lundi 17 décembre 2007

Un article édifiant pour l'histoire ferroviaire tunisienne...

Voici un extrait d’un article de J. Salin intitulé « Les chemins de fer en Tunisie » et publié dans le numéro 1522 de La Vie du rail, no 1522, du 21 décembre 1975 (p. XXXIII-XLIV) :

« Des projets d’une toute autre ampleur sont en outre étudiés et doivent être inscrits, en partie, dans le Ve plan en cours d’élaboration. Ils constituent un exemple exaltant et frappant de la confiance des dirigeants tunisiens dans la vitalité du rail et dans l’avenir de leur pays.

Fin 1972, les gouvernements libyen et tunisien s’étaient accordés pour étudier une liaison ferroviaire Tripoli-Gabès, terme de la voie métrique en Tunisie. La Libye était fermement décidée, pour sa part, à construire un réseau en voie normale. Plusieurs solutions se présentaient alors : prolonger la voie métrique au-delà de Gabès et établir une gare d’échange entre les deux écartements à la frontière à Ras Djir, pousser la voie normale jusqu’à Gabès, ou mieux, jusqu’à Sfax, centre ferroviaire économique et portuaire bien équipé, soit sur cinq cents kilomètres, c’est finalement ce troisième parti qui a été adopté.

En outre, la SNCFT, d’accord avec ses autorités de tutelle, compte tenu de données économiques et techniques, a été amenée à envisager la normalisation de la section Tunis-Sfax, soit trois cents kilomètres, qui aurait constitué une solution de continuité dans la grande liaison internationale à voie normale qui, à une échéance plus lointaine, reliera le Maroc, l’Algérie, la Tunisie à la Libye, à l’Egypte et à l’Asie Mineure.

Il y a quelques mois, un appel d’offres a été lancé pour la construction de la ligne à voie normale Sfax-Tripoli. Les caractéristiques prévues seraient celles d’une artère à grand trafic et à vitesse élevée : 200 km/h, avec vitesse commerciale de 160 km/h.

Suivant les prévisions, la liaison Sfax-Tripoli à voie normale serait achevée en 1980. La normalisation de Tunis-Sfax devant être entreprise suivant les possibilités de financement dans les années suivantes, pourrait être réalisée en 1985.

L’équipement de l’axe Tunis-Tripoli (800 km) avec engins de traction à grande puissance et des voitures modernes dotées du grand confort donnerait, au trafic voyageurs, un essor certain. (…) »

Trente-deux ans après cet article, rien des projets qui devaient manifestement se concrétiser dans un horizon d’une dizaine d’années n’a été réalisé…


La ligne Tunis-Gabès est toujours en voie le plus souvent unique et de surcroît sur voie métrique, c'est-à-dire à écartement d’un mètre quand l’écartement standard international est de 1,435 mètre. La compagnie Bône-Guelma, chargée de la construction de la ligne Tunis-Sfax, bien qu'elle ait eu l'habitude de construire les lignes ferroviaires tunisiennes du nord en voies à écartement standard a préféré la voie métrique sur ce parcours afin d'assurer la compatibilité avec le réseau ferré du sud tunisien, concédé à la Compagnie Française des Phosphates, et qui était en voie métrique. L’écartement standard présente l’intérêt de supporter des trains plus lourds et plus rapides. La standardisation facilite également la circulation sur les réseaux de divers États, ce qui est le cas dans l’optique d’une liaison à travers le Maghreb et vers le Machrek.

La ligne Gabès-Tripoli n’a évidemment pas été réalisée et ne semble plus être la priorité. On parle d'ailleurs plus maintenant d'une autoroute, longeant la côte libyenne de la Tunisie à l’Egypte, qui devrait voir le jour, financée par l’Italie. Le sacre de l’automobile est consommé...

L’électrification de cette ligne transfrontalière n’est pas évoquée directement dans l’article, même s’il est question de trafic à vitesse élevée : 160 km/h en vitesse commerciale. Aujourd’hui la vitesse moyenne des trains sur la ligne Tunis-Gabès (415 kilomètres) oscille entre 70 et 80 kilomètres/heure pour un temps de parcours compris entre cinq et six heures ; la vitesse maximale est quant à elle de 130 kilomètres/heure actuellement. Le tout reste nettement inférieur aux prévisions établies il y a trente ans. Alors que le projet d'électrification global de la ligne n'a toujours pas trouvé de concrétisation, il faut rappeler que le Maroc bénéficie depuis les années 1930 d’un réseau ferré électrifié entre les principales villes et qu'il vient de s’engager dans la construction d’un TGV Casablanca-Agadir.

En cette seconde moitié de décembre qui marque le cinquante-septième anniversaire de la SNCFT et le quarante-et-unième anniversaire de la rétrocession à la SNCFT du réseau ferré du sud tunisien, pourquoi ne pas rêver d’une ligne Tunis-Gabès connaissant prochainement un second souffle… et pas uniquement par quelques travaux sur les infrastructures comme c’est le cas depuis plusieurs années, notamment autour de Sousse, ou par l’acquisition, comme c’est le cas ces dernières semaines, de nouveaux trains pour la ligne. On ne peut pas éternellement faire du neuf avec de l’ancien qu’on se contenterait de remanier légèrement.

En ces temps où il est si fréquemment question de pollutions diverses, de hausse des dépenses énergétiques, la mise à disposition d’une ligne de train rapide entre Tunis et le sud tunisien serait un outil de développement appréciable tant sur le plan économique qu’écologique. La réduction des temps de transports permettrait une augmentation des échanges et déplacements collectifs de passagers et de fret, au détriment de modes plus polluants comme l’automobile ou l’avion. Ce serait aussi un outil de développement (industrie, tourisme, services, …) pour la province, solidement reliée à la capitale par cet axe névralgique ; cela contribuerait peut être à désengorger quelque-peu la capitale et sa périphérie surpeuplée, avec tous les désagréments que cela génère. Enfin ce serait une contribution majeure au projet de liaison ferrée transmaghrébine qui se doit de doubler une liaison routière rapide, cette dernière étant devenue malheureusement prioritaire après le piétinement de la première depuis une trentaine d’année.

L’avantage de l’autoroute c’est que même en l’absence de politique concertée entre Etats il est possible d’avancer et d’arriver finalement au résultat escompté… car on finit toujours par pouvoir raccorder deux autoroutes entre elles. Dans le domaine ferroviaire, la non-concertation est en revanche l’acte de décès implacable de tout projet et l’article de J. Salin nous le rappelle avec évidence, trente-deux ans après sa rédaction.


Malgré tout il y a encore des gens pour croire à l'hypothétique projet de train reliant Casablanca à Tripoli : http://www.euromedtransport.org/fileadmin/download/maincontract/ts4/ts4_bouchentouf_day4.pdf.

12 commentaires:

ulyssen a dit…

il y a quelques tps j'avais passé un concours pour travailler a la SNCFT, j'avais un peu potassé sur la societe et j'avais lu cet article entre autres
tres interresant !! merci roumi !:)

Roumi a dit…

Habibou, je t'imagine bien en chef de gare... sauf qu'à mon avis tu passerais plus de temps au buffet de la gare pour des repas gastronomiques que dans ton bureau ! :p En tout cas même si tu n'as pas eu le concours je te félicite pour ta préparation consciencieuse. :)

Exquiza a dit…

meillerus voeux !!snin daima

Roumi a dit…

@exquise : merci pour tes voeux. Bonne fête à toi ! :)

HYPNOTICDOCTOR a dit…

3idek mabrouk roumi

Roumi a dit…

bonsoir hypnoticdoctor. Merci pour ton passage et bonne fête. :)

Shams a dit…

De toute facon le systeme feroviaire tunisien est merdique a souhaite, des trains à bout de souffle, des gares en ruine, des voies d'un autre age...

Roumi a dit…

@shamsounet : oui c'est vrai que c'est loin d'être fameux mais il semble que certains projets soient en phase de concrétisation... cependant mieux vaut attendre de voir avant de se réjouir ! :p

elgreco a dit…

tres bon article!!!

cela fait longtemps ke je n ai plus de tes cheres nouvelles amigo!

NB Anis est venu passer les fetes de fin d'annee en famille....

Roumi a dit…

@elgreco : oh merci ! :) Je vais t'écrire un mail d'ici peu alors. Je suis très content qu'Anis soit en famille. Gros bisous à tous. :)

h et m a dit…

hihi
je passerai le texte à mon oncle
ça fait trente ans qu'il travaille à la SNCFT !
c'est un fou furieux des railles :D

Roumi a dit…

euh oui ma petite, si tu veux faire déprimer ton oncle, fais-lui donc lire ce texte ! :p