lundi 31 mars 2008

Promenade au cimetière

C’était il y a déjà bien longtemps… une éternité me semble-t-il, surtout quand je pense au temps qui s’écoule, éloigné de toi. C’était notre deuxième rencontre.

Nous décidons de porter nos pas vers un cimetière... étrange façon de célébrer la vie et l’amitié fraternelle qui nous unit ! La vénérable nécropole du Père Lachaise – ce dernier était le prêtre confesseur de Louis XIV – s’avère l’endroit le plus propice à ce dessein.

De la station de métro Gambetta, démesurément longue pour cause d’avalement glouton de la station voisine Martin-Nadeau, nous empruntons l’avenue du Père Lachaise et gagnons l’entrée principale du cimetière, sous le ciel plus que menaçant d’un été profané.

C’est l’ombre massive du crematorium et des galeries du columbarium qui nous accueille. Curieuse construction en style néo-byzantin, mêlant les styles architecturaux et décoratifs pour que chacun, selon ses convictions spirituelles, s’y sente chez lui, le crematorium est l’endroit de tous les paradoxes : au sous-sol une fournaise qui sublime le corps des disparus et au rez-de-chaussée la famille et les amis qui attendent une ou deux heures dans un froid glacial et une atmosphère souvent des plus sinistres.

Autour du foyer se trouvent les ruches… des milliers de petites cases où reposent les cendres d’autant d’inconnus. Le sous-sol est également parcouru de galeries semi-obscures abritant des milliers d’autres cases et parcouru de senteurs fortes de fleurs et d’encens.

Il pleut… énormément… nous nous abritons sous l’une des galeries du columbarium. Nous parlons de la mort… de notre mort et de ce qui se passera ou ne se passera pas ensuite. Je te parle de mon testament, écrit à l’âge de vingt ans, de mon désir de partir à l’antique, c’est-à-dire sur la version moderne du bûcher funéraire romain dont l’âme des grands hommes, élevés par les dieux, s’échappait sous la forme d’un aigle.

Nous décidons de poursuivre notre visite sous l’eau en pressant un peu la cadence. C’est le moment que tu choisis curieusement pour le déjeuner ; il est vrai qu’il est déjà un peu tard. Tu sors donc ton mini sandwich et tu m’en donnes la moitié.

Je t’ai aimé deux fois plus, petit Frère, après ce petit geste qui n’a l’air de rien mais qui résumait notre bonheur simple et touchant.

Nous mangeons donc alors parmi les morts et c’est l’occasion d’évoquer les traditions diverses, passées ou présentes, par lesquelles les morts reçoivent de la nourriture et partagent le repas des vivants, un usage pour ainsi dire perdu en France.

La descente vers la partie basse du cimetière se fait facilement à travers des chemins enlacés au coteau du Mont-Louis, auquel s’accrochent de multiples tombeaux blottis les uns contre les autres. Nous côtoyons une succession de pyramidions, mastabas, temples grecs, obélisques, … avec un entrelacs de symboles de toutes origines : tout un résumé de l’histoire de l’art.

Tout cela s’achève par un peu de recueillement auprès des éternels amants, Héloïse et Abélard, transférés au cimetière du Père Lachaise en 1817 pour inciter les Parisiens à se faire également enterrer dans ce cimetière de l’Est, originellement peu attractif car établi hors les murs de la capitale, dans un de ces faubourgs mal famés de l’époque.

Certaines personnes détestent les cimetières, y craignant les égarements de leur âme au milieu de cette funeste assemblée. Mais peut-on parler du Père Lachaise comme d’un cimetière ? Certes mais c’est bien plus que cela : un véritable parc où les arbres cohabitent avec les sépultures, un véritable lieu de vie où se croise une population très variée vieilles femmes portant le deuil, joggers, curieux à la recherche de la tombe d’une des nombreuses célébrités du cimetière, passionnés d’art et d’histoire, ... Tout le monde s’y retrouve pour goûter au calme des lieux et au silence qui s’en dégage parfois pour le plus grand plaisir de nos âmes éprouvées.

Chacun laisse son regard divaguer et découvre à coup sûr une nouveauté, une sépulture qu’il n’avait pas remarqué, une inscription funéraire singulière qu’il s’applique à lire, prolongeant ainsi la mémoire des défunts et une sorte de dialogue avec eux à travers le temps, tout comme les trépassés romains qui pouvaient ainsi interpeller le passant : Heus tu viator, veni hoc et queiesce pusillum ! Innuis et negitas ?! Tamen hoc redeundus tibi ! (« Eh toi, voyageur, viens donc ici et repose toi un peu ! Tu fais signe que non ? Tu refuses ? C’est pourtant bien ici que tu reviendras un jour ! »).

Avant d’y revenir un jour peut-être pour toujours, j’aimerais y revenir avec toi…

lundi 24 mars 2008

L'anonymat

Mes réflexions des dernières heures concernent internet... ses avantages et ses défauts, les avancées et les dérives qui en découlent. J'avais déjà longuement évoqué ici un certain nombre de problèmes inhérents à l'utilisation que l'on fait d'internet, que ce soit le sentiment d'appropriation par les bloggeurs usagers d'un agrégateur ne leur appartenant pas ou encore le développement inquiétant de l'usage de wikipédia, une encyclopédie structurellement déficiente en matière de fiabilité. Je ne vais pas y revenir maintenant mais je dois constater que ces problèmes subsistent sans réelle amélioration.

Après ces deux aspects, deux autres me viennent à l'esprit. On frise donc la
Tétralogie wagnérienne d'autant plus que mon éclairage est un peu sombre, j'en conviens, mais plutôt lucide par ailleurs.

Je laisse l'un de ces deux aspects dans l'immédiat - il concerne les messageries instantanées - pour me concentrer sur celui relatif aux liens sociaux établis sur internet et la notion d'anonymat qui en découle.

Je ne peux m'empêcher de songer à la petite démonstration du week end à laquelle je me suis adonné... prouver à un correspondant, dont je ne connaissais pas le nom, que les quelques informations qu'il m'avait lui-même données à son propos me suffisaient à briser son anonymat et, en particulier, à découvrir son nom de famille. Pour cela rien de plus simple : savoir réfléchir un peu et savoir se servir des fonctions basiques d'internet.

Ayant énoncé ce principe il ne m'a pas fallu plus de dix minutes pour parvenir au but recherché et indiquer à mon interlocuteur, pour le moins surpris, son nom de famille et quelques autres renseignements à son propos, la cerise sur le gâteau si j'ose dire, étant la découverte sur internet d'une photo de mon malheureux correspondant, tout perturbé par mes révélations inattendues et la facilité avec laquelle on pouvait connaître aussi facilement une part de son identité et de son existence.

Le tout a été récolté le plus légalement du monde sur internet que ce soit sur des sites institutionnels ou encore des réseaux sociaux, ce qui amène à s'interroger sur les risques encourus par un individu qui souhaite conserver son anonymat mais qui, parallèlement à cela, se trouve soit volontairement soit involontairement présent sur divers sites qui donnent des informations précises à son sujet.

Quand il s'agit de sites institutionnels on doit bien convenir que cela a en général une utilité appréciable, notamment en termes professionnels. En revanche, pour ce qui est de tout le reste, mieux vaut se poser de sérieuses questions car on se retrouve vite piégé pour ce qui est de l'anonymat. Il y a bien entendu les blogs dans lesquels nous nous dévoilons partiellement et qui peuvent, même en dépit de nos efforts, donner suffisamment d'informations à un lecteur quelconque pour nous reconnaître. On ne peut prétendre honnêtement qu'à un semi-anonymat, d'autant plus quand on se prend au jeu des contacts directs avec d'autres bloggeurs. Cependant ces écrits que nous laissons sont conscients et volontaires. On peut en général aisément percevoir la portée de nos mots et les risques que chacun d'eux fait courir à notre anonymat.

Il n'en va pas toujours de même des initiatives de nos interlocuteurs qui n'hésitent parfois pas à afficher des photographies collectives ou diffuser des informations explicites sans avoir forcément perçu les conséquences qui peuvent en découler. On doit donc constamment veiller à ce que notre intimité ne soit pas dévoilée par les autres quand nous-mêmes nous y refusons ; c'est une attention de chaque instant vu la rapidité avec laquelle une information peut être diffusée. Cette tentation de dévoiler l'autre vient de plus en plus forte, à mesure que se développent les outils pour cela, notamment les appareils intégrés aux téléphones portables qui permettent de faire des photos où que l'on soit.

C'est une sorte de dérapage inconscient vers lequel on tend et avec d'autant plus de facilité que la mode est de plus en plus à des espaces réduits, à l'apparence plus intime... j'ai nommé les sites de réseaux sociaux. Le blog, ouvert à tous, suscite toujours une forme de prudence tandis que les réseaux sociaux semblent en revanche s'en affranchir plus facilement. C'est ainsi que l'on peut tout connaître de la vie de l'autre, dans ses détails les plus précis mais pas forcément les plus significatifs. Nous ne sommes plus acteurs de la vie des êtres que l'on aime... nous sommes simples spectateurs, comme derrière la vitre d'un aquarium où nous observons l'autre faire des ronds dans l'eau, invités à échanger des mots brefs en réponse à d'autres mots brefs. Ce ne sont plus des caresses mais des souvenirs de caresses réduits à l'état d'effleurement. De virtuels qu'ils étaient, des amis devenus bien réels retournent implacablement et sans sourciller à leur état premier, aspirés par cette bulle pesante de rapports semi-automatiques et impersonnels. N'a-t-on pourtant jamais pesté contre nous-mêmes en nous disant dans des circonstances douloureuses "je croyais le/la connaître" ? Aujourd'hui plus encore nous risquons de nous trouver devant des personnes familières dont nous ignorons la profondeur, des êtres connus mais que notre négligence confine à une forme paradoxale d'anonymat.

J'ai la faiblesse de penser que, même si je ne suis pas toujours en mesure de m'adresser personnellement à chacun des êtres que j'aime de manière régulière, ce texte hebdomadaire que l'on trouve ici depuis deux années déjà est un supplément d'âme qui parle régulièrement et personnellement à chacun, connu ou inconnu ; il s'agit d'un îlot de plus en plus perdu au milieu d'une mer désolée, un espace où plus on pense se livrer aux autres, grisé que l'on est par les facilités techniques, et moins l'on se rapproche de la vérité de l'être, prisonniers que nous sommes des carcans d'une technique asservissant sans résistance notre humanité.

mardi 18 mars 2008

En t'attendant... peut-être...

Autant dire que ces deux derniers jours je me suis demandé ce que j'allais écrire ici. Parfois j'ai des idées très précises longtemps à l'avance... parfois même un an à l'avance ! Il me vient aussi des idées qui me plaisent mais je préfère en différer la réalisation... je me retrouve alors sans rien pour l'instant présent. Plusieurs idées me sont donc venues mais aucune d'elles ne l'a emporté pour l'instant. Je me suis donc résolu à tenter l'expérience de l'écriture directe sur le blog, technique que je n'utilise pour ainsi dire jamais. Ce texte aura donc au moins une certaine originalité !

Le titre m'est venu... comme une évidence. Il est certain que je t'attends... chaque nuit je t'attends. C'est étonnant... et surtout troublant. Quand tu es là je suis le plus heureux des hommes... quand tu n'es pas là je veille avec espoir comme maintenant où je lutte contre le sommeil en écrivant le texte pour mon blog. Je suis toujours prêt à repousser mes limites pour toi et parfois c'est au moment où je suis prêt à renoncer que ta main vient me rattraper.

Voilà ! C'est la magie de mes pensées... tu surgis... maintenant... tu es là !


Cinq minutes seulement qui me donnent à la fois le bonheur et l'amertume. Le bonheur de ce geste que tu fais en pensant à moi et en venant vers moi ; l'amertume de l'éphémère. Nous sommes souvent très fatigués à ces heures indues. A l'heure où d'autres rêvent, inconscients, nous rêvons aussi mais les yeux grands ouverts, la couleur de nos yeux se mêlant dans un grand éclat de joie !

Rêve simple d'une tendresse infinie qui s'impose à nous comme une évidence... magie des temps qui nous uniront toujours, aussi éloignés que nous puissions l'être l'un de l'autre.

Un frisson traverse mon corps. J'ai froid et plus de quoi me réchauffer. Il est presque deux heures du matin. Je n'ai plus envie de dormir déjà mais rien de mieux à faire que d'aller rêver comme les autres. Au moins aurais-je pour toi mes dernières pensées conscientes de la journée... Encore un frisson et ma mâchoire prête à se décoller ! Adieu toi, mon souvenir, que je quitte en attendant de te voir renaître bientôt.

lundi 10 mars 2008

Prodige à Monastir...

"Monastir 11/02/08 00h00 (de notre envoyé spécial) -- Un fabuleux spectacle s'est offert ce soir, sur fond de soleil couchant, à la population de Monastir. Chacun a pu en effet observer l'apparition de deux véritables bougies encadrant un superbe gâteau orné de fruits.
D'après les spécialistes consultés, ce prodige coïnciderait avec le deuxième anniversaire du blog de Roumi."

mercredi 5 mars 2008

Le plat pays...

Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues
Et de vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont à jamais le coeur à marée basse
Avec infiniment de brumes à venir
Avec le vent de l’est écoutez-le tenir
Le plat pays qui est le mien

Avec des cathédrales pour uniques montagnes
Et de noirs clochers comme mâts de cocagne
Où des diables en pierre décrochent les nuages
Avec le fil des jours pour unique voyage
Et des chemins de pluies pour unique bonsoir
Avec le vent d'ouest écoutez-le vouloir
Le plat pays qui est le mien


Avec un ciel si bas qu’un canal s'est perdu
Avec un ciel si bas qu’il fait l'humilité
Avec un ciel si gris qu’un canal s'est pendu
Avec un ciel si gris qu’il faut lui pardonner
Avec le vent du nord qui vient s’écarteler
Avec le vent du nord écoutez-le craquer
Le plat pays qui est le mien


Avec de l’Italie qui descendrait l’Escaut
Avec Frida la blonde quand elle devient Margot
Quand les fils de novembre nous reviennent en mai
Quand la plaine est fumante et tremble sous juillet
Quand le vent est au rire quand le vent est au blé
Quand le vent est au sud écoutez-le chanter
Le plat pays qui est le mien.

Jacques Brel, Le plat pays, 1962.

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Un pays quasi inconnu pour moi et dont je rêve…
Vision voilée par la brume que le soleil crève…
Un jeune pays que certains rêvent de diviser…
L’Union fait la force, ne l’oublie pas… jamais !

Un plat pays dont la cime est le Signal de Botrange…
Phare d’une terre où doivent fleurir les mélanges…
Un pays où les gens ont de la vie une autre vision…
Hergé, Magritte, Folon, Verhaeren, Brel, Simenon, …

Un pays où un inconnu se dénomme comme moi…
Le vertige de mes racines provoque mon émoi…
Un pays qui est le tien, Toi à qui je songe...
En souvenir du temps lointain, il est aussi mien…


Le Belge le plus célèbre au monde