lundi 28 décembre 2009

Je ne regarderai plus la mer comme avant...

Je ne regarderai plus la mer comme avant...

Un de mes ancêtres s'y est noyé il y a deux cents ans. Cela paraît anodin sans doute, lointain également, mais c'est comme si la mer était entrée d'un coup dans ma famille, témoin des derniers instants d'une infime partie de moi. Cela me rappelle également, une fois de plus, ton ombre, mon cher Alexis, car cela fait quinze ans déjà que mes larmes amères me rongent le visage chaque fois que je songe à toi et aux vagues assassines qui t'ont noyé quand j'attendais de te retrouver comme un Soleil, l'icône de mes quinze ans. Repose encore et encore en paix, mon Doux !

Je ne regarderai plus la mer comme avant...

Elle me rappelle le va-et-vient de l'amour avec ses vagues parfois tendres et parfois tranchantes... elle me rappelle l'amertume de ces rencontres toutes ressemblantes, de ces tornades qui prétendent nous emporter avec elles mais qui nous laissent en vérité le cœur brisé, étendus sur la grève pendant qu'elles s'enfuient. Pourquoi ces promesses vaines, ces mots euphoriques qu'un indécent mépris préfère distiller plutôt qu'une sagesse rude mais honnête ? Le sel nous ronge comme une maladie où les rechutes seraient infinies. Je ne serais pas fier si j'étais l'une de ces tornades qui ne connaît pas la valeur des mots et de la parole donnée. Contempler ce désastre, perdre son regard dans l'infini de cette mer grise me semble des plus pénibles. Où est la mer bleue qui me manque ? Une mer qui serait calme et qui ne connaîtrait pas la marée descendante, filant entre mes mains fatiguées des caresses prodiguées en vain. Il ne me reste qu'à me blottir dans ce qu'il subsiste de la grand-voile, insigne déchu des courses d'antan où j'avais l'espoir de reconnaître des terres véritablement préservées des maux de notre temps. Mon navire sans voile erre dans cet archipel de la Désolation et chaque île dont je me rapproche n'est que le souvenir d'un paradis qui s'est laissé mourir de honte et de corruption. Si je chavire, mes mânes iront rejoindre celle de mon aïeul... et celles d'Alexis. Lui au moins n'a pas eu le temps de me trahir.

dimanche 20 décembre 2009

Poème improvisé

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Ô noble descendant du prince Cyrus,
En ces instants doux je me prélasse
À l'écho étourdissant de tes grâces
Qui sonnent en mon âme l'angélus.
Ton ombre est ma seule lumière
En ces heures à demi-sombres
Où de la vie j'égrène les décombres ;
Rêvant d'un demain libéré d'hier,
Je songe à ton arbre à boussoles,
Cèdre que j'aimerais, affectueux Éole,
Bercer du chant de mes soupirs
Et abreuver longtemps de l'élixir
De mon tendre et timide regard :
Bonheur simple mais grand art.

lundi 14 décembre 2009

Le canapé virtuel

Seul ce soir sur notre canapé virtuel,
Souvenir de nos caresses mutuelles,
Le chant mélancolique d'Amsterdam
Tonne plus que jamais en mon âme...

Et le feu sacré de mon étoile vacille
Pendant que le Temps et sa faucille
Sont en ta possession, ô mon Ombre.
La froideur m'envahit... Je sombre...

Mes draps vides de toi, mon Coeur,
Brûlent mon corps de cette douleur
Que la distance seule rend limpide.

Plus que jamais tu es ma Pyramide,
L'Être qui me manque à en pleurer ;
Reviens vite adoucir notre pêché !


mercredi 9 décembre 2009

"Prends l'oseille et tire-toi !"

C'est un drôle d'anniversaire... J'ai un chèque un peu froissé dans mon tiroir de bureau... un chèque de décembre 2003. Déjà six longues années... Voilà tout ce qu'il me reste d'un ami : une simple reconnaissance de dette, un chèque périmé, tout comme l'est notre amitié !

Un imbécile a dit que "l'argent ne fait pas le bonheur mais qu'il y contribue"... à l'évidence, il n'y a rien de plus faux. Exception faite des besoins élémentaires que nous sommes tous en droit de vouloir satisfaire, tout ce que nous pouvons désirer de plus relève dans l'absolu du superflu. Quand on naît pauvre, on apprend à le demeurer. Certains finissent par l'oublier mais leur réveil est douloureux : tout confort excessif est un danger. On voit bien des gens pleurer en permanence qu'ils aimeraient avoir ceci ou cela... on voit ces gens qui ne supportent pas les fluctuations de leur compte bancaire, qui perdent la mesure de la simplicité et qui ne peuvent plus se passer d'un train de vie conséquent. Ces éternels angoissés du portefeuille n'hésitent pas à solliciter l'aumône publique afin de préserver les apparences ou encore de gommer grâce à d'autres l'effet en dents de scie de leur progression sociale.

Que peut-on attendre de ces gens ? Une fois le chèque signé ou la liasse de billets retirée de la banque, leurs attentions se font moindres... La vérité : ils s'éloignent. L'argent est aussi sale qu'une maladie honteuse... surtout ne pas penser qu'on doit son salut à d'autres que soit ! Les nouvelles se font de plus en plus rares... parfois on obtient un "je ne t'oublie pas", qui sonne comme un "malheureusement je n'oublie pas que je te dois de l'argent". Le rapport s'est transformé : l'amitié a cédé la place à un rapport de culpabilité de la part de celui qui a capté l'argent de l'autre et qui ne veut ou peut le rendre. Quoi de mieux alors qu'oublier ceux qui ont rendu ce grand service et qui le concevait avant tout comme une marque suprême de leur amour ?

"Trop con, trop bon" disons-nous de nous-mêmes qui pouvons encore rire dans d'aussi sordides circonstances. J'ai plusieurs milliers d'euros qui sont ainsi en errance... et il semble qu'un même scénario doive se reproduire régulièrement. Le plus triste c'est que moi le généreux n'ait plus une seule pièce dans mon porte-monnaie, plus un seul euro sur mon compte bancaire. À qui vais-je demander de l'aide ? À ces amis qui ont pris l'oseille et se sont tirés ? À ces gens à qui je n'oserais même pas demander un centime ou un millime alors qu'ils ne s'en sont pas privés ? La seule chose qui me dérange en ces moments difficiles c'est de me dire que j'ai parfois perdu à la fois l'argent et l'amitié, c'est-à-dire à peu près tout, le matériel et le spirituel.

Il y a un garçon que je connais à peine et qui a proposé de m'aider ; j'ai préféré lui dire que j'essaierais de m'en sortir sans le solliciter. Là encore ce type de situation ne peut que troubler : un inconnu qui veut nous secourir quand les personnes que nous connaissons sont inaptes à le faire, ne songeraient même pas à apporter une aide morale.

Je voudrais quand même remercier celui qui a payé la moitié de mon sandwich lundi ; nous n'avons pas grand-chose mais avons heureusement gardé le sens du partage.

dimanche 29 novembre 2009

J'ai rallumé la lumière...

Une vaine semaine déjà que je trépasse
À
l'ombre de ta beauté - elle ne se froisse
Pas - et que mes pas me mènent à toi,
Tel un cœur égaré à qui s'impose la loi

De tes yeux grenats - ils m'envoûtent -
Sur lesquels, Roseau, je m'arc-boute ;
Ton sage regard attise mon fol espoir,
Rendant toute autre pensée dérisoire.

Le jour délavé et la lumière éteinte,
Blotti dans ces fantômes d'étreinte,
Je confesse à nouveau ma profession

De foi, mes prières, tendre confusion.
Je songe à exister tout simplement :
Être plus qu'une poussière d'amant.

mardi 24 novembre 2009

Errances amoureuses

Une beauté comme on en rêve... une beauté qui donne des larmes quand le regard fusille l'incarnation de notre idéal. Tu n'es pas pour moi ; tout le monde te veut, je le sais... c'est écrit dans ton regard, la Lune et le Soleil brunis par la chaleur de ton esprit, éclatants comme l'intensité de ta vie. Tu as l'air serein, presque nonchalant. Que pourrait-il t'arriver de mauvais ? Si ce n'est pas moi ce sera quelqu'un d'autre... Tu m'appelles ? Je pousse un soupir et je sens un frisson courir sur mon corps tiède. Tu me fais penser à la beauté parfaite : le mystère et la grâce réunis. Si je pouvais sonder ton âme, je saurais ce que cache cette enveloppe parfaite. Si je voulais me consoler du fait que tu ne porteras jamais le regard sur moi, je dirais que ta personnalité n'est pas à la hauteur. Je n'en sais rien... je cherche le moindre indice mais tu demeures pour moi une icône que je voudrais pouvoir vénérer éternellement, embrasser de tout mon souffle, dévorer tes lèvres, laisser ton souffle étourdir mes narines, fermer les yeux timidement face à la puissance des tiens, caresser tes joues qui semblent si douces, me réfugier dans le creux de ton cou au goût de miel, je n'en doute pas.
Je lève les yeux au ciel... pourquoi as-tu effleuré mon pauvre être sans défense devant toi, sans armes pour lutter contre ceux qui ne te méritent pas autant que moi qui te promets déjà mille poèmes. La poésie ne sert à rien je le sais... seules comptent les apparences, du moins en premier lieu. Je ne suis rien. Mon écorce n'est, au mieux, que très banale ; je ne fais la différence que par ma substance, cela même que nous ne voulons pas voir. Es-tu comme les autres ? Sûrement oui... ta beauté a sans doute déjà égaré tes pensées et la facilité aura perdu déjà plus d'une fois cette impression que je me fais de toi. Comment l'apparence parvient-elle à me troubler autant, moi qui m'en méfie comme de la peste ? Comment puis-je croire plutôt que la bonté d'un être, que sa noblesse, n'est pas tant dans les traits de son visage que dans ce qui n'est visible qu'après des mois ou des années ? Je ne sais pas... la tête me tourne à force d'opposer ces pensées à ce que je vois de toi. Tu as fait de moi un marin fou qui va s'échouer dans la solitude de ses draps, ces vagues ô combien froides et glissantes, le vent de la nuit rugissant le chant des égarés morts de leurs amours chavirées trop tôt. Je l'aime déjà... c'est idiot ! On n'aime pas une ombre insaisissable... on ne se détruit pas par anticipation dans l'égarement d'une passion qui n'existera que dans nos regrets. Je l'aime encore... Il faut s'en libérer...

J'éteins la lumière...

lundi 16 novembre 2009

Coup de filet : un kamikaze arrêté à l'Institut du monde arabe



Eh oui ce n'est qu'un livre tombé de la bibliothèque de l'Institut du monde arabe dans un filet en contrebas [à l'intérieur du bâtiment, derrière les baies vitrées]... Notons l'installation de filets, probablement destinés à éviter qu'un de ces livres ne blesse quelqu'un dans sa chute ! C'est quand même incroyable de penser que des livres puissent tomber d'une bibliothèque et blesser des gens ! Encore un projet architectural qui avait été pensé dans ses moindres détails... et je ne dirai rien sur les moucharabiés électriques en panne ou encore cette maudite avant-dernière salle de l'espace d'exposition temporaire qui se termine en pointe, formant un volume que la muséographie peine toujours à exploiter.
Ce livre attend dans ce filet que quelqu'un vienne l'y chercher ! Une araignée peut-être...

lundi 9 novembre 2009

Alles gut zum Geburtstag Berlin !

Il y a vingt ans j'avais onze ans et je commençais tout juste à apprendre la langue allemande... Depuis l'enfance je passais mes journées à rêver en feuilletant les pages de mon grand atlas, l'un des plus beaux cadeaux que l'on ait pu me faire. Rêver... et aussi découvrir les larmes de notre monde... Le petit garçon précoce que j'étais, celui qui en savait trop pour son âge, n'avait pas réussi à comprendre pourquoi un trait sur son atlas séparait une Allemagne de l'Ouest et une Allemagne de l'Est. Quelle différence entre une république "fédérale" et une république "démocratique" ? Et cette question se reproduisait pour les deux Yémens ou encore les deux Corées.

1989... bicentenaire de la Révolution française... je venais de recevoir mon diplôme de "vertueux citoyen" après avoir planté un "arbre de la Liberté", en l'occurrence un des arbres les plus précieux, un ginkgo biloba, "l'arbre aux mille écus", à l'image de ces arbres de la Liberté plantés en 1789 partout en France. Pendant ce temps, le gouvernement chinois écrasait dans le sang la révolte de son peuple sur la place Tian'anmen... L'automne 1989 nous a fait frémir d'une émotion plus joyeuse : le neuf novembre Berlin est redevenue une ville comme les autres et mon atlas s'est trouvé simplifié. Je comprenais enfin qu'il n'y avait rien à comprendre dans cette Allemagne coupée en deux, dans cette ville de Berlin coupée en deux. La réunification était déjà en marche malgré les obstacles à soulever. Moins de deux mois après c'est la Roumanie qui s'est libérée, cette fois dans le sang, du régime oppresseur de Nicolas Ceaucescu, exécuté après un semblant de procès. Avant Saddam Hussein, dont le cadavre a été vu à la télévision, celui de l'ancien chef d'État roumain, fusillé, nous avait été présenté.

J'ai été en Allemagne au début de l'année 1990, dans ce qui était encore la capitale fédérale, Bonn. J'ai même pu visiter la chancellerie fédérale et la salle du conseil où se vivaient des heures historiques. J'ai été témoin de ces espoirs devenus réalités. Il reste malheureusement d'autres murs, véritables ou symboliques, à abattre. Le Temps n'est fructueux que s'il permet à la Sagesse collective de s'imposer. Les esprits, tous les esprits, doivent changer pour que ces murs tombent enfin ; reproduire des raisonnements qui n'ont pas eu d'effets depuis des décennies doit nous conduire à inventer de nouveaux chemins plus constructifs, plus subtils. Berlin, c'est un modèle universel de ce qui n'aurait jamais dû être, de ce qui a été et de ce qui n'est heureusement plus. On peut toujours espérer que partout où les gens pensent ne pas pouvoir vivre ensemble, des mains se tendent pour les réunir à nouveau sur des bases équitables et que chacun trouve la paix et le respect qui lui sont dus.


mercredi 28 octobre 2009

Agatha Christie et l'archéologie orientale

Agatha Christie (1890-1976) a acquis la célébrité avec ses remarquables romans policiers, particulièrement les séries mettant en scène Hercule Poirot et Jane Marple. Si l'on examine un peu l'ensemble de son œuvre, on découvre un attrait indéniable de l'auteur pour l'archéologie orientale.

En effet, dès 1923, Agatha Christie publie L'Aventure du tombeau égyptien qui illustre la fascination pour les richesses contenues dans certaines tombes égyptiennes inviolées de la Vallée de Rois ; c'est aussi l'une des premières fois qu'est évoquée la fameuse "malédiction du pharaon". Tout conduit donc à relier ce roman à la découverte de la tombe de Toutankhamon en novembre 1922. On sait d'ailleurs qu'Agatha Christie a rencontré Howard Carter, le co-inventeur de la tombe, en 1931, marque certaine de son intérêt pour cette découverte majeure.

En 1927, Agatha Christie fait la connaissance de l'archéologue Max Mallowan (1904-1978) sur le site d'Ur, en Iraq. Ils se plaisent et se marient en 1930. Agatha suivra ensuite Max dans ses campagnes de fouilles annuelles en Syrie et en Iraq des années 1930 aux années 1950.

Plusieurs romans seront inspirés de cette fréquentation régulière du Moyen-orient. C'est le cas du Crime de l'Orient-Express écrit à Istanbul en 1934, dans une chambre de l'hôtel Pera Palace . Dans Meurtre en Mésopotamie (1936), l'intrigue se déroule sur un site archéologique où la femme de l'archéologue est assassinée ; on y découvre aussi un imposteur se faisant passer pour le père Lavigny du couvent des Pères blancs de Carthage. L'Iraq retiendra à nouveau l'attention de la romancière en 1951 avec Rendez vous à Bagdad, une affaire d'espionnage sur fond de guerre froide.

Le roman Mort sur le Nil (1937) est écrit suite à une croisière effectuée en Egypte en 1933 avec Max Mallowan ; les passagers visitent des vestiges pharaoniques qui sont le théâtre d'une tentative d'assassinat. L'intrigue de Rendez-vous avec la mort (1937) se déroule sur le site jordanien de Pétra qui avait déjà été utilisé en 1934 dans La perle de grand prix, une enquête d'une série secondaire menée par Mr Parker Pyne.

En 1945, Agatha Christie publie La Mort n'est pas une fin, un singulier roman inspiré de la traduction d'un papyrus égyptien et qui transpose un scénario criminel dans l'Egypte antique.

L'influence de l'archéologie orientale est donc évidente chez Agatha Christie et il faut noter en parallèle l'absence de références aussi nombreuses à d'autres pans incontournables de l'archéologie méditerranéenne tels que les civilisations grecques et romaines. Peut-être faut-il y voir l'influence de Max Mallowan qui privilégiait les sites antérieurs à l'antiquité gréco-romaine lors de ses recherches ?

Agatha Christie a laissé un témoignage précieux sur son activité archéologique auprès de son époux. Il s'agit du récit Come, tell me how you live : an archeological memoir (La romancière et l'archéologue, pour la version française) paru en 1946. Outre la curiosité que l'on peut éprouver concernant la vie d'une grande romancière, ce récit est précieux pour comprendre l'histoire de la discipline archéologie en Orient et plus généralement dans les pays méditerranéen aux XIXème et XXème siècles. On y apprend par exemple que les archéologues avaient parfois le plus grand mal à recruter des ouvriers de fouille, les populations locales n'éprouvant aucun besoin de gagner de l'argent ; de même les ouvriers rentraient chez eux après avoir reçu leur paie hebdomadaire, ne revenant qu'une fois la somme épuisée. Ce sont de petits détails très réalistes qui s'accumulent avec le regard sensible d'Agatha Christie pour peindre un environnement et une époque.

Il s'agit aussi un témoignage original sur une terre riche et complexe, avec ses caractéristiques culturelles parfois pittoresques quand on songe à l'écart qui peut nous séparer aujourd'hui de certains comportements d'antan ou, au contraire, à la persistance de certains autres. C'est encore un aperçu du difficile apprentissage du vivre ensemble. Les diverses communautés ethniques ou encore religieuses vivaient les unes près des autres sans pour autant éprouver forcément une grande sympathie réciproque ; Agatha Christie évoque les bagarres inter-communautaires sur les chantiers archéologiques, la maltraitance des minorités, la haine religieuse larvée, les nécessaires accommodements avec les autorités locales ou encore les déboires administratifs. Le chauffeur arménien de la mission archéologique rêve d'écraser des Musulmans sur les routes parcourues.... les Musulmans persécutent les hommes "sans Dieu" (les Yézidis) qui préfèrent adorer le Diable pour mieux l'apaiser. Les populations locales sont désorientées de constater que les soldats français de la Syrie mandataire ne viennent pas les forcer à travailler sur le chantier de la mission Mallowan. Il y a mille anecdotes significatives dans ce livre.

C'est un monde trouble décrit à la fois avec humour et crudité, un monde où tous se côtoient sans forcément bien se comprendre. Il faut puiser dans le passé pour appréhender l'enracinement psychologique des gens et s'en inspirer pour analyser certaines problématiques contemporaines qui sont loin d'être nées artificiellement en quelques décennies. Alors que l'on chante souvent les louanges d'un passé faussement idéalisé, il est bon parfois, comme avec le récit d'Agatha Christie, de récolter les fruits du passé pour en tirer le meilleur parti dans nos actes personnels quotidiens. De l'archéologie orientale à la sociologie contemporaine, de la poussière recouvrant les tells mésopotamiens à nos rêves d'avenir, il existe bien une valeur qui transcende les différences : il s'agit de la quête du bonheur et ce dernier réside dans notre capacité à regarder en direction de l'Autre.

Agatha Christie Mallowan, La Romancière et l'archéologue, traduit de l'anglais par Jean-Noël Liaut, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 2006 (ISBN 2-228-90096-6).

mardi 20 octobre 2009

Hannibal à Vaux-le-Vicomte

Le château de Vaux-le-Vicomte est l'un des plus fameux de France, situé à 40 kilomètres au sud-est de Paris, sur la commune de Maincy (Seine-et-Marne). Vaux-le-Vicomte est LE château français du XVIIème siècle par excellence, creuset où les formes d'art les plus remarquables, servies par les meilleurs maîtres-d'œuvre du moment, se sont unies pour exceller, quelques années avant que Louis XIV ne s'empare de ce même état d'esprit pour son grand projet d'agrandissement du château de Versailles. C'est à Nicolas Fouquet (1615-1680), l'ambitieux surintendant des finances et ministre du roi Louis XIV, que l'on doit la réalisation de ce programme architectural. A Vaux-le-Vicomte l'aménagement par André Le Nôtre (1613-1700) des jardins a précédé la réalisation du château de l'architecte Louis Le Vau (1612-1670) : l'écrin avant la perle... Côté jardins, le château possède une majestueuse salle de réception de forme ovale surmontée d'une coupole. Son plafond, inachevé, porte seulement depuis 1840 un ciel d'où surgit l'aigle de Jupiter, souverain des dieux ; un autre décor était initialement prévu - Le Palais du Soleil du peintre Charles Le Brun (1619-1690) - mais la disgrâce de Nicolas Fouquet, survenue en 1661, met fin aux travaux de décorations encore inachevés. La salle ovale est ornée de quatre colonnes surmontées des bustes d'Octavie, soeur d'Auguste, de Britannicus et Octavie, les enfants de l'empereur Claude, et d'Hadrien ; nul doute que d'autres copies d'antiques devaient être destinées à compléter la décoration ; au XIXème siècle ont d'ailleurs été ajoutés en ce lieu les copies de bustes de douze personnalités romaines, essentiellement des empereurs, réalisées au XVIIème siècle.
La façade extérieure de la salle à coupole comporte un schéma architectural classique : un premier niveau de trois grandes baies quadrangulaires surmontées de tympans semi-circulaires, le tout fermé par des grilles métalliques ouvragées et encadré par des colonnes bosselées ; un entablement massif avec frise de triglyphes et métopes ornés d'écureuils - l'emblème de Nicolas Fouquet - ; une corniche ; un second niveau percé de trois fenêtres quadrangulaires, surmontées de tympans semi-circulaires ornés de bas-reliefs, le tout encadré de pilastres d'ordre ionique +sur lesquels s'appuient quatre statues féminines (la Force, la Vigilance, la Fidélité et une autre allégorie non identifiée) sculptées par Michel Anguier (1612-1686) ; un fronton triangulaire comportant un bas-relief représentant la Renommée, œuvre de Thibaut Poissant (1605-1668).
Au dessus de la baie centrale, les deux médaillons représentent, à gauche, Alexandre le Grand, (356-323 av. J.-C.) (pas de légende) et, à droite, Auguste (63 av. J-C.-14 ap. J.-C.) (Divus Augustus pater). Il s'agit des deux principaux souverains de l'antiquité, un Grec et un Romain, l'un premier empereur hellénistique et l'autre premier empereur romain. Ils symbolisent ce que la souveraineté a de plus prestigieux et constituent des références absolues pour les souverains de l'époque moderne, tels que Louis XIV, qui captent ces modèles au profit de leur propre gloire.
Au dessus de la baie de gauche, les deux médaillons représentent, à gauche, César (101-44 av. J.-C.) (Divi Iuli) et, à droite, Scipion (Scipio), qui doit être Scipion l'Africain (235-183 av. J.-C.) ou éventuellement son petit-fils adoptif, Scipion Emilien (185-129 av. J.-C.). Il s'agit là de l'exaltation de la grandeur romaine à travers deux de ses plus célèbres représentants, deux généraux qui ont étendu l'influence de Rome dans le bassin méditerranéen.
Au dessus de la baie de droite, les deux médaillons représentent, à gauche, la reine égyptienne Cléopâtre VII (vers 69-30 av. J.-C.) (Cleopatra) et, à droite, Hannibal (247-183 av. J.-C.) (Anibal). Il s'agit là plutôt de l'évocation de la grandeur "orientale" ; notons bien que Carthage est une ville occidentale et que son caractère oriental stricto sensu ne tient qu'à sa fondation par des Phéniciens. Ces deux personnalités charismatiques, la souveraine lagide et le général punique, représentent un Orient affaibli qui lutte cependant pour sa survie, s'affirmant au moins symboliquement comme égal à Rome.
Les médaillons des deux baies latérales semblent se répondent : à gauche, deux généraux romains et, à droite, deux incarnations du pouvoir "oriental". De même, ces médaillons sont liés deux à deux : César et Cléopâtre, connus pour leur confrontation politique qui mène au renforcement de la main-mise de Rome sur l’Égypte, [n'oublions pas aussi leur fils, surnommé Césarion] ; Scipion l'Africain et Hannibal, d'autre part, deux généraux confrontés lors de la deuxième guerre punique (218-202 av. J.-C.). Si l'on admet qu'il s'agit plutôt de Scipion Emilien, le rapport avec Carthage reste effectif puisque c'est ce général romain qui a vaincu Carthage et rasé la ville en 146 av. J.-C., à l'issue de la troisième guerre punique. On peut avancer également l'idée que ces médaillons illustrent le thème de la grandeur et de la décadence, une force qui s'accroît tandis qu'une autre décline : c'est aussi le reflet de la Vie, avec ses revers de fortune plus ou moins favorables.

dimanche 11 octobre 2009

Une drôle de madeleine...

Me revoici après un long mois de silence ; j'ai tenté d'écrire plusieurs fois durant cette période : un poème, un compte-rendu de lecture, un récit de visite de musée, ... Rien à faire cependant : je n'ai pu terminer aucun de ces textes. J'espère avoir un peu plus de force aujourd'hui. J'ai souvent entendu parler de la madeleine de Marcel Proust, ce souvenir gourmand de l'enfance qui l'accompagnait dans sa vie d'adulte. Pendant longtemps ce concept m'est resté étranger, n'étant pas en mesure de définir ce qui était équivalent en moi. Et puis... et puis le souvenir d'une rose éteinte a éclairci l'invisible ces derniers mois. C'est ce que l'on appelle le travail de deuil, avec ses moments troubles où s'entremêlent le bon et le moins bon.

Je songeais innocemment à ces stalagmites d'amour quand m'est revenu mon premier souvenir gourmand. Un gâteau que ma rose apportait quand elle venait me voir ; il m'a suffi de songer à ce gâteau, de penser aux circonstances, toujours identiques, qui ont conduit à sa dégustation pour me faire sombrer immédiatement dans un profond émoi, une passion mélancolique au goût amer puisqu'elle ne se conjugue plus désormais qu'au passé.

C'est encore à ma rose que je dois finalement le deuxième souvenir gourmand, celui d'une curieuse pâtisserie française qui ne se fait plus guère malgré son originalité et le succès qu'elle remportait aisément auprès des enfants : il s'agit d'un cochon. Ce gâteau est constitué d'un biscuit roulé garni de confiture et recouvert de pâte d'amande rose ; on rajoute une tête, des oreilles et la queue en pâte d'amande ainsi qu'un peu de chocolat pour les yeux et la bouche, éventuellement aussi les narines. C'est un gâteau très amusant à voir et à manger, très bon aussi.

L'ironie c'est que mes parents, pour faire plaisir à mes sœurs et moi-même, ont eu le plus grand mal à trouver une pâtisserie qui fabrique encore ce gâteau... et c'est chez un boulanger-pâtissier d'origine tunisienne qu'ils ont pu en acheter. Voilà alors je remercie beaucoup ce Tunisien d'avoir de ses mains rendu possible cette petite régression temporaire dans mon enfance, ce qui m'a permis également de penser à ma rose chérie que je cherche souvent parmi les étoiles.


P.S. Cette note est écrite à la lumière d'une bougie puisque le courant est en panne pour la seconde fois de la journée dans mon quartier !


lundi 7 septembre 2009

Zéphyr

Ô mon Zéphyr au parfum de violettes,
Tu parsèmes mon coeur de ces fruits ;
Je m'en délecte quand, sans nul bruit,
Tu t'éloignes de moi, mon Alouette...

Oiseau rebelle, tu picores mes vers
Et me condamne au corps à coeur ;
L'errance de nos deux âmes en peur
Nous emmène au diable Vauvert...

Quand nous serions heureux au pré
L'un auprès de l'autre, bien enlacés,
Toi mon Arbre... et moi ta Terre...

Toi mon Soleil et moi ton Univers.
N'attend pas la vérité des larmes
Pour t'imprégner de mes charmes.

lundi 31 août 2009

Apprendre l'Autre

Je songe souvent à ce que serait "l'humanité" si certains d'entre nous n'étaient pas capables d'aller plus que d'autres au devant de l'inconnu ou encore de la différence. Malgré les diverses sources de l'éthique, qui sont d'ailleurs parfois assez confuses à ce sujet, ces élans de l'âme et du cœur demeurent relativement rares par rapport à ce qu'ils devraient être.

Apprendre l'Autre n'est certainement pas simple et pas nécessairement spontané à la base. Certains l'apprennent, d'autres le ressentent instinctivement. Pour moi qui ai souvent été dans la jeunesse pointé du doigt comme le mouton noir et contraint à certaines formes d'exclusion, je ne saurais dire s'il s'agissait d'un apprentissage ou d'un instinct mais il y avait sans doute des deux. En effet, c'est peut-être parce que l'on ressent différemment l'Autre que l'on en arrive parfois à différer de la masse et se retrouver comme l'os surnuméraire du squelette communautaire.

Être marqué du sceau de la différence depuis toujours, être cet éternel Autre même pour les siens, contribue également à méditer précocement sur quelques-uns des maux de l'(in)humanité. Ouvrir la bouche ou déplacer une main avec la crainte d'avoir déjà offensé bien des gens est un apprentissage qu'on ne souhaite à personne mais qui éclaire bien de ces malheureuses consciences à qui l'on n'a pas laissé le choix face aux certitudes qui assiègent leurs contemporains.

Quoi que l'on fasse et dise, une force mystérieuse nous confine au tragique vertige de l'incompréhension perpétuelle. Si l'on n'en ressort pas aigri et agressif - un loup enragé par les autres loups - on peut au contraire s'en tirer pétri d'amour et de diverses qualités qui sont avant tout nos boucliers.

Le calme et le silence... pour ne pas se faire remarquer plus qu'on ne l'a déjà été. La réserve par rapport aux discussions... donner trop explicitement son avis pourrait nous valoir des réactions désagréables. Que nous reste-t-il alors ? Un monde en grande partie intériorisé, un univers où l'imaginaire a sa place tout autant que la lucidité née des épreuves. On se parle à soi-même à défaut de pouvoir forcément parler aux autres ; on compose des discours que l'on se récite, arguments à l'appui, sur les sujets dont on ne débattra jamais en public. On sort parfois timidement et inconsciemment de cette réserve pour le regretter presque aussitôt !

L'observation est un autre élément significatif... l'air amorphe de l'asocial notoire ne doit pas faire penser, comme il arrive, qu'il présente des déficiences mentales. Au contraire, il est souvent observateur et assailli d'informations sensorielles, émotif à souhait, résistant parfois difficilement aux réactions hostiles. Anxieux, il se réfugie dans la solitude et finit par croire qu'il l'a lui-même choisie.

La culpabilité... cet éternel Autre se montre soucieux de l'attention qu'on lui porte ; il apprend à gérer les réactions désagréables mais en est atteint. Il culpabilise au moindre problème, qu'il s'agisse d'un éclat de voix ou d'un silence qui se prolonge. Il préfèrera ne pas contrarier les gens qu'il aime plutôt que d'exercer la liberté dont les autres usent et abusent spontanément.

Il en arrivera même parfois à des gestes maladroits qui s'ajoutent à d'autres gestes guidés par le manque de confiance, ce dernier étant proportionnel à l'intérêt qu'on lui porte. Il se livrera ainsi spontanément à de quasi-inconnus, pensant trouver en eux la confiance et l'ouverture d'esprit dont il a besoin. Parfois son choix risqué s'avère couronné de succès ; souvent il se prend une magistrale claque dans la figure et celui qu'il regardait comme l'Espoir s'évanouit dans la masse inhumaine qui ne l'étonne plus.

*****

Je crois que je lui ai dit des choses qui lui ont déplu... je pense qu'il ne me parlera plus jamais. Je peux déjà le dire au regard des expériences passées. J'étais pourtant sincère, évoquant ce que je suis et qui n'a rien de déshonorant, sans me sentir meilleur ou pire qu'un autre. Être différent de toi sur certains points, n'est-ce pas cela au fond qui rapprochent les personnes entre elles ?! N'a-t-on pas assez d'occasions de se rassurer de l'existence de "communautés" de pensée pour craindre un regard distinct et si isolé ?! Doit-on passer sa vie à consolider ses idées ou les remettre systématiquement en cause au contact d'autrui ?!

Fais ce que tu veux... mais sache que tu me tues, que tu me flétris un peu plus encore par ces mots que tu retiens. "Si tu diffères de moi, mon Frère, loin de me léser, tu m'enrichis !" disait Antoine de Saint-Exupéry... Si nous ne sommes pas deux jumeaux, c'est heureux, tu sais ! Ceux qui passent leur vie à se chercher simplement dans un miroir complaisant n'atteignent pas les cimes qui leurs sont promises. Je crois bien que j'ai besoin de toi, de ton regard, de tout ce que tu es et que je ne suis pas. Je préfère l'addition des différences que la conjonction des conformismes ; je préfère unir ce qui ne l'est pas plutôt que de réunir ce qui l'est déjà ; je préfère le danger des mots frêles que j'esquisse à la sécurité des discours complaisants. Ce qui te fait manifestement peur en moi, c'est ce qui me rassure en toi.

Partageons sans crainte...

lundi 24 août 2009

"Des larmes et des saints"

Cela fait longtemps qu'aucun poème n'a passé le seuil de mon âme ; les mois passés ont été peu propices en terme de concentration ; quant à mes sources d'inspiration certaines se sont faites timides tandis que d'autres se sont faites sables émouvants mais fugitifs. Pourtant le flot de ces mots qui chantent me manque, c'est une certitude. Essayons de voir s'il est possible d'y remédier !

À nouveau des larmes et des saints obscurs, -
Laissant songeuse même la Vierge de Tibur
-,
Une fois encore leurs charmes évanescents

Vont m'élire du Lendemain l'éternel Enfant
,

Celui qui ressent ce qu'il ne sait et ne saura
,
Quand son âme revêt l'ombre du
Sahara,
Père inconnu devenu pour lui si familier !

Le vertige de vos absences me fait plier


Telle feuille de papier délicate et fragile
Aux mots maudits, ce poison des anges

Qui ronge mon sang en vaines louanges
.

Le don de soi n'est plus, privé d'audace,
Et les instants merveilleux trépassent ;
Il ne reste que toi, Souffle de feu gracile !