lundi 28 avril 2008

Triangle...

Je regardais un jour l’un de mes feuilletons préférés, adaptation des œuvres d’une vieille lady anglaise – lady Agatha pour ne pas la nommer ! – et j’ai eu une sorte de révélation en voyant une des héroïnes tracer un triangle dans le sable pour définir une réalité humaine fort répandue : les relations humaines triangulaires. Là on l’on croit qu’il y a deux il y a souvent trois. J’avoue que cela ne m’avait jamais trop frappé et pourtant c’est d’une absolue évidence. Je l’avais d’ailleurs pressenti depuis fort longtemps mais de manière instinctive, sans mettre de mots sur cette réalité ; il m’a fallu les lumières d’Agatha pour en prendre pleinement conscience !


J’ai alors réfléchi à tout ce qui rendrait dans ce cadre : un couple… et la belle-famille, un couple… et leur enfant, un couple… et un(e) ami(e) commun(e), un couple… et l’ex-compagnon/ex-compagne, deux frère(s)/sœur(s)… et l’ami(e)/compagnon/compagne de l’un(e) d’eux/elles, deux amis… et un(e) ami(e) commun(e), deux employés… et leur patron, ...


Après la théorie vient l’expérience… je m’en vais donc vous narrez quelques souvenirs personnels ou impersonnels qui illustrent la complexité du fameux triangle. Au passage je vous rappelle quand même que le triangle des Bermudes est… un triangle ! C’est la meilleure preuve de la dangerosité du triangle ! Et je pense aussi à un autre triangulum que la décence m’interdit de nommer et qui n’est pas sans poser de problème tant pour ceux qui se font grignoter par lui que par ceux qui craignent de s’en approcher.


Commençons par le grand classique : le couple… et la belle famille. On ne choisit pas sa famille ; on choisit encore moins sa belle famille. Et comme si un malheur ne suffisait pas, un couple a donc le plaisir de supporter la famille casse-noisette ET la famille casse-bonbon pour le même prix. Conséquence : le double triangle… l’ivresse du bonheur absolu ! Qui n’a rêvé un jour d’étouffer sa belle-mère à grand renfort de bretzels fourrés à la mort-aux-rats [deux précautions valent mieux qu’une] ? « Belle maman, reprendrez-vous de ces consistants bretzels fourrés à la mort… à la mortadelle ? » Qui n’a rêvé de réaliser en direct le test de la belle mère ? Ce test consiste à s’assurer de la solidité d’un balcon en y déposant un poids de cent kilos… et pourquoi pas sa belle-mère aussi tant qu’on y est. « Je viens de terminer le balcon, belle maman. Venez donc admirer la vue à côté de ce poids de cent kilos ; cela fera ton sur ton ». On aurait tort de négliger le beau-père qui, à grand renfort de tapes dans le dos, de blagues douteuses et de réflexions aérologiques ou footballistiques a tôt fait de plomber également l’ambiance.

- « Marie, vous connaissez la blague de la bonne sœur qui souffle dans l’alcootest des gendarmes »

- « Oui, beau-papa, cette histoire vous l’avez déjà raconté à ma grand-mère le jour de notre mariage. Comme elle a eu une attaque juste après on n’a jamais su si elle l’avait appréciée ou non… »

- « Et celle du singe qui en a trois, vous ne la connaissez pas, hein ? je suis sûr que vous ne la connaissez pas ? Comment, chérie ? J’ennuie tout le monde avec mes blagues ? Ah non je ne te crois pas ? Paul, mon fils, dis quelque chose ? Non ? Oh, je suis sûr que ma belle fille adore cela, n’est-ce pas, Marie ? Vous êtes bien la seule à me comprendre… !

- euuuuuuuh… bien sûr beau-papa… Fabrice, sois gentil, emmène ton filleul jouer un peu dans le jardin ; on vous rappellera pour le dessert… euh... je crois qu’Œdipe a fait dans sa couche, je vais aller le changer… au fait, beau papa, vous aimez les bretzels ? Ma mère les aimait bien… enfin c’était avant qu’elle ait son accident sur le nouveau balcon que Paul a construit… »


Attaquons nous ensuite au couple… et leur enfant. Nombreux sont les parents qui à l’aube naissante, les doigts malhabiles à cette heure et embourbés dans les couches de leur braillard de p’tit dernier, en viennent à regretter l’heureux temps où ils pouvaient copuler sans être interrompus au seul chant harmonieux des ressorts multispires.

« Enfant, levez vous ! Vous comparaissez aujourd’hui devant la cour pour harcèlement moral incessant sur la personne des plaignants ici présents, vos malheureux parents, Paul et Marie. En prime il semble que vous soyez amoureux de votre mère et que vous ayez des pulsions meurtrières à l’égard de votre père ! Ressaisissez-vous avant qu’il ne soit trop tard, mon jeune ami ! Quel est son prénom au fait… ? Œdipe… ? Qu’avez-vous à déclarer pour votre défense, jeune tête brûlée ? Très bien… votre silence en dit long sur votre mépris. La cour vous condamne donc à entendre d’innombrables fadaises, en particulier les blagues de votre grand-père paternel, jusqu’à ce que vous soyez capable d’en prononcer vous-mêmes. »


Passons au couple… et un(e) ami(e) commun(e). « Tu sais Marie, ton amie Nicole, elle est vraiment… très sympathique ! Comment ? Si je la trouve belle ? Oh euh ben [il se gratte le nez], je sais pas… de toute façon l’amitié c’est une chose sacrée alors invite la autant que tu veux. » Cela donne encore ceci « Paul, j’aime bien Fabrice, ton ami d'enfance. En plus il est le parrain de notre aîné. Mais s’il pouvait arrêter de boire comme un adjudant, de raconter les mêmes blagues que ton père et d’offrir systématiquement des jeux de Playstation au gamin, cela m’arrangerait. Comment ? Mais bien sûr que je l’apprécie ton ami… je préfère même que tu passes ton temps avec un péd… enfin je veux dire un homo. Au moins je suis plus tranquille que quand cette satanée Véronique t'appelle ! » Et voici le triangle malicieux qui commence son long travail de sape… mais le triangle est mouvant et chacun en est successivement la base ou le sommet…


L’une des situations les plus agaçantes : un couple… et l’ex-compagnon/ex-compagne. « Marie chérie, c’était mon ex au téléphone. Elle est super déprimée ; je dois aller la voir… elle a besoin de moi. Comment ? Toi aussi tu as besoin de moi ? Oui je sais… mais ce n’est pas pareil… Véronique ne s’est jamais remise de mon départ ! Mais non elle n’est plus amoureuse ! Mais si je t’aime ! Mais oui c’est la dernière fois que je m’occupe d’elle ! Je te le promets. Tu es la seule femme que j’aime… Comment ? Après ma mère ? Oh tu ne vas pas recommencer avec maman ! ». Autres circonstances, autres réjouissances : « Qu’est-ce que Lucas était romantique, drôle et beau ! Pas comme toi, Paulo mon gros ours ! Pourquoi je t’ai épousé ? Bonne question… Lucas m’a finalement plaqué ; je t’ai rencontré et j’ai cru que je pourrais te changer… mais t’es vraiment un gros ours indécrottable… maman me l’avait bien dit d’ailleurs ; j’aurais mieux fait de l’écouter ; en prime ma grand-mère serait toujours de ce monde… c’est ton père qui l’a tué avec sa blague, j’en suis sûre ! »


Voyons maintenant ce qui se passent pour deux frère(s)/sœur(s)… et l’ami(e)/compagnon/compagne de l’un(e) d’eux/elles. « Tu as un nouveau copain ? Génial ? Je le connais ? Oui ? tu ne veux pas me dire qui c’est ? Je suis ta sœur, tu sais. Tu peux me faire confiance…. Ah… tu sors avec Lucas ? Si ça me dérange que tu sortes avec mon ex ? Euuuuuh… mais non pas du tout… je suis super heureuse pour toi ! Lucas était si merveilleux que j’ai préféré le quitter… Comment ? C’est lui qui m’a quitté. Euh oui peut-être… De toute façon, j'ai Paul maintenant... il est vraiment parfait, tu sais ! ». Cela donne aussi : « Gaëtan, tu es mon meilleur ami… je t’aime beaucoup… ah bon tu veux que je te présente ma sœur ?! Pourquoi ma sœur ? Parce que tu veux te rapprocher de moi, être mon beau-frère…?! Tu ne penses pas que tu fais cela plus pour moi que pour elle ? Ah bon tu es sûr ? Tu as flashé ma sœur pendant mon mariage ? »


Reste le cas épineux de deux amis… et un(e) ami(e) commun(e) :

- « Paul, je trouve que tu t’occupes beaucoup plus de Gaëtan que de moi en ce moment ! »

- « Franchement, Fabrice, tu te fais des idées. Tu sais bien que c’est toi que j’aime le plus. Au fait, tu sais que Gaëtan voudrait épouser ma sœur ? »

- « Pas possible… écoute, Paul, je suis désolé mais Gaëtan n’est pas fait pour ta sœur… »

- Tu dis cela parce que tu aimerais bien qu’il soit homo comme toi… tu aimes Gaëtan, n’est-ce pas, Fabrice ? dis-moi la vérité ? »

- « Non, Paul, je t’assure que Gaëtan n’est pas du tout mon genre. »

- « Pourtant quand on termine nos matchs de football, tu aimes bien traîner sous la douche quand Gaëtan y est aussi… »

- « Oh… »

- « Non c’est vrai que tu es fou amoureux de moi, n’est-ce pas, Fabrice ? »

- « Oh, tu es lourd vraiment, Paulo… on dirait le portrait craché de ton père ! Marie a raison de dire que tu es un gros ours ! Parfois je la plains… même si tu étais homo, je ne suis pas sûr que j’aurais pu vivre 24h/24 avec toi, Paulo ! »


La série serait incomplète si on n’évoquait le cas béni de deux employés… et leur patron.

- « Dites moi, Raoul, vous ne trouvez pas que Paul est un peu perturbé en ce moment ? »

- « Oh oui c’est sûr. Je dois systématiquement repasser derrière lui. Je crois qu’il a des ennuis avec sa femme ou son petit dernier, Œdipe. C’est moche comme prénom, vous ne trouvez pas monsieur le directeur ? »

- « Oui c’est clair j’aurais plutôt donné ce nom à mon nouveau caniche… mais enfin, on n’est pas là pour dire du mal des collègues. »

Un peu plus tard :

- « Bonjour, Raoul, comment vas-tu ? »

- « Bien et toi ? Tu es rayonnant ! Vraiment ton p’tit dernier a l’air de te donner bien des satisfactions ! »

- « Euh oui… c’est certain. »

Un peu plus tard dans le bureau du patron :

- « Dites-moi, Paul, je viens d’acheter un nouveau caniche et j’ai pensé l’appeler Étéocle ou Polynice ? Vous en pensez quoi ? Ah bon, c’est l’année des O ? On ne va quand même pas l’appeler Œdipe comme votre petit dernier ?! »


Ainsi va la vie… notre vie à tous…


Fabricio amico meo.

lundi 21 avril 2008

Lettre à Pierre

Mon cher Pierre ou plutôt devrais-je dire mon Pierrot; comme je l’ai toujours fait depuis que je te connais,


Tout comme toi, j’ai dû mal à être d’accord avec plus d’une personne à la fois, moi en l’occurrence ! En conséquence, je me suis abstenu de verser des larmes pour toi vendredi, je me suis également strictement interdit d’aller me recueillir sur ta tombe et d’y déposer une fleur, de peur de ressembler un peu trop à tout le monde et de sombrer dans une forme d’idolâtrie de circonstance qui n’aurait d’autre effet que d’obscurcir la portée de ton œuvre.


Pour autant il aurait été surprenant et même déplacé de ma part de ne pas parler de toi, évoquer ta mémoire si chère à mon cœur, dire en quelques mots la place que tu tiens dans ma vie depuis longtemps.


J’aimerais bien ne pas répéter ce que tout le monde a dit et dit toujours, à propos de ton génie, de ta perte irremplaçable, de ta liberté de ton si grande qu’on se demande s’il elle serait encore possible aujourd’hui, … D’autres qui sont toujours prompts à éclaire le monde de leur conscience en ont fait ces derniers temps leurs choux gras, notamment Télérama qui t’a consacré une de ses couvertures récentes, emballage tout aussi séduisant que mensonger d’un article indigent de deux pages. On y retrouve ces fameuses banalités dites et redites sur toi depuis vingt ans, le tout mâtiné de ce dogmatisme propre aux intellos gauchistes qui ne semblent pouvoir jouir qu’en s’écoutant penser, incapables de savourer une chose simple pour elle-même et cherchant systématiquement à en tirer des vérités révélées. Tu n’aimais pas spécialement ces gens là d’ailleurs mais eux ils t’aiment beaucoup car tu leur sers bien involontairement de caution régulière.


Moi je tiens à parler de ce lien intime qui nous unit, toi et moi, un petit rien qui devient grand par la magie des mots. A l’âge où l’on passe de l’enfance à l’adolescence, j’ai fait ta connaissance grâce à ma mère. Je ne sais plus bien comment mais je crois qu’elle m’a glissé tout simplement un livre de toi dans les mains… et cela a été le coup de foudre pour quelqu’un à la fois présent et absent ! Le jeune garçon que j’étais en 1988 n’avait en effet pas de souvenir direct de toi. J’ai progressivement voulu tout savoir de toi, comme pour rattraper tout ce temps perdu ; j’ai lu tout ce que tu nous avais laissé avant de disparaître, vaincu par ce cancer que tu avais si souvent défié par les mots. Ainsi le jeune adolescent que j’étais s’est-il imprégné de ta vie et de tes mots à un âge où il aurait été facile de succomber à d’autres délices.


Le fait de te lire et d’entendre ta voix m’a rendu à la vie, m’a sauvé du gouffre où j’étais aspiré à cette époque de mon existence où rien ne me retenait vraiment sinon mes espoirs vacillants, trompés par tant d’épreuves. C’est dans tes mots que je me perdais avec délice, que je me soustrayais aux douleurs extérieures. Tu me faisais rire encore et encore comme personne ne le pouvait alors. Tu me faisais respirer aussi... j’apprenais par cœur certains de tes textes, à la virgule près et je les récitais avec toi. J’aimais ta façon de jouer avec les mots, cette multiplication de sens donnée à tes paroles par une simple respiration parfois, ces chutes innombrables où les phrases les plus anodines connaissaient des dérapages monumentaux. Je parle de ces choses au passé mais cela reste toujours aussi vrai même si l’atmosphère actuelle où je savoure tes écrits est bien plus heureuse.


Je te dois aussi le goût d’écrire. En dépit de ta modestie et de tes protestations à ce sujet, tu étais sans doute l’humoriste le plus talentueux de ce point de vue, non pas d’ailleurs un humoriste lettré mais plutôt un lettré qui use avec bonheur de l’art de faire rire avec à peu près tout, y compris un cintre ou un paquet de piles ! J’ai écrit en essayant de t’imiter d’abord ; si tu l’avais su, tu m’aurais dit d’écrire plutôt à ma façon bien entendu, ce que j’ai fini par faire. Je n’ai pourtant pas cessé tant à l’écrit qu’à l’oral de te citer quand rien de plus éclatant ne se pouvait faire et, le cas échéant, d’emprunter un chemin parallèle au tien pour rire et faire rire autant que possible. Comme toi, je me suis pris des bides parfois mais ma jeunesse me les rendait d’une effroyable solitude ; maintenant j’ai presque atteint ce plaisir que tu avais à lancer un trait d’esprit si précis, aigu et noir sans trop savoir quelle serait la réaction de ton public. Tu m’as aidé à être plus heureux, à convertir ce regard désabusé sur le monde environnant en quelque chose qui a au moins le mérite d’être plus positif pour moi-même et ceux qui m’entourent. Cette petite flamme que tu m’as donnée il y a presque vingt ans fait de toi un père spirituel pour moi ; j’essaie de conserver aussi pieusement que possible ta mémoire.


Avant de refermer cette lettre, mon Pierrot, j’ai une pensée affectueuse pour tes proches, et notamment Hélène, qui ont su préserver dignement ta mémoire.


Je te remercie pour tout ce que tu as fait pour moi et je t’embrasse fort.


[http://www.desproges.fr]


Hommage à Pierre Desproges (Journal télévisé d'Antenne 2, 20 avril 1988)

lundi 14 avril 2008

Les Phéniciens à Paris

Je ne vais pas parler ici de la présence tunisienne et libanaise à Paris mais plutôt de celle de certains de leurs lointains ancêtres ! Il reste une petite semaine à ceux qui ne l’auraient pas encore fait pour découvrir l’exposition La Méditerranée des Phéniciens, de Tyr à Carthage à l’Institut du monde Arabe, à Paris.


Les expositions consacrées à une civilisation spécifique sont légions à Paris et chaque année on a la chance de pouvoir découvrir plusieurs d’entre elles et enrichir ainsi nos connaissances tout en repoussant les frontières de notre horizon mental.


Le principal intérêt de ce type d’exposition, au-delà de leur contenu, est en général de montrer qu’une civilisation quelconque n’est pas un monde clos, replié sur lui-même. C’est au contraire un monde ouvert, vivant d’interactions mutuelles, apportant aux autres civilisations contemporaines autant qu’il leur emprunte. Outre cet effacement des barrières spatiales, il faut aussi souligner celui des barrières temporelles : chaque civilisation se nourrit de celles qui l’ont précédée et inspire les suivantes.


Ces deux leçons – relativité des barrières spatiales et temporelles – sont fondamentales pour comprendre l’Histoire mais aussi pour nous comprendre, nous, humains du XXIe siècle. La réalité n’est en effet pas différente aujourd’hui d’hier. Il est bon, dans un monde où le nombrilisme identitaire et communautaire est souvent développé au plus haut niveau un peu partout comme réponse aux épreuves diverses que nous traversons, de rappeler que nous ne sommes pas les représentants de cultures qui seraient nées de rien et seraient miraculeusement exemptes de contacts et influences extérieurs. Nous sommes bel et bien héritiers d’une longue chaîne de civilisations qui se sont mêlées les unes aux autres, certes avec des nuances régionales mais avec une base commune souvent importante ; aussi ne devons-nous pas avoir peur des phénomènes d’échanges actuels qui ne sont que la poursuite logique de processus immuables dont la recherche historique se fait l’écho lointain.


On pourra seulement regretter que l’exposition de l’Institut du monde arabe ne mette pas plus en valeur certaines réalités de la civilisation phénicienne : la dimension politique, l’organisation en cités, les rapports des cités phéniciennes entre elles et avec l’extérieur ou encore l’expansion coloniale phénicienne, autant de phénomènes véritablement négligés.


De même l’enracinement urbain et rural des Phéniciens n’est pas suffisamment souligné, l’accent étant plutôt mis sur la vie maritime qui est fondamentale certes mais pas exclusive. Qui dit dynamique dit aussi ancrage, implantation et donc statique. Les Phéniciens avaient des villes, des conceptions urbanistiques, une capacité à la réalisation d’équipements publics et collectifs tout autant que d’ouvrages privés ; rien de cela ne transparaît clairement dans l’exposition, pas plus que les productions vivrières et l’approvisionnement en matières premières nécessaires tant à la vie des Phéniciens qu’à la productions de biens ayant fait leur force commerciale.


La mise en perspective de spécificités régionales n’est pas plus valorisée alors qu’il eut été commode de distinguer diverses aires et de souligner les échanges spécifiques avec des voisins immédiats pour le moins différents selon que les Phéniciens s’étaient implantés en Afrique, en Sicile, en Sardaigne, aux Baléares ou encore en Espagne.


On réduit trop souvent dans les expositions la culture à l’artisanat ou à la religion. Pour les Phéniciens, l’accent est mis presque exclusivement sur l’alphabet, illustré par quelques inscriptions telles que textes officiels, dédicaces religieuses, épitaphes ou marques de propriété. Quant aux assises culturelles phéniciennes, elles sont pour le moins négligées, sauf l’influence égyptienne qui est visuellement bien perceptible à défaut d’être expliquée de manière substantielle. La religion, comme souvent, relève plus de l’énumération fastidieuse de divinités conjuguée à leurs représentations iconographiques qu’à une analyse, même sommaire, des mythes et du fonctionnement religieux des cités phéniciennes.


En définitive, l’exposition tient parfois plus à l’exhibition de beaux objets caractéristiques de la civilisation phénicienne et ayant circulé dans tout le bassin méditerranéen qu’à la présentation synthétique d’une civilisation, de ses origines, de son fonctionnement, de ses interactions internes ou externes, ... C’est malheureusement un constat assez fréquent pour ce type d’expositions qui met l’accent sur l’objet-œuvre d’art plutôt que sur tout ce qui l’entoure. Cela étant dit, ce que l’on peut y apprendre demeure extrêmement profitable même si c’est une vision réduite qui demande à être complétée par des investigations ultérieures personnelles.


jeudi 10 avril 2008

Cela valait la peine d'attendre...

La semaine s'est vite écoulée sans que je puisse écrire mon texte hebdomadaire. Entre le manque de temps, l'impossibilité d'accéder à internet dans certains secteurs de la France profonde où je me suis rendu et mes devoirs m'engageant à me consacrer prioritairement à ceux de mes amis qui avaient besoin de moi, je suis arrivé jusqu'à cette heure sans avoir rien publié.

Cela étant dit, je vais me rattraper avec deux belles photos d'un paysage neigeux parcouru cette semaine. J'ai eu le plaisir de marcher dans la neige pour la première fois depuis bien longtemps, d'admirer la cime des résineux couverte de cette poudre qui tombait lentement au gré du souffle léger du vent. Le froid n'entamait pas plaisir d'être en ce lieu, chargé de magie et d'émotion.

Emotion de remettre mes pas dans des lieux vus il y a quinze ans et dans lesquels je me sentais étrangement aussi familier qu'étranger, émotion de me trouver dans un lieu de la mémoire petite - la mienne - et grande - celle de l'Histoire -, émotion d'être entouré de coeurs chaleureux mais aussi de pouvoir m'éloigner de tous par moment, n'entendant plus alors que le son de mes pieds qui marquaient de leur empreinte le sol neigeux.

Un grand moment de bonheur et de plaisir pour un but tout à fait sérieux en plus ; c'est vraiment l'idéal, qui joint l'utile à l'agréable.


Avant de refermer cette brève note avec deux photographies, je voudrais seulement avoir une pensée pour quelques personnes, tous ceux qui ont marqué ma semaine, certains de manière très poignante. Je voudrais aussi saluer une certaine Azza qui se reconnaîtra.