lundi 25 décembre 2006

Ecrire quand même...

Etre pour écrire... écrire pour être...
Vivre pour écrire... écrire pour vivre...
Exister pour écrire... écrire pour exister...
Aujourd’hui j’écris parce que, comme hier et demain, je suis, je vis, j’existe...
Penser pour écrire... écrire pour penser...
Ressentir pour écrire... écrire pour ressentir...
Rêver pour écrire... écrire pour rêver...
Aujourd’hui j’écris parce que, comme hier et demain, je pense, je ressens, je rêve...
Pleurer pour écrire... écrire pour pleurer...
Souffrir pour écrire... écrire pour souffrir...
Se battre pour écrire... écrire pour se battre...
Aujourd’hui j’écris parce que, comme hier et demain, je pleure, je souffre, je me bats...
Apprendre pour écrire... écrire pour apprendre...
Partager pour écrire... écrire pour partager...
Tolérer pour écrire... écrire pour tolérer...
Aujourd’hui j’écris parce que, comme hier et demain, j’apprends, je partage, je tolère...
Avancer pour écrire... écrire pour avancer...
Croire pour écrire... écrire pour croire...
Aimer pour écrire... écrire pour aimer...
Aujourd’hui j’écris parce que, comme hier et demain, j’avance, je crois, j’aime...
Ecrire... écrire toujours... écrire encore... écrire quand même...
« Si écrire, agir, c’est une manifestation de l’orgueil, ne pas vouloir écrire, agir, faire, ce peut être encore de l’orgueil. » (Eugène Ionesco, Notes et contre-notes, 1963).


lundi 18 décembre 2006

Quelques proverbes tunisiens (ou assimilés !)

Voici quelques proverbes tunisiens, ou susceptibles d’être prononcés en Tunisie, ainsi que ce qu’ils m’inspirent personnellement.

Prend un chemin, tu arriveras bien.
Quelque soit le chemin emprunté, on arrive quelque part... même si l’on rencontre des obstacles, on peut et on doit toujours espérer avancer et, en définitive, arriver là où l’on souhaitait arriver.

La persévérance troue le marbre.
J’aime trouer le marbre... surtout quand on m’a persuadé de ne pas faire quelque chose, me disant que je n’y arriverai pas. J

Avec peu, mais heureux, plutôt que dans l’abondance et malheureux.
Il faut apprendre à se contenter du minimum et s’en satisfaire autant que possible ; il faut se réjouir quand on obtient plus, en profiter mais sans excès car on peut tout perdre en une seconde. Quant à l’abondance, elle n’est pas le remède absolu à tous nos maux.

L’ignorance c’est la mort ; le savoir c’est la vie.
Apprendre toute sa vie... chaque jour... vouloir toujours en savoir plus... c’est ainsi que l’on vit, respire, se développe, ... Celui qui n’apprend pas ou qui n’apprend plus, il est une ombre... il est mort, intellectuellement du moins. J

Qui dit la vérité risque d’avoir la tête tranchée ; si tu dis la vérité, tu ne dormiras pas dans notre douar.
Bon alors je dois me préparer à mourir ou emporter le nécessaire de survie spécial « petit fennec solitaire dans le désert du Sahara ». En cas de révolution je serai parmi les premiers condamnés à mort parce que je ne flatte personne et je peux ainsi déplaire à tout le monde. J

Pour chaque regard que nous jetons en arrière, il nous faut regarder deux fois vers l’avenir.
Cela peut sembler étrange qu’un historien cite ce proverbe mais en fait je le trouve fondamental, vital, ... à trop regarder le passé, on s’y installe confortablement, plaquant sur des connaissances approximatives ses propres fantasmes et oubliant de vivre dans le présent et de penser au futur... Le passé ne doit pas être un paradis artificiel, une drogue... et je ne veux pas être un historien-dealer ! J

Les mains périssent mais non leurs œuvres.
Faire des choses belles, des choses utiles qui resteront dans les mémoires et les coeurs même après le trépas !
Est vraiment ton frère celui qui te comprend et non celui qui est né de tes parents.
Un être auquel ses parents n’ont pas donné de frère ressent cela au plus profond de lui-même... toute sa vie, il erre, partagé entre le doute et l’espoir, à la recherche de ses frères perdus... il les (re)trouve... il les aime...

Une main n’applaudit pas seule.
Cela me rappelle ce que j’ai écrit récemment dans un texte précédent : « Ta main – ma main – te cherche » ... cette semaine, je l’ai retrouvé… je l’ai serré dans mes bras aussi fort que j’ai pu... j’ai peur que ça recommence... je ne suis qu’une main et il est la seconde.

Celui qui veut faire du bien ne demande pas d’autorisation.
Il est bon d’agir spontanément et rapidement, tout en étant efficace bien entendu… Qu’il est triste d’entendre des personnes dire « J’aurais aimé t’aider... j’aurais dû faire quelque chose pour toi... ». Etre attentif, prendre des initiatives, permet d’éviter d’avoir à prononcer ces mots. Lire la surprise et le bonheur dans les yeux de l’autre...

C’est un paradis… où il a même des baklavas.
J’adooooooooooooooooooooooooooore les baklavas !!! Que demander de plus ??!! Que les gens que j’aime soient près de moi pour déguster ces délicieux gâteaux en ma compagnie !! J
Cette note, que j’aurais pu appeler « A bon entendeur », est dédiée à mon cher Marou.


lundi 11 décembre 2006

Un remake de La Belle et la Bête

Version contemporaine de la Belle et la Bête… imaginons que cela se passe sur internet... :-)

La Belle découvre la Bête et lui indique qu’elle aimerait dialoguer.

Rapidement la Bête écrit un court message à la Belle :

« Bonjour. Si tu veux, tu peux m'écrire un peu. »

La prudence, après les échecs précédents, incite la Bête à faire court mais efficace, sans manifester d'enthousiasme débordant et dissimulant quelque peu sa satisfaction d'avoir retenu l'attention de la Belle. :-)

La Belle répond bientôt à la Bête d’une manière fort sympathique et encourageante :

« Salut moi c'est *** et toi? Je crois que tu as dit que tu es là pour voir etc... moi c'est un peu pareil. Je suis d’origine algérienne. Je n’ai pas été brillante dans mes études comme toi. J’ai le bac et j’ai fait une année de deug anglais et puis j’ai décroché. En ce moment je m’occupe de ma mère. J’aime beaucoup Paris. Mon plus jeune frère y habite donc j’ai passé pas mal de temps là-bas. Es-tu originaire de *** ? Répond moi si tu veux. ***. »

La Bête, ravie de ce premier contact, répond à la Belle :

« Bonjour ***. Tu as un très beau prénom. Moi je m'appelle ***. En fait, si j’ai dit que je suis sur le site pour voir, c'est surtout pour ne pas recevoir cinquante demandes à la fois et c'est très efficace parce que je ne reçois pas de demandes en général ! Pour les études, je n’ai pas de réticences à l’égard de ceux qui ne les ont pas poussées très loin. Je sais qu’on peut être intelligent sans diplômes universitaires (...). Je suis effectivement originaire de ***. En fait mes parents y sont nés. (...) J’aime également beaucoup Paris parce que j’y suis né et que j’y fais mes longues études... et donc j’y passe pas mal de temps. Ton message de mardi m'a fait plaisir (...). Tu vois, je voulais bien te répondre ! ***. »

Le lendemain, la Belle lit la réponse de la Bête...

Vous voulez connaître la suite de l’histoire ? Ben, y’en a pas… c’est ainsi que cela s’est arrêté ! La Belle s’évanouit dans la nature... à la recherche d’un véritable prince charmant... et on la comprend ! :-)

Bon vous aurez compris que ce monstre d’inhumanité qui a fait fuir la Belle, c’était moi et je me suis contenté de fouiller dans les recoins de mon disque dur pour retranscrire ce bref dialogue. :-) La demoiselle se présentait comme une personne sensible... cela m’a touché et je souhaitais discuter avec elle... J’ai toujours entendu les femmes autour de moi dire que les hommes sont lâches, ne savent pas ce qu’ils veulent et se comportent avec le cœur sec... j’essaie d’être différent de cette image et je me retrouve néanmoins régulièrement face à un mur de silence, qui est un manque de respect à l'égard d'une personne qui a un vrai coeur ; je suis heureux de constater en tout cas que la parité hommes/femmes fait des progrès. :-)

Ce genre d’expérience, où l’on est manifestement jugé de manière définitive au bout de cinq ou dix lignes écrites, incite à perdre chaque fois un peu plus de spontanéité, à s’exprimer en messages courts, aseptisés, calculés au millimètre, sans originalité, masquant toute émotion ou idée qui pourrait être mal perçue. C’est bien triste... Enfin, il doit falloir en passer par là, à moins de se résigner à rester un ange toute sa vie... :-)

medium_La_Bete.jpg

lundi 4 décembre 2006

Quai de gare...

20h00...

On avance sur le quai de la Gare du Nord où je t’ai raccompagné...

- C’est gentil de me raccompagner !

- Tu ne l’as peut être pas remarqué mais il semble que je sois quelqu’un de très gentil !

- Oui... c’est vrai... ça t’arrive d’être gentil !

Tu as réussi à me faire rire alors que mon cœur était si serré…

J’aimerais que ce quai ne finisse jamais... avancer infiniment avec toi... tout en faisant une pause toutes les vingt minutes pour que tu reposes tes pieds fragiles... Je serais ainsi toujours prêt de toi, mon Ange.

Tu t’arrêtes près d’un banc... tu adores les bancs... ! Celui-ci est métallique et ne m’inspire aucune sympathie... mais tu ne te plains pas de son inconfort, alors je m’assois à côté de toi, mon petit Frère.

On parle un peu... pas beaucoup... Que dire... ?! Que dire dans ces dix dernières minutes avant ton départ... ?! J’ai peur de te dire des bêtises... j’aimerais te dire « je t’aime mon petit Frère » mais je n’y arrive pas alors que je sais si bien te l’écrire... j’ai peur... peur de pleurer devant toi ne sachant pas quand je te reverrai... six mois... un an... deux ans... qui le sait ? J’ai peur de te faire pleurer en pleurant moi-même... je sais que toi aussi tu as peur de ces moments où deux âmes se séparent, laissant les corps lourds et les cœurs malades.

20h05...

Un haut parleur retentit... un sifflet résonne dans la gare... le bruit strident d’une sonnette annonce le départ du train voisin pour Amiens… mon cœur se glace... ton train est toujours là... Encore cinq minutes… à la fois trop courtes et interminables... On regarde tous les deux ce train qui part pour Amiens... on est toujours là ensemble à regarder les mêmes choses, à ressentir sans doute des choses comparables...

- Je rêve de conduire un train...

Tu souris...

20h07...

Tu te lèves parce que ton train va bientôt partir... Je te suis... tu montes dans le train... il est haut ce train ! Je me trouve petit face à toi... Pour une fois tu fais bien 1,85 mètre...

On s’embrasse... tu me dis que tu ne veux pas d’adieux théâtraux... Moi j’aimerais bien te serrer un long moment dans mes bras... mais je n’ose pas te le demander... mes pensées commencent à se troubler...

- Allez... barre toi maintenant... !

- Nooooon... !

Tu as peur de ce qui pourrait arriver... moi aussi... mais je veux rester près de toi jusqu’à la dernière seconde... au lieu d’aller t’asseoir dans le wagon, tu t’assois près de la porte pour rester près de moi... tu feuillettes rapidement les magazines que tu viens d’acheter dans la librairie de la gare... cela nous fait oublier un peu ce qui doit arriver inexorablement et que l’on attend... je regarde ma montre... le train partira un peu en retard...

20h11...

Le train va partir... on s’embrasse encore... Tu me dis de reculer... tu as peur que je sois coupé en deux par la porte du train express régional ! Je recule un peu sur le quai... le sifflet assassin retentit... les portes du train se ferment... le train ne part pas... pourquoi ne part-il pas maintenant qu’on est séparé par cette vitre... ?! Il part enfin ce train... on échange nos ultimes signes d’adieu...

20h12...

Je me retourne et je m’éloigne de toi mon Ange chéri. Je sens déjà que mes yeux sont près à exploser, gonflés de larmes par ma vive émotion. Je marche seul sur ce quai déserté, le visage défait... je vais dans une autre gare parisienne… je monte dans mon propre train... qu’il est lent ce train... je ferme les yeux et je sens les larmes qui sont là mais qui ne veulent pas sortir encore... pas devant tous ces gens qui pourraient me regarder mal... l’orage est proche mais ne préviendra pas...

J’appelle mon grand frère K. Il me dit qu’il en a marre... qu’il veut rentrer en Tunisie. Je lui réponds qu’il dit des bêtises et qu’il ne devrait pas me dire cela maintenant, alors que je viens juste de te perdre sans savoir quand nous serons réunis.

21h30...

Arrivé à la maison, j’essaie de cacher ma tristesse... je mange... j’ai tellement faim...

22h00...

Je me lave dans la douche... l’orage éclate... je m’effondre en larme en pensant à toi, mon Ange. Je pense à ces moments heureux que nous avons eus lors de nos promenades interminables... à cette longue séparation qui nous attend désormais. Il faut du temps pour se remettre de ces émotions... il faut du temps pour admettre ton éloignement... l’eau de la douche dissimule mes larmes...

Je file ensuite devant la télévision, histoire d’essayer d’oublier vaguement ce qui m’arrive... mais c’est à toi que je pense...

00h00...

Je vais essayer de dormir... je t’aime pour toujours... Je n’arrive pas à m’endormir… ne m’oublie pas... aujourd’hui tu t’envoles... tu me manques déjà... J’espère te revoir bientôt mon petit Frère chéri...

lundi 27 novembre 2006

Un autre regard...

On en parle beaucoup en ce moment… je suis sincèrement désolé que ce site ne soit pas accessible partout. J’ai la chance de n’avoir pas ces problèmes d’accessibilité et de pouvoir consulter toujours tout ce que je souhaite. Le revers de la médaille c'est que je suis loin de certaines personnes que j'aime.
Sur le blog de mon cher Marou, j’ai eu la mauvaise idée de glisser un vague commentaire sur wikipedia pour tempérer quelques peu le concert de louanges que l’on peut entendre à propos de cette encyclopédie libre. J’ai voulu développer mon point de vue sur son blog mais comme il était très long j’ai préféré le publier comme une note ici même… enfin une note pas consensuelle sur ce blog diront certains… j’espère que tout se passera bien… inchallah !
Ce que je vais dire n’est pas une attaque car je suis pacifiste (voyez mes trente-huit notes précédentes J) ; il s’agit simplement de mes réflexions, partagées d’ailleurs par certaines personnes avec qui j’ai eu des discussions poussées à ce sujet depuis un certain temps ; mes remarques se veulent constructives et j’appelle de mes vœux des améliorations significatives pour le renforcement de la qualité sur wikipedia.
J’ai été longtemps porté par le souhait de collaborer à wikipedia que ce soit pour des articles relatifs à la France , à la Tunisie ou à l’antiquité. Un être très cher à mon cœur, membre de wikipedia, a même failli me convaincre en juin (désolé…) mais après avoir très longuement réfléchi, lu beaucoup de réflexions diverses à propos de wikipedia émanant de participants à ce projet ou de simples observateurs, observé le fonctionnement de wikipedia à travers des discussions de membres entre eux, des procédures de votes, …, j’ai considéré que si je partage inconditionnellement l’idéal de la diffusion du savoir, je ne partage pas la façon actuelle dont ce projet se concrétise.
Je voudrais, pour justifier ma position, parler des trois activités qui ont constitué et constituent mon quotidien. Ma formation est celle d’un historien, bientôt je l’espère avec une thèse achevée.
La première activité est celle de la diffusion orale. Cela passe par des « communications » devant les collègues… on soumet par ce biais les résultats les plus récents de ses recherches à la critique scientifique. On diffuse aussi les connaissances auprès du grand public et je le ferai personnellement avec grand plaisir dans dix jours. Parfois c’est un peu ingrat, notamment quand on se retrouve comme je l’étais dernièrement dans un bled paumé avec seulement dix personnes face à soi dont la moitié était des membres de ma famille ; mais on le fait parce que dix personnes c’est mieux que personne. La diffusion du savoir est donc une priorité pour moi et l’idée de passer par internet retient grandement mon attention du fait qu’on peut toucher beaucoup de gens… mais pas n’importe comment et à n’importe quel prix à mon avis.
La deuxième activité est l’enseignement. Durant ces cinq dernières années, j’ai été amené à réfléchir, en enseignant à l’université, sur l’opportunité pour les étudiants d’accéder à de l’information par internet, à m’interroger sur la façon dont ils reçoivent, s’approprient et exploitent cette information. Bien qu’ayant l’esprit très ouvert, je constate que l’information délivrée par internet fait souvent beaucoup de dégâts car l’étudiant (ou l’individu quelconque) ne sait généralement pas apprécier la pertinence d’une information et se diriger vers les sources les plus fiables. Tout cela, on le découvre avec consternation en corrigeant les devoirs écrits où voisinent parfois des informations fiables et d’autres totalement délirantes. Les devoirs rédigés à domicile et saisis par informatique reprennent souvent de longs passages récupérés de manière servile sur des sites internet, certains oubliant même de retirer les liens hypertextes…! Certains de ces sites deviennent ainsi des références universitaires alors qu’ils sont rédigés parfois par des inconnus, sans forcément les compétences nécessaires et sans que l’on puisse juger de la méthode suivie pour en arriver aux résultats présentés ; ces sites encouragent involontairement certains cerveaux humains à la paresse intellectuelle en dépit de leur louable vocation initiale. Pour beaucoup d’étudiants, la tentation est plus forte que les appels à la raison auquel on les soumet régulièrement pour les inciter à évaluer la qualité des sources employées. Qu’on lise un livre ou un site internet, on doit avoir systématiquement une approche critique à l’égard de cette source et ne pas se satisfaire des beaux discours qui disent que c’est bien, fiable, meilleur que le reste, … J’aimerais penser que tous les rédacteurs de wikipedia sont aptes à ce travail critique et qu’ils mesurent la responsabilité qui est la leur tant en rédigeant qu’en affirmant unilatéralement la qualité de ce qu’ils font… mais la consultation régulière de pages wikipedia montre à l’évidence que ce n’est pas exactement le cas.
Le troisième aspect consiste à publier des articles scientifiques. La préparation de ces articles s’étale généralement sur plusieurs mois et demande des dizaines voire des centaines d’heures de préparation puisqu’il faut consulter et digérer plusieurs dizaines de publications relatives au sujet d’étude ; ces articles sont quasi systématiquement relus et discutés à plusieurs reprises avant publication par des collègues plus avancés, que ce soit sur le contenu, la méthodologie ou la rédaction. Quand on fait relire ses écrits, il arrive que l’on se trouve avec du stylo rouge tous les trois mots parce que chaque mot compte ; cela rend très très humble… cela fait réfléchir sur ce que l’on est et contribue à faire progresser sa démarche scientifique… Ces discussions font avancer généralement la qualité du travail. Pour la rédaction de travaux scientifiques collectifs, chaque mot ou presque du texte collectif est discuté en groupe pour faire la synthèse de ce que chacun pense et pour donner une vision aussi conforme que possible de l’état de la recherche à un moment donné. Toutes ces procédures ne garantissent jamais une fiabilité absolue mais sont le meilleur moyen de livrer un travail de la plus grande qualité possible. Tout ce qui s’éloigne, plus ou moins, de ces méthodes de travail ne peut en conséquence être comparable et comparé en terme qualitatif.
Je suis également très préoccupé par tout ce qui s’apparente à de l’autosatisfaction… c’est tout simplement écoeurant… on n’a pas à juger soi-même de la qualité de son propre travail… et on doit rechercher l’avis de personnes compétentes. Cette autosatisfaction on la retrouve notamment dans les votes pour articles ou portail de qualités sur wikipedia. Ces labels sont souvent attribués par seulement une poignée de membres, dont certains sont directement impliqués, donc juge et partie, et d’autres sont extérieurs et donc pas spécialement qualifiés pour se déterminer. Comment peut-on prétendre être satisfait d’avis aussi restreints et émanant de personnes dont les compétences ne sont pas établies ? Cela frise l’aveuglement ! Pourquoi vouloir faire aussi bien voire mieux que les autres quand on n’en a pas les moyens matériels, le temps et/ou les compétences ? Pourquoi ne pas être soi même avec une appréciation convenable des propres limites de son travail ? Je ne sais pas… c’est le propre de l’homme de fantasmer régulièrement sur ce qu’il aimerait être mais n’est pas et je citerai simplement l’exemple bien connu de bloggeurs qui s’autoproclament journalistes au prétexte qu’ils diffusent de l’information. Chaque activité comporte une formation, des règles, une forme de déontologie. Quand on s’improvise quelque chose, il vaut mieux rester lucide sur le degré de fiabilité de son propre travail pour le tirer autant que possible vers le haut.
Mes propos peuvent paraître un peu rude mais, si je demandais à la plupart de mes collègues enseignants d’université ou chercheurs ce qu’ils pensent de wikipedia, certains diraient qu’ils ne connaissent pas (les plus anciens), d’autres feraient la grimace et enfin certains hurleraient. Moi je connais, je ne hurle pas et j’aimerais ne pas avoir à faire la grimace…
Actuellement wikipedia permet à n’importe qui d’écrire, qu’il soit ou non compétent pour le faire ; le seul pré requis est la bonne volonté et ce n’est pas suffisant pour ce genre de travail. Cette faculté offerte à tous est donc tout autant une chance qu’un problème en terme de fiabilité ! Wikipedia permet également à n’importe quel individu de corriger un texte à son goût en quelques secondes, exception faite de certains articles « sensibles » qui sont plus ou moins protégés. On peut écrire des choses, pertinentes ou non, et faire des corrections, pertinentes ou non… bien sûr des gens veillent mais, s'ils ne sont pas en mesure de discerner la portée des écrits ou changements effectués sur un article échappant à leur domaine de compétence, des textes erronées peuvent se maintenir sans problème sur le site. Quand on écrit avec une certaine crédibilité et de l’aplomb, on peut faire passer des bêtises, volontaires ou non… le charisme joue parfois un certain rôle dans les rapports entre membre de wikipedia et ce n'est pas toujours un avantage. En définitive, il y a des gens qui consultent le site et prennent tout pour argent comptant sans esprit critique. Les dégâts peuvent donc être considérables. Surveillance et vérification ne sont en tout état de cause nullement synonymes de fiabilité.
Dans le cadre d’encyclopédies classiques, on confie en général la rédaction et la relecture d’articles à des spécialistes ayant longuement réfléchi sur la question, maîtrisant la bibliographie, sachant peser chaque mot pour rédiger quelque chose de convenable. Cela permet à chacun de se cantonner dans son domaine et de rappeler à chacun ses propres limites ; cela permet également d’éviter la frénésie rédactionnelle pour densifier artificiellement l’encyclopédie par des articles squelettiques et au contenu mal assuré. Personnellement si quelqu’un me demande de faire un article ou de corriger un article sur un sujet que je maîtrise mal, mon premier réflexe sera de lui indiquer une personne plus compétente que moi. Si mon propre travail est jugé par une personne que je n’estime pas suffisamment proche de mon domaine de recherche, je vais également demander plusieurs avis contradictoires et pas celui de gens complaisants.
D’autre part, il me semble qu’il serait inconcevable de consacrer des dizaines d’heures de travail à un article, démarche pourtant indispensable, s’il s’avérait qu’ensuite on puisse le modifier dans les cinq minutes suivant sa mise en ligne. On ne peut pas apprécier ce système dans la mesure où corriger un article procède tout autant que l’écriture d’une démarche scientifique raisonnée, prenant du temps et nécessitant une discussion contradictoire entre personnes compétentes ; on donne le pouvoir au premier venu de modifier un texte en quelques secondes, sachant que rien n’interdit de penser que ces corrections puissent être validées, indépendamment même de leur qualité effective. Cette faculté de correction instantanée est sans doute une grande affaire sur le plan de l’interactivité mais certainement pas pour l’amélioration d’un travail scientifique. L’immédiateté, la satisfaction immédiate d’exigences diverses, par exemple lors de votes pour articles ou portails de qualité, ne fait pas bon ménage avec une réflexion qui se devrait d’être sereine.
Concernant la fiabilité des articles, certains sont truffés de défauts de toute sorte : fautes d’orthographe, confusions de dates, lieux, personnages ; termes employés de manière anachronique ou entachant de manière parfois extrêmement sournoise la neutralité d’articles ; raisonnements parfois réducteurs ; bibliographies inexistantes, incomplètes ou périmées. Rédiger un article encyclopédique est un réel travail et on peut chuter à chaque mot que l’on écrit. On trouve de tout et ces défauts sont scandaleusement nombreux pour un site qui n’a de cesse de se vanter d’être fiable. Certaines erreurs grossières sautent aux yeux dans des articles qui ne sont pas du tout nouveaux et qui ont donc bien dû être relus sans que cela ne choque personne. Je ne vois personnellement pas l’intérêt de passer des heures à corriger des erreurs, ne sachant pas si ces corrections seront pérennisées... comment convaincre quelqu'un de valider des corrections quand il pense que son travail est fiable ? Personnellement, je m’incline… j'ai mieux à faire que de me battre pour cela.
Lire que wikipedia est l’une des sources d’information les plus fiables qui soient et que la communauté wikipedienne veille ne me convainc donc pas et j’en suis fort désolé. Il est vrai que, d'une certaine façon, wikipedia peut être la meilleure encyclopédie libre vu qu’il n’y en a quasiment pas d’autre et qu’elles sont de toute façon occultées par la singularité et l'apparence attrayante de wikipedia ; il faut vraiment être courageux pour vouloir consulter une autre encyclopédie que wikipedia et, quand on fait une saisie sur google, on a peu de chance d'y échapper... On peut aussi dire qu’elle est la meilleure en terme de masse de données accessibles, conséquence de son mode de fonctionnement communautaire ; cela étant dit, la masse n’induit pas systématiquement la qualité ; ça peut même être tout à fait l'inverse dans certains cas. Et quand je lis des commentaires d’autosatisfaction sur la fiabilité, je me dis que la marge de progression est dangereusement faible… parce que plus on se satisfait de son propre travail et moins on est convaincu de la nécessité de progresser dans ce domaine.
A l’issue de ces réflexions, je dirai que pour m’investir personnellement sur wikipedia, il faudrait :
- des articles signés par leur(s) auteur(s)… pas de pseudos… ; c’est une forme d’engagement fort et si c’est un spécialiste reconnu et identifiable qui a contribué à titre bénévole, cela donnera le seul véritable gage de qualité qui soit valable pour un article… à condition bien sûr que le travail de cette personne ne soit pas saccagé par malhonnêteté ou ignorance dans les dix secondes qui suivent sa mise en ligne ;
- des articles discutés collectivement avant publication avec des gens le plus compétent possible sur la question traitée, des gens conscients de leurs limites et qui recherchent l’avis de gens réellement compétents. Il est totalement inacceptable de mettre en ligne des articles sciemment non corrigés car c’est prendre le risque de livrer un travail insatisfaisant à des gens qui n’ont parfois aucun sens critique et boiront toute parole comme du petit lait. Bien sûr on ne peut pas éliminer 100% des erreurs... personne ne peut éliminer 100% des erreurs... mais on doit prendre un maximum de précaution en amont de la publication et certainement pas en aval ; cela demande donc un travail lent voire très lent et tout empressement est dangereux… mais encore faut il faire comprendre cela à certains membres exaltés qui ne voient internet que comme l’outil de l’immédiateté, de la rapidité, ou qui tiennent absolument à ce qu’on mette une étiquette « produit de qualité » sur leurs œuvres le plus tôt possible ;
- des articles aboutis qu’il serait impossible de retoucher durant un délai raisonnable (3 mois ? six mois ? un an ? plus ou moins ?) et qui constitueraient un état de la rédaction stable, le temps de laisser les choses reposer et de discuter sereinement d’éventuels points litigieux,se plonger dans les livres pour approfondir… plutôt que passer son temps à faire de la police pour surveiller l’intégrité des articles. Je note au passage que la fixation des articles sur wikipedia n’est pas une hérésie ; j’ai en effet entendu parler d’un projet de DVD wikipedia, ce qui reviendrait bel et bien à livrer un état figé des articles ;
- l’impossibilité pour le simple passant d’écrire et corriger des articles. Le système actuel est de ce point de vue ingérable et le sera d’autant plus que l’encyclopédie se développera. Cette question devient centrale (je renvoie aux déclarations de candidature des administrateurs) chez les contributeurs de wikipedia et ils ne peuvent alors se consacrer pleinement à l’essence même de leur activité sur le site, ce qui est assez affligeant quand on y pense.
Bon voilà quelques réflexions que je me suis faites ces derniers mois. Je ne suis pas sûr que cela me vaille la bienveillance générale mais ce n’est pas grave ; je préfère dire ce que je pense, en rappelant bien que j’apprécie l’idéal de partage de connaissance de wikipedia mais que son mode de fonctionnement n’apporte aucune réelle garantie de fiabilité et qu’il y a grand danger à s’auto satisfaire de sa qualité actuelle. Et je terminerai en disant que je connais des gens qui ont le même profil que moi, qui sont à la porte de wikipedia et qui ne peuvent la franchir pour les raisons évoquées ci dessus. Je laisse à d'autres le soin de décider s'il est bon de mettre en œuvre les conditions nécessaires à la venue de ces gens ou si la fiabilité actuelle est suffisamment bonne pour que l’on fasse l’économie de telles collaborations.

lundi 20 novembre 2006

La boîte noire de mon âme

L’être humain est la plus formidable machine actuellement en service... j’ai été doté pour ma part de plusieurs options dont une boîte noire qui permet de connaître mes pensées des dernières heures… Repassons la bande, si vous le voulez bien... c’est en style télégraphique... :-)

La séance de torture... ce n’est pas moi cette fois... j’y échappe encore... mais bientôt j’y serai à mon tour…

Tu n’es pas là... Toujours pas là... je pense à toi, mon Frère... cette semaine peut être... ? Mardi... ?

Le temps... il n’avance pas... qu’est-ce que je fais là ? Etudes... une thèse... la mienne... la seule femme de ma vie... elle me tue... je veux divorcer d’elle...

C’est enfin terminé... on l’applaudit... elle nous parle de son père disparu... elle pleure... je suis bouleversé... je l’embrasse... je bois du champagne... ça me fait de l’effet... je m’en vais...

Le temps... un ciel de grisaille... ma vie s’écoule... mon compteur avance... j’ai mal aux jambes...

Toute cette foule à la gare... je suis seul... les gens ne me voient pas... j’ai des larmes aux yeux... je suis fatigué... j’attends... je pense... plus je pense et plus mes yeux explosent... le train arrive...

Mon train... sa lenteur... train plus lent encore en Tunisie... j’ai de la chance alors... je m’endors... je rêve...

Alix... mon Alix... tu es loin... tu me manques... j’ai pu te parler... je t’aime mon Ange...

El Jem... ouvrir les yeux à El Jem près de toi... profiter d’une petite sieste... faire revivre l’antiquité... être avec toi...

Il y a un feu... le train ralentit...

M’as-tu écrit aujourd’hui... ? Je verrai en arrivant à la maison...

Je vais te faire bientôt une belle surprise... tu seras heureuse je l’espère.

45A, boulevard Jourdan... le portier... les poissons du hall... l’escalier... ta chambre... le bordel dans ta chambre... ton lit n’est pas fait... je déteste ça... je commence à faire ton lit... tu râles... je continue... un souvenir...

Un poème... tes poèmes... ta générosité... mon admiration pour toi...

Un collègue... parfois rude avec moi... il a remis droit le col de ma veste tout à l’heure... comme un père... je suis ému...

Vas-tu répondre à mon invitation ? N’as-tu pas confiance en moi ? Huit mois déjà...

Tu es là... heureusement... on s’est vu hier... on a beaucoup joué avec ton fils... tu m’as fait manger la même nourriture que les enfants... je suis impatient de te revoir...

P.S. Heliodore, tu devrais être content pour une fois de lire ici une note en style télégraphique ! :-)

lundi 13 novembre 2006

Où es-tu mon Frère ?

Cela fait un mois jour pour jour que tu m’as abandonné. J’ai cherché à reconstituer longtemps la chronologie des faits dans mon esprit ; je pensais que cela ne faisait « que » trois ou quatre semaines que cette situation durait... et puis j’ai réussi à fixer la date précise qui me ramène à la réalité : un mois entier sans toi !
Qu’ai-je fait pour mériter cela ? Rien... comme d’habitude ! Tu disparais de ma vie quand cela t’arrange... tu reviendras aussi quand cela t’arrangera... tu as toujours fini par revenir... Je n’ai pas le droit de t’avoir près de moi quand je le souhaite, quand j’ai besoin de toi : j’ai l’impression d’être une sorte de produit affectif jetable !
Qui pourrait accepter cela ? Personne sans doute... mais moi je l’accepte parce que je t’aime, mon Frère. Je t’ai dit souvent ce que tout cela m’inspire mais tu as le crâne dur comme une pierre... et je dois m’estimer heureux que tu m’écoutes déjà bien plus que tous les autres.
Tu as tes principes... cacher autant que possible tes sentiments, rester inflexible... comme si exprimer ce que tu ressens et laisser aux autres un peu d’initiative étaient les aveux de ta supposée faiblesse. Toi que j’admire pour ta modernité et ta liberté, tu fonctionnes paradoxalement avec cette vision dépassée des rapports humains, une vision qui est assez loin de la mienne évidemment.
Il serait normal que tu évolues un peu car tout lien affectif, quelque soit sa nature, demande un minimum d’adaptation à l’autre. Tu m’as demandé beaucoup de choses… je me suis efforcé de te satisfaire autant que possible. Je t’ai demandé peu de choses... j’attends... et même sur mon lit de mort, je continuerai à te redemander ces choses, sans fléchir...
Quand tu as de gros problèmes, tu penses les régler en te repliant totalement sur toi, quitte à détruire ce que tu as de plus précieux, c'est-à-dire moi en particulier. Les gens qui pourraient te soutenir t’oublient alors et ton isolement s’accentue... Moi je ne t’oublie pas et je m’angoisse... jamais je ne t’oublie... si au moins je t’oubliais, ton absence ne pèserait pas autant sur moi !
Et moi dans tout cela ? Je ne suis pas aussi faible qu’il pourrait paraître. Tu le sais d’ailleurs et c’est pour cela sans doute que tu as parfois peur de montrer tes faiblesses devant moi... pourtant je n’ai jamais profité de tes faiblesses... et tu en as eu pas mal !
Je me souviens de ce grand travail que tu devais rendre... tu n’avançais plus. Je t’ai consacré un mois et demi de ma vie pour t’aider à l’achever si bien que certains ont dit que ce travail était le fruit de quatre mains. Tu n’aurais jamais pu le terminer dans le délai imparti si je ne m’étais pas conduit avec la plus grande fermeté vis-à-vis de toi.
Je me souviens de ces jours anciens ou tu étais déprimé par un amour destructeur. J’ai tout fait pour te ramener sur le chemin de la vie. J ’allais souvent te réveiller dans ta chambre un peu sinistre du boulevard Jourdan ; je m’asseyais près de toi et tu te rendormais, me laissant veiller sur toi. Je devais me battre pour te faire sortir du lit... et tu finissais par obéir au petit frère dévoué que je suis pour toi ! Il m’en a fallu de la force, en cette période où tu étais l’ombre de toi-même, pour t’aider et ne pas succomber à mes angoisses.
Je me souviens de toutes ces lettres, de ces mails, de ces documents que j'ai rédigé en ton nom ; tu t’en remets parfois à moi, passant évidemment ton temps à me donner des ordres et à râler... mais je te fais taire en te proposant de trouver quelqu’un d’autre en qui tu pourrais avoir plus confiance que moi...
Je me souviens de toutes ces choses franches, parfois désagréables de vérité, des choses que tu n’avais pas envie d’entendre, et que je t’ai dites ou écrites avec toujours une facilité étonnante, ses mots implacables chargés de te ramener à la raison... Je n’ai jamais craint de te dire totalement ce que je pense, même au risque de te déplaire.
J’ai du caractère... j’ai mon caractère... tu sais bien ce que tu risques quand tu abuses de moi.
Il est un peu étrange notre lien, c’est certain. Beaucoup de gens étaient intrigués et en ont parlé en disant des bêtises... cherchant à analyser et expliquer ce qui ne peut pas l’être...
Où es-tu ?
Ta main – ma main – te cherche ; cette main qui écrit souvent en ton nom, cette main qui écrit souvent ton nom.
Ton bras – mon bras – te cherche ; ce bras qui agit souvent pour toi dans l’ombre ou la lumière.
Ton cœur – mon cœur – te cherche ; ce cœur qui bat pour nous deux quand tu es un panne sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute de la Vie.
Ton âme – mon âme – te cherche ; cette âme qui pense parfois comme toi au même instant que toi.
Où es-tu ?
J’aime être toi et sans toi, je le vois, je suis sans toit et je ne suis pas moi.
J’aime surtout que nous ne soyons qu’un seul être qui pense et agit ;
Cette fusion intellectuelle est la chose la plus fascinante que je connaisse
Où es-tu, mon Frère chéri ?
Mon amour pour toi est éternel.
P.S. : cette note est un simple témoignage d’un lien d'amitié extrêmement complexe, à la fois fort et fragile, où l’un et l’autre est tantôt dominant ou dominé, un lien où l’équilibre se rompt parfois avant de renaître. Merci de ne pas nous juger hâtivement, l’un comme l’autre… on est comme tout le monde, des artisans de la Vie sans cesse en apprentissage...


lundi 6 novembre 2006

Un grand voyageur français en Tunisie en 1724

Je te dédie cette note, mon petit Frère chéri, en souvenir de ce jour, gravé dans mon cœur, où tu me lisais de ta voix délicieuse quelques passages du récit du voyage de Jean-André Peyssonnel dans la régence de Tunis.


Jean-André Peyssonnel est né en 1694 à Marseille. Il aurait pu mériter le titre de grand voyageur puisqu’il a visité les Antilles et le delta du Mississipi en 1710-1712, l’Egypte en 1714, les régences de Tunis et d’Alger en 1724-1725 et la Guadeloupe en 1727 ; c’est en ce dernier lieu qu’il a vécu jusqu’à sa mort en 1759, ne revenant en Europe qu’une seule fois, en 1756.

Issu d’une lignée de médecins, Jean-André Peyssonnel suit lui-même cette voie tout en s’ouvrant à divers champs d’études scientifiques et culturels ; son père s’intéresse à la physique et son frère à l’archéologie ; Jean-André Peyssonnel est nommé correspondant de l’Académie des sciences de Paris en 1723.

Il manifeste son désir de se rendre en Afrique du nord pour y étudier la botanique et obtient le 22 mars 1724 un passeport du roi de France à présenter aux consuls de France ainsi qu’aux « illustres et magnifiques Seigneurs Pachas, Dey, Bey, gouverneurs et autres puissance du royaume d’Alger, Tunis et Tripoly ».

Le 28 mai 1724, Jean-André Peyssonnel débarque à Tunis et commence ses pérégrinations dans la régence de Tunis et celle d’Alger durant près d’un an et demi. Grâce à l’appui du bey de Tunis, qui lui accorde un passeport, et à celui des notables locaux, il peut parcourir librement la régence de Tunis et faire de nombreuses rencontres dans toutes les composantes de la société. Ses études, initialement limitées à la botanique, s’avèrent en réalité encyclopédiques : il s’intéresse ainsi aux pratiques politiques, sociales, religieuses, culturelles et commerciales, réalisant une sorte d’étude ethnographique avant l’heure ; il s’intéresse également au milieu naturel par le biais de la géographie, des sciences naturelles, de la botanique ; il fait encore des observations dans le domaine de l’histoire, de l’archéologie et de l’épigraphie ; enfin il s’intéresse logiquement à la médecine et aux plantes utilisées dans la pharmacopée locale.

Une série de lettres, sans doute fictives (c'est un procédé stylistique courant à l’époque), servent à Jean-André Peyssonnel à consigner ses observations. Ce récit, qui a beaucoup circulé parmi les érudits contemporains de Peyssonnel, est resté inédit jusqu’à sa publication partielle en 1830, au moment où se déroulait la conquête française de l’Algérie ; il convenait alors pour les Français de se pencher sur l’étude de leur nouveau territoire et les travaux scientifiques antérieurs constituaient la base indispensable de ces nouvelles études.

Jean-André Peyssonnel est souvent considéré comme le premier européen chrétien à avoir visité l’intérieur des régences de Tunis et d’Alger. Quoi qu’il en soit, ce qui est surtout marquant c’est sa démarche originale, visant à donner une description scientifique la plus détaillée possible du territoire visité.

Il va de soi que les écrits de Jean-André Peyssonnel méritent une lecture souvent critique dans la mesure où il était tributaire d’informations pas toujours vérifiables et qu’il a pu aussi ne pas toujours bien saisir la réalité du terrain en raison de ses références culturelles personnelles. Il n’en reste pas moins que son étude est précieuse à plus d'un titre tant pour la compréhension de la régence de Tunis au XVIIIe s. que pour l'appréhension de la personnalité singulière de ces vétérans du tourisme scientifique.


Voici quelques extraits avec des commentaires entre crochets pour faciliter la compréhension :


Description géographique de la Régence

« (…) le royaume de Tunis est le pays qu’on appelait autrefois la Mauritanie proconsulaire [en fait c’était l’Afrique proconsulaire]. Il est situé sur la côte d’Afrique dans la mer Méditerranée, borné, du côté du septentrion, par la mer qui répond aux îles de Sicile et de Sardaigne ; du côté du levant, par le golfe de Tripoli, tirant vers la côte de Malte et va jusqu’au golfe qu’on appelait autrefois Syrtis minor [nom latin désignant le golfe de Gabes] ; du côté du couchant, par le royaume d’Alger ; et du côté du midi, par les déserts de Numidie [nom inspiré de la province romaine du même nom]. Les villes principales et les plus connues sont le long de la mer. En commençant du côté du levant, on trouve les Gerbi [Jerbiens] vis-à-vis de l’île du même nom, les Faz [Sfaxiens] vis-à-vis des îles Querquéni [Kerkennah], l’Africa [Mahdia], le Monestier [Monastir], Suse [Sousse], Ergula [Hergla], Mahomete [Hammamet], Galipoli [Kelibia]. On rencontre, après, le cap Bon, et l’on entre du côté du nord. La Goulette, Tunis, Carthage, Porto-Farina [Ghar el Melh], Bizerti, le cap Nègre, Tabarque [Tabarka] et la Calle [El Kala, Algérie] s’y rencontrent (…).»


Présentation de la ville de Tunis

« La ville de Tunis est la capitale du royaume à qui elle donne son nom. Elle est située au fond du lac de la Goulette dont nous venons de parler, sise sur le doux penchant d’une colline, de sorte que ce n’est qu’en quelques endroits où l’on s’aperçoit que l’on monte ou que l’on descend. Cependant elle forme un fort beau spectacle et se laisse découvrir tout entière de bien des endroits. Elle est plus longue qu’elle n’est large ; son enceinte ne serait pas extrêmement grande s’il ne fallait joindre ses faubourgs, qui font aujourd’hui une véritable partie de la ville, et qui l’augmentent considérablement, de sorte qu’elle a une grande lieue de France [cette fameuse lieue mesure 5555 mètres] de circonférence. Les rues sont étroites et mal percées ; il n’y en a que quelques-unes de pavées. Les maisons sont bâties à la turque, c'est-à-dire très basses, contenant un grand espace et peu de logement ; presque toutes carrées. Une cour découverte remplit le milieu et tous les appartements y répondent. La plupart de ces maisons n’ont qu’un étage, peu deux, et plusieurs n’ont que le rez-de-chaussée. Les toits sont plats, terrassés, n’ayant qu’une petite pente pour laisser écouler les eaux. Il y a, dans cette ville, plusieurs mosquées ou églises turques, quelques-unes assez belles ; mais aucune ne mérite l’attention particulière des voyageurs. On ne trouve ni places, ni maisons, ni autres édifices remarquables [dans une seconde version, Jean-André Peysonnel a complété cette description légèrement indigente par la description de divers monuments visibles dans la medina]. (...) »


Les environs de Tunis

« La campagne et les environs de la ville de Tunis sont très riantes ; on y trouve une quantité de maisons de campagne qu’on appelle ici métairies. Il n’y a aucune source ; toutes ces métairies ont des puits d’eau saumâtre et par le moyen des rouages on élève l’eau pour arroser les jardins potagers. Le reste de la campagne est transplanté d’oliviers très beaux et très bien entretenus et des arbres fruitiers. Les Turcs permettent aux esclaves de cultiver la vigne et le vin qu’on y fait suffit pour la consommation du pays. Les esclaves en font et le vendent pour leur compte moyennant certains droits qu’on paye. »


Observations archéologiques à Sousse

« Au bas de la ville, on trouve deux grands enclos de murailles, flanqués de demi-tours rondes, dont on a fait deux mosquées [il s’agit de la grande mosquée et du ribat de Sousse]. (…) J’ai appris qu’il y avait là-dedans des écritures gravées que les Turcs n’entendent pas ; je crois fort que ce doit être des écritures latines. J’y aurais volontiers été s’il était permis aux chrétiens d’y entrer. On garde même, dit-on, des manuscrits latins. Quoique je ne croie l’antiquité de cette ville que des premiers siècles de l’Eglise, une quantité de débris de colonnes de granit et de marbres différents, avec des chapiteaux d’ordre corinthien, me feraient facilement croire qu’elle a été bâtie sur les ruines d’une plus ancienne ville [en réalité les vestiges les plus anciens de Sousse-Hadrumète remontent au VIIe s. av. J.-C.] (…). »


Peyssonnel Jean-André, Voyage dans les régences de Tunis et d'Alger, éditions La Découverte, Paris, 2001.

lundi 30 octobre 2006

Un automne poétique

L’automne, tout comme le printemps, n’est pas une saison mais une intersaison ; il est une simple transition nous faisant lentement quitter l’été pour l’hiver. L’automne n’en est pas moins « ma saison », cette période de l’année qui m’a vu naître, celle où le soleil nous irradie à l’aube et au crépuscule de ses incroyables teintes rouge orangées, celle où le végétal retourne à la terre, celle où l’esprit divague entre le cycle de la vie et celui de la mort.
L’automne est la période poétique par excellence (avec le printemps, l’autre intersaison !). De nombreux poètes ont été inspirés par l’automne parmi lesquels Victor Hugo, qui publie à l’automne 1831 le recueil de poèmes Les feuilles d’automne ; Charles Baudelaire à qui l’on doit un Chant d’Automne, dans Les Fleurs du Mal, en 1857 ; Arthur Rimbaud, qui évoque l’automne dans le texte Adieu, inclus dans Une saison en enfer (1873) ; Guillaume Apollinaire, auteur de l’Automne malade, dans Alcools, recueil édité en 1913.

Voici les Rêves d’Automne d’Alphonse de Lamartine, publiés dans les Méditations poétiques, en 1820 :

« Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !

Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire.
J’aime à revoir encore, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois !

Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d’attraits.
C'est l’adieu d’un ami, c'est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !

Ainsi, prêt à quitter l’horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui,
Je me retourne encore et d’un regard d'envie
Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui !

Peut-être l’avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une âme que j’ignore
Aurait compris mon âme et m’aurait répondu ?...

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphyr.
A la vie, au soleil, ce sont là mes adieux ;
Moi, je meurs et mon âme au moment qu’elle expire,
S’exhale comme un son triste et mélodieux. »

Voici Les Sanglots de l’automne de Paul Verlaine, parus dans les Poèmes saturniens, en 1866 :

« Les sanglots longs des violons de l’automne
Blessent mon cœur d’une langueur monotone.
Tout suffocant et blême, quand sonne l’heure,
Je me souviens des jours anciens et je pleure.
Et je m’en vais au vent mauvais qui m’emporte
De-ci de-là, pareil à la feuille morte ».

Voici L’automne de Roumi, paru sur ce blog le 30 octobre 2006 J :

Un Automne de la couleur du sang,
Balayé par le souffle fort du temps,
Voici ce que tu es et moi je t’aime.
Dans mon esprit sombre tu sèmes
L’ivresse de mon bonheur résolu
Et de mes rêves à jamais déchus.
Je te cède, ô raffinée mélancolie :
Je bois ton poison jusqu’à la lie.
J’offre mes mains froides à ce vide
Mais las, je m’effondre seul, livide,
Sur cette terre tapissée de feuilles
Qui forment mon tendre cercueil ;
M’offrant une bien douce chaleur,
Je m’embrase des mille couleurs
De ces si frémissantes frondaisons
Que tu fais pâlir, Nouvelle saison.

Mon corps baigne dans mes larmes
A l’ombre de chênes et de charmes
Aux corps presque nus et décharnés
Qui voilent l’horizon lointain désolé.
L’amour est mort, l’amitié lointaine !
Chacune de mes actions bien vaines
Me guide là où j’erre sans raison :
Tu es mon labyrinthe, Arrière-saison.

Seul l’astre aux rayons mordorés
Peut encore m’exhorter à t’adorer,
Vie composée de ces jours mornes
Où nulle fantaisie n’est une borne ;
Ses rougeoyant faisceaux percent
Mon cœur douloureux et le bercent
Tandis que son bel halo annulaire
Est promesse d’une alliance légère.

C’est donc au soleil que ma destinée
Je confie pour cette longue odyssée
Sur la voie où l’on meurt et renaît,
Résistant pour que ce vent mauvais
Ne me détourne point de mon destin
Et d’un espoir jamais tout à fait vain.
Bel Automne, incarnation du sublime,
Tu me déchires entre abîme et cime.