Je voudrais offrir cette note à Bruno… espérant qu’il passe par ici. :)
Vendredi après-midi… temps sinistre à Paris… je sors dehors vers 15h30, sous la pluie et le ventre vide… je ne sais pas trop où aller vu que je n’ai pas mon habituel rendez-vous de 16h00 avec mon grand-frère H. Après avoir récupéré un sandwich mes pas me mènent un peu au hasard vers les Halles… je décide d’aller faire un tour à la FNAC, et plus précisément au rayon musique classique. Je n’en ai même pas conscience mais le piège machiavélique de mon inconscient commence à se refermer sur moi...
Je vais directement dans la partie « musique instrumentale » et je cherche les disques de flûte à bec. ça y est, je viens de les trouver… le drame est consommé !
Mon esprit est totalement annihilé maintenant et je suis livré pied et point lié à ma pulsion acheteuse… J’inspecte frénétiquement tous les disques susceptibles de m’intéresser : « j’ai… j’ai… j’ai pas… j’ai… j’ai pas… ». Tout ce fait rapidement, de manière quasi implacable !
Mon choix se porte très rapidement sur deux CD et un double CD qui m’ont l’air sympathiques… je ne regarde même pas leur prix… si je le regarde, je ne vais pas les acheter donc je prends sans envisager cet « aspect » de la problématique… curieusement un vague éclair de raison me dit que je devrais me contenter cette fois-ci de ces 2+2 disques… on est loin de mon record, ce jour d’août 2005 où j’avais pillé harmonia mundi à Arles avec 16 CD achetés en une fois je crois ! De toute façon, quand j’entre dans un rayon de disques classiques et plus encore dans une librairie c’est un désastre financier.
Je rentre à la maison… j’écoute mes quatre CD. Je crois bien que j’ai pas été si heureux depuis des mois… je pleure de bonheur en écoutant cette musique. C’est la musique qui me fait remonter les émotions à fleur de peau… c’est comme si je m’emplissais d’émotion… j’ai l’impression alors que je vais exploser de joie.
Je pense…
A mes longues années de la flûte… à mes pleurs quand j’étais ému par ce que je jouais moi-même ou lorsque je n’arrivais pas à jouer convenablement un morceau et que je le répétais jusqu’à y arriver… à mes sourires et à cette légèreté qui envahissait mon corps quand mon souffle trouvait son exutoire dans l’une de mes flûtes… à ces moments partagés avec ma prof, avec toutes celles et ceux qui ont joué avec moi, et particulièrement mes sœurs… à tous ces regards qui se posaient sur moi et qui me troublaient tant quand je jouais… à toi qui était si gracieuse, toi que j’ai aimé sans te le dire pendant des années et qui, un jour, m’a fait le bonheur de m’accompagner au piano… à celles et ceux qui ont su me « rattraper » lorsque je me trompais à cause de mon trac excessif et qui mériteraient pour cela la médaille du dévouement… à ma peur d'enfant, celle qu’on me dise que la flûte est un « instrument de pédé » quand j’étais sur le chemin de l’école de musique et que je m’efforçais de cacher mes flûtes autant que possible… aux chers compositeurs, vénérables ancêtres, dont certains sont presque oubliés et que j’avais l’impression de ressusciter modestement… à ces heures incalculables au je vivais à un autre rythme, celui que l’imposait le métronome ou le battement de mon pied, à ce temps perdu que j’espère retrouver très vite.
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Le premier disque m’a permis de découvrir des pièces vénitiennes de la première moitié du XVIIe s. composées par Giovanni Picchi (actif vers 1600-1625), Biagio Marini (ca. 1587-1663) et Francesco Turini (ca. 1589-1659). Elles associent flûte, luth, orgue et clavecin, des instruments qui se marient bien. Destinée tant aux églises qu’à des occasions profanes, ces compositions marient avec bonheur solennité et légèreté. Certaines œuvres se caractérisent aussi par une certaine austérité avec notamment l’absence d’ornements. Certaines harmonies sont très originales et peu courantes notamment chez Biagio Marini auquel j’accorde volontiers ma préférence. C’est une musique jamais triste mais au contraire plutôt entraînante et aussi apaisante.
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Le deuxième disque concerne des pièces anglaises de flûte à bec composées dans la seconde moitié du XVIIe s. par une dizaine de musiciens dont le plus connu est Henri Purcell (1659-1695), dont on retiendra surtout l’opéra Didon et Enée [et voilà j’ai rattaché ma note à la Tunisie !!!! :p]. Ce qui caractérise ces œuvres c’est l’usage unique des flûtes et du clavecin, ce qui donne une sorte d’impression de modestie par ailleurs démentie par les développements mélodiques très riches, y compris pour les parties de clavecin, pas uniquement destiné à accompagner la flûte. Certaines mélodies rappelleraient presque des harmonies de ce que l’on nous vent aujourd’hui comme de la musique celtique. Contrairement au disque précédent, ces œuvres anglaises ont plus une dimension festive, musique liée à la pompe de cour royale, qu’il s’agisse de musique de danse ou de marches militaires.
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Le troisième disque est en fait un double CD qui offre des œuvres typiques de l’époque baroque avec des auteurs plus connus tels que Georg Philipp Telemann (1681-1767), Johann Sebastian Bach (1685-1750), Georg Friedrich Haëndel (1685-1759). On y retrouve la célèbre « gaillarde du roi de Danemark » de John Dowland (1593-1626), l’air non moins célèbre Greensleeves. Je dois dire que ces deux disques m’ont ému parce que j’ai personnellement joué la plupart de ces œuvres, avec moins de virtuosité cela va sans dire ! Mais enfin j’y mettais tout mon cœur et c’est l’essentiel. On y trouve essentiellement des sonates alternant, comme c’est d’usage, les morceaux vifs et ceux plus graves. On trouve aussi une œuvre du maître hollandais Johann Jakob van Eyck, flûtiste aveugle et musicien béni des flûtistes car ses Variations si expressives sont en quelque sorte devenues les gammes du flûtiste… plus ludiques que des gammes classiques et permettant également de travailler la rythmique, l’ornementation et plus globalement l’expressivité.
Je vous invite à cliquer sur les liens proposés qui vous permettront d’écouter de nombreux extraits musicaux de ces CD.