affirme donc l’identité souveraine de la Régence et non plus spécifiquement ottomane. Il aurait été maladroit d’utiliser pour cette manifestation d’une souveraineté naissante l’étendard personnel de la famille beylical : cela aurait en effet trop nettement marqué ce mouvement d’autonomie susceptible de froisser le suzerain ottoman. Elle s’est donc réalisée plus subtilement, par le biais d’un pavillon maritime militaire distinct qui s’est ensuite généralisé comme drapeau terrestre et pavillon de l'ensemble de la marine.


D’après les dessins de Privat-Agathon Hennique, où coexistent encore les différents pavillons, y compris le pavillon maritime ottoman, il apparaît que c’est manifestement sous le Protectorat français que l’uniformisation du drapeau s’est produite. Il s’agit là sans doute de l’expression d’un souci de cohérence et de l’affirmation renforcée du détachement voulu de la Régence de Tunis du giron ottoman, une nécessité pour les Français alors que les Ottomans continuaient à revendiquer la possession de leur ancienne colonie. Cette affirmation s’inscrit cependant dans une relative continuité symbolique, marquée par la préservation de l’un des pavillons tunisiens déjà existants.


Le pavillon maritime tunisien est ainsi devenu l’unique drapeau tunisien sur terre et sur mer, l’étendard beylical aux bandes vertes et oranges étant quant à lui conservé dans sa fonction d’attribut officiel du souverain.


[This post is about history of the tunisian flag in the nineteen century, between the end of beylical period and the beginning of french protectorate.].

mercredi 14 janvier 2009

A contempler...

Je viens de récupérer par hasard le carton d'invitation d'une exposition tout juste achevée du peintre Jan Voss, organisée à Chalon-sur-Saône au mois de décembre 2008.

Autant dire que je n'ai malheureusement pas vu l'exposition ; je me suis toutefois consolé en admirant le bel échantillon imprimé sur le carton d'invitation. Le voici :

La première impression est celle d'un rendu saisissant de vérité en terme de profondeur. Il faut s'approcher, regarder plus attentivement, pour découvrir que ce relief existe bel et bien : l'œuvre est en effet conçue à partir de multiples formes en relief qui se superposent et se mêlent les unes aux autres.

Il y a là un jeu heureux d'illusion car, plus l'on s'éloignera et plus l'on sera persuadé d'être face à une toile véritablement lisse ; plus on s'en approchera au contraire et plus le regard saisira le volume, glissant au milieu de ces collines ou vallées que l'artiste lui a ménagé, épousant la courbe pour se mesurer soudainement à la droite, suivant une droite fuyante pour s'échapper finalement dans la courbe, ...

L'univers des formes est riche : cercles, lignes épaisses, triangles, cylindres, ondulations, ... Si le foisonnement et la disposition de ces formes bien connues nous interpellent, leur simplicité nous parle, comme un alphabet familier qui viendrait former des mots : arbre, bouche, croix, dent, étoile, lune, oeil, rivière, roseau, soleil, ... Le plus étonnant est sans doute cette faculté à la recomposition dont l'esprit est friand à partir d'éléments qui demeurent pourtant abstraits... L'oeuvre s'anime alors : ici un instrument de musique, là un animal hybride fantastique ou encore un visage.. notre inconscient personnel se révèle à travers l'expression artistique d'un autre.

Les couleurs sont chaleureuses, pour l'essentiel à dominante rouge. Les formes colorées deviennent autant d'éclats scintillants qui se répondent les uns les autres. L'ensemble rappelle des éléments héraldiques qui auraient été ici découpés avant d'être réorganisés différemment.

Jan Voss, toujours en recherche artistique, a créé des œuvres de styles très variés qui sont tout aussi passionnants ; une atmosphère à découvrir...

dimanche 4 janvier 2009

Au gui l'an neuf

Bien que nous soyons le 6 janvier, ceci est ma première note de l'année 2009 - rythme hebdomadaire oblige - et je viens donc faire un petit bilan de l'année écoulée, non sans avoir au préalable adressé mes meilleurs voeux à ceux qui ont encore la bonté de me lire.

Les deux années précédentes j'avais rédigé une sorte de synthèse reprenant mois par mois les mots les plus touchants qui m'avaient alors été adressés. Faute de temps, j'ai choisi de procéder cette année de manière moins exhaustive et de compléter cela par quelques remarques.

Voici donc quelques-uns des mots qui m'ont le plus touché en 2008 :
"1500 km nous séparent déjà et dire qu'il y a à peine une semaine on marchait côte à côte, c'est déroutant ! Sache que tu resteras encore et toujours mon frère et qu'importe la distance, je serai toujours là. Je t'embrasse, à très bientôt !"

"Tu constateras que je n'ai pas la même aisance que toi à me confier, je trébuche contre ce que je nomme pudeur, j'aimerais me raconter, mais déjà je me refuse cette présomption, je craindrais de t'ennuyer, mais je tiens à souligner que c'est un plaisir indissimulable que de te lire, alors ne t'arrête pas !"

"J'espère te lire très prochainement et mériter l'intérêt que peut susciter une amitié... naissante".

"Je suis fier d'être ton ami et vraiment très heureux de t'avoir connu !"

"T'es un AMOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOUR. T'ES LE MEILLEUR. GRAND GRAND MERCI POUR TOUTE CETTE RICHESSE"

"Tu es toujours dans mes pensées".

"Je ne trouve pas les mots pour te décrire mon émotion en lisant ton mail (...) tes phrases, tes mots si sensibles et touchants m'ont offert un pur moment de bonheur, ta sincérité et ta transparence me touchent énormément. merci beaucoup pour ce beau message. "

"Tu es et restes tout à fait fidèle à l'image que j'ai toujours eu de toi, un être tres sensible et romantique dans un monde qui manque de tout ce qui est sentiments et de beauté je trouve, mais n'est-ce pas la rareté de ces sentiments qui en fait leur vraie valeur ?"

"T'entendre, le jour de mon anniversaire, m'a fait vraiment plaisir, et même plus que cela... tu es de ceux qui pensent à moi à chaque fois. Je m'en réjouis. Et je te remercie encore."

"Te renvoyer des fleurs juste par politesse de ma part serait malvenu ici. Je me contenterai donc de pointer une de tes qualités que j'ai beaucoup appréciée : tu fais partie des gens qui ont une personnalité riche et profonde et qui n'hésitent pas à partager cette richesse avec les gens qui les entourent. J'ai côtoyé assez de gens pour pouvoir dire que c'est rare (tiens, ça c'est une fleur que je te rends !)."

Ces marques d'affection et d'autres reçues en 2008 m'inspirent quelques remarques.

D'abord les sentiments ne sont pas morts... on pourrait le croire dans ce monde marqué de plus en plus par la précipitation, la superficialité, ... on consomme les sentiments désormais, on les gère aussi à travers des sortes d'outils tels que Facebook qui est une sorte d'usine à amitié distante ou gestion des amis comme du bétail... Cette sorte rationnalisation des sentiments humains est affligeante ; ce sont souvent des barrières que l'on dresse ou des détours que l'on trace par le biais de ce que l'on croit être de belles avancées technologiques. Je suis donc content de ces instants précieux qui s'enracinent dans ce que nous avons de plus précieux : la communication directe, orale ou écrite.

Ensuite ces quelques extraits traduisent l'idée d'un engagement sentimental, d'un investissement de temps, de pensées, de gestes, ... ils témoignent aussi de la réciprocité de cet engagement. Cen'est pas de la chance de recevoir de tels mots ; c'est de la logique. Ces mots s'inscrivent dans un ensemble de mots, dans une atmosphère rendue favorable à leur éclosion. D'autres mots les ont précédé et d'autres les suivront ; c'est un engrenage simple mais fondamental. Les sentiments humains sont un véritable don de soi à l'autre sur la durée, avec l'idée de progression, même si parfois cette progression suit un profil irrégulier. L'essentiel en tout cas est de ne pas stagner ni de reculer sur le long terme... mais ceci ne peut se faire qu'à deux bien entendu et les espoirs nés demeurent fragiles, régulièrement déçus malgré le coeur mis dans cette belle oeuvre humaine.

Enfin ce qui est sans doute le plus touchant est la beauté de ces mots, plus encore ceux des personnes qui n'ont pas l'habitude d'exprimer leurs sentiments et qui puisent finalement en eux avec bonheur les ressources nécessaires à ce délicat exercice. C'est intéressant de constater combien des limites peuvent être heureusement franchies grâce à cette émulation des sentiments entre deux êtres.

Ces instants de bonheur ont été merveilleux ; espérons qu'il y en ait d'autres encore en cette nouvelle année.