mercredi 6 mai 2009

Je me souviens du pays des ponts...


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La journée débute de manière ordinaire... je regarde une dernière fois ma messagerie et mon blog vers 8h25... ça me fait drôle de penser que peut-être je ne verrai pas internet pendant une semaine mais je trouve cela assez amusant finalement ; tout laisser tomber pendant une semaine... c’est une sorte de rêve pour moi. Je pars ensuite tranquillement prendre le train, sans trop me presser vu que je dois être à 11h30 seulement à la gare routière internationale de Paris-Galliéni. Je rêve dans le train, songeant déjà aux beautés de mon voyage.
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Le bus débute son long et lent périple : une journée entière de bus. Nous tournons en rond dans Paris et l’Ile-de-France… on arrive à Orléans trois heures après le départ alors que ce n’est qu’à 100 kilomètres de Paris… on est à Tours 4h30 après le départ… à Bordeaux 9h30 après le départ… A minuit les douaniers espagnols montent dans le bus pour contrôler l’identité des passagers du bus... on est tous à moitié endormi... sympathique comme réveil.
--> -->On s’arrête à nouveau en pleine nuit sur une aire au bord d’une route modeste... il est entre 5h00 et 6h00 du matin : je foule enfin le sol portugais. -->

Le décor est fabuleux... le bus passe dans des vallées profondes, au milieu de montagnes souvent élevées. Les perspectives sont vastes et chaque courbe de la route amène une nouvelle surprise... un lac artificiel... un petit village perché... un groupement d’éoliennes plantées sur le sommet de certaines montagnes, ... nous passons même dans une vallée où l’on surplombe une immense masse nuageuse, certainement née de l’humidité ambiante.
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Porto. Je me laisse aller à marcher dans les rues en direction du Douro. J’aime les fleuves, l’eau apaisante qui coule ; c’est donc tout naturellement que je veux privilégier ma rencontre avec le fleuve. J’arrive près des anciens remparts et emprunte la rue qui les longe. Au bas de cette rue se trouve un funiculaire, mélange de celui de Paris et de Fourvière à Lyon, ainsi qu’un escalier vertigineux qui se faufile dans une ruelle étroite et sordide. Tout respire ici la misère, une misère reléguée dans ce quartier périphérique, accroché à la falaise. Il y a là un vrai fossé avec les immeubles du centre qui, pour certains, sont luxueux et, pour d’autres, mal entretenus mais néanmoins convenables.
-->Arrivé au bas de l’escalier vertigineux, je me trouve au bord du Douro, au pied du pont Don Luiz I, ce pont d’inspiration « eiffelienne » admirable par ses deux tabliers, l’un suspendu dans le vide en dessous de l’arche et l’autre posé sur l’arche. Ce pont est le point central de traversée entre Porto et Gaia depuis 1886. Le Portugal est le pays des ponts, de beaux ponts de styles divers, parfois déjà très anciens.

Une fois sur l'autre rive, à Gaia, je sens une odeur étrange et tenace du bois de chêne… sans doute le chêne des milliers de tonneaux des entrepôts de vin de Porto.
Je gagne une terrasse où se trouve une caserne militaire et, à l’ombre d’une curieuse église circulaire, j'embrasse l'horizon au long de la vallée du Douro. Le dénivelé entre le fleuve est la ville haute de Porto est très impressionnant vu de ce point privilégié d’observation et l’on apprécie la puissance de ce socle granitique sur lequel se fonde la cité. Certains quartiers s’accrochent aux pentes raides tandis que d’autres se blottissent au creux de collines : Porto est, comme bien d’autres lieux, la « ville aux sept collines ».
-->-->Je regarde passer le métro sur le tablier supérieur du pont métallique Don Luis I puis vais m’installer non loin de là, dans un petit parc en style « rocaille », avec bancs et balustrades en béton imitant le bois, pour écrire une partie de mes impressions du moment ; je suis assis sur un petit belvédère surplombant une fausse grotte. J’écoute le bruit des trains, des voitures de police ou de secours... l’écho de ces véhicules est démultiplié par les diverses collines, falaises, ... très impressionnant.
Je traverse à pied le pont métallique par le tablier supérieur ; les sensations sont impressionnantes ; la hauteur est vertigineuse, le vent est assez fort. Ce pont paraît immense quand on l'emprunte. Arrivé au dessus de Porto, je découvre un vieux quartier sordide au pied du pont. Je regarde bien, me disant qu’il doit être abandonné… mais non, il y a du monde, des fenêtres ouvertes, des bruits, de la musique… c’est horrible de voir de tels taudis aux apparences de bidonvilles, avec des toits et des murs parfois faits de tôles ondulées et de petits jardins transformés en dépotoirs.
--> --> -->La beauté n'y est toute fois pas absente : spectacle insolite, des pigeons se rafraîchissent sous l’eau qui s’échappe d’une fontaine ; cela me rappelle la fameuse mosaïque gréco-romaine des colombes posées sur la vasque remplie d’eau, type esthétique dérivé d’une œuvre de Sosos de Pergame.
Je monte voir la cathédrale ; elle est fermée. C’est une petite cathédrale, assez sobre d’extérieur, surtout pour la deuxième ville du Portugal. -->Je m’engage ensuite dans les rues du quartier, des rues aux habitations modestes… c’est joli à voir… le linge pend souvent aux fenêtres… il y a des azulejos de diverses couleurs un peu partout… on est presque « dans » les maisons, tellement les rues sont étroites… on a le sentiment de partager un peu de l’intimité des gens qui vivent sur place, entendant leurs conversations, écoutant la même musique qu’eux, … Néanmoins c’est surtout la pauvreté des lieux qui fait en l’occurrence leur beauté et ce constat me laisse un goût quelque peu amer car ce qui me semble beau et authentique est peut être ressenti comme banal et repoussant par certains habitants du quartier.
Par la suite, j’explore d’autres rues des quartiers bas de la ville, le long du Douro. Je croise pas mal d’églises dont certaines ont des azulejos sur leurs murs ; mais, comme pour beaucoup d’autres bâtiments, l’impression qui domine est la saleté et le manque d’entretien. Ce secteur est un patrimoine mondial de l’humanité… en ruine ! A certains endroits, il ne reste plus des maisons que les façades côté rue. Puis je remonte des escaliers ou des rues pentues jusqu’à parvenir à un parc où je m’arrête pour écrire une part de ces impressions. Je repasse par la gare de São Bento pour la prendre en photo… toujours ma fascination pour l’architecture métallique, doublée ici de l’intérêt de la présence de grandes fresques d’azulejos représentant des scènes historiques ou de vie quotidienne portugaise.
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-->Retour en France... La lenteur du transport permet au moins de profiter de la montagne de l’arrière-pays. portugais Le paysage est décidément très beau. Je songe alors à cette phrase fort juste du Guide du routard sur le Portugal : « en avion on se déplace, en bus on voyage ». C’est ce que je ressens, ce qui fait que je parviens à ne pas regretter ce choix pour voyager.

Le guide dit aussi « en bus, la destination finale est vraiment attendue ; en avion, elle vous tombe sur la figure sans crier gare, sans qu’on y soit préparé psychologiquement ». C’est vrai, du moins pour le voyage aller. Au retour, la lenteur fait que l’on se détache difficilement du lieu auquel on doit renoncer. C'est comme un poignard qui n'en finirait pas de s'enfoncer dans un cœur affaibli ou encore un poison qui se diffuserait longtemps dans l'organisme.
Je ressens la contradiction : le regret de ce qui est achevé parallèlement à l’impression plaisante de retrouver un cadre parfaitement maîtrisé, avec des repères solides. Ces deux sentiments s’affrontent en moi pendant quelques minutes et puis je finis par me résoudre à accepter la réalité... le retour à la banalité du quotidien.

6 commentaires:

ice a dit…

Très joli, j'ai adoré lire, vraiment.On a vraiment l'impression d'y etre!!
Le dernier paragraphe est mon préféré, la métaphore est tellement vraie, tellement bien faite.
La tof est impressionnante, merci d'avoir partagé.

maria a dit…

tres joli texte, on a vraiment l'impression d'y etre... Merci pour ce voyage incongru en plein milieu d'apremidi...

Roumi a dit…

@ice : bonjour mon petit. Je suis heureux de t'avoir donné ce plaisir de lecture. J'avais pris quelques notes durant ce voyage et j'ai rédigé un récit ensuite ; il était resté inédit et j'en ai extrait quelques passages.
J'adore la photo aussi et je trouve que c'est une de mes plus fameuses. :p Quand on voit cela dans les yeux, on ne peut pas faire autrement que de dégainer l'appareil photo. :) Si je pouvais instantanément me retrouver à nouveau dans cette petite rue, j'en serais ravi. :)

@maria : merci. c'était un voyage étrange en effet et je l'ai refait moi-aussi en préparant ce texte, comme un pèlerinage sentimental, plein d'impressions heureuses qui me manquent et que j'espère avoir la chance de retrouver une autre fois.

24Faubourg a dit…

le talent de Roumi dans toute sa splendeur! Bravo

Roumi a dit…

@24Faubourg : merci. :)

Denise Dickinson a dit…

Loved rreading this thanks