Journée d’adieu avant ton retour à Tunis… on se retrouve à Paris, à la gare de Lyon, et on décide du programme de ces dernières heures que nous allons passer réunis.
Notre choix se porte finalement sur la Galerie d’anatomie comparée et de paléontologie du Muséum national d’histoire naturelle.
Cette galerie, achevée en 1898 par l’architecture Ferdinand Dutert en prévision de l’Exposition universelle de 1900, se trouve dans la partie est du Jardin des Plantes, tout près de la gare d’Austerlitz. Il s’agit d’un bâtiment fait de pierre, brique et métal… un bâtiment aux apparences austères, pour ne pas dire sinistre quand la grisaille et l’humidité ternissent son peu d’éclat naturel. En outre ses proportions ne sont pas des plus harmonieuses et sa trop grande hauteur le rend pour le moins écrasant.
(Photo G. Métron, Structurae).
Autant dire que je préfère de loin la Galerie de minéralogie, construite dans le deuxième quart du XIXe s. par l’architecte Charles Rohault de Fleury en style néoclassique et avec des proportions plus harmonieuses.
Mais laissons de côté l’aspect extérieur et entrons dans la Galerie d’anatomie comparée et de paléontologie comme nous le fîmes ce jour là, toi et moi.
A droite dans le hall nous remarquons un étrange groupe sculpté représentant des êtres simiesques. S’agit-il de singes, d’hominidés ou même d’hommes d’un type un peu ancien, il est impossible de le dire ; cela ressemblait en tout cas à un combat entre des pygmées et des singes.
Le rez-de-chaussée est occupé par la galerie d’anatomie comparée, une vaste salle ouverte sur l’extérieur par de larges baies ; le volume est donc impressionnant, spacieux et lumineux. L’ensemble est occupé par des milliers de « pièces » collectées depuis le XVIIIe s. : squelettes complets ou partiels, écorchés, bocaux contenant des organes, viscères, … L’impression qui se dégage est celle d’un immense fouillis dont on peine à percevoir la cohérence : c’est la plus parfaite expression de l’art de l’accumulation, précepte muséographique très en vogue au XIXe s. et durant une bonne partie du XXe s. L’espace central prend des allures de longue procession de squelettes, les derniers étant ceux de cétacés dont un rorqual de vingt mètres de longueur… belle bête !
Tout autour, le long de murs, d’antiques vitrines contiennent des pièces plus délicates et notamment les fameux bocaux, les écorchés, squelettes de fœtus humains alignés comme des produits d’épicerie fine ! Une accumulation troublante même pour ceux qui ne sont habituellement pas très sensibles à cela. Il faut dire que les yeux sont assaillis d’images nées de cet horizon saturé de vestiges morbides. Les explications sont assez pauvres et décousues ce qui renforce l’impression d’exhibition un peu gratuite de ces fantômes parfois inquiétants, notamment pour des enfants. On touche même au sordide devant la vitrine des squelettes prénataux, située non loin de celle de tératologie, science étudiant les « monstres », c'est-à-dire les spécimens atteints des malformations osseuses.
Que nous réserve le premier étage ? Eh bien à peu près la même chose même si l’on quitte l’anatomie comparée pour la paléontologie. La salle est elle éclairée par une verrière au plafond. On entre là dans le domaine des animaux anciens aux os fossilisés, notamment ceux des fameux dinosaures. Les mêmes sentiments négatifs se dégagent de l’ensemble que pour le niveau inférieur, malgré l’intérêt individuel évident des pièces présentées. C’est l’impression d’être dans une atmosphère pesante, sans aucune vie sinon celle des visiteurs qui s’agitent, touchent les ossements, se font photographier devant les dinosaures avec leurs téléphones portables, parlent à voix haute provoquant un brouhaha d'autant plus pénible qu'il est amplifié par la configuration des lieux, dépourvus de séparations.
Et c’est ainsi que cet établissement, très moderne au temps de sa création par les professeurs Gaudry et Pouchet est aujourd’hui pour le moins désuet, en dépit de son intérêt potentiel qui n’est pas mince : comprendre la physiologie du corps animal (et donc humain). Bref un musée très décevant, peu attrayant même pour ceux qui apprécient les disciplines présentées, et qui semble presque totalement figé dans le passé, avare en supports pédagogiques attrayants et actuels, en particulier l’informatique. On ressort bel et bien de ce lieu avec le mal des crânes et c’est bien dommage. Il n’y a plus qu’à espérer des améliorations significatives pour contribuer à rendre ce lieu à une vie qui lui fait pour le moins défaut jusqu’à présent… on est bien loin en tout cas pour l’heure de la gaîté animant les Fossiles de Camille Saint-Saëns, dans son auto-parodie de la Danse Macabre.
*
* *
Le hasard a voulu que ce lundi tu m’appelles. Au moment où je pensais à toi, où j’écrivais le récit de ce jour où s’entremêlaient le bonheur de te voir et la douleur de te perdre, tu as pensé également à moi. Tu m’as appelé de l’endroit que je préfère en Tunisie et cela m’a considérablement ému, me rappelant à quel point tu es un grand homme avec un cœur encore plus grand.
4 commentaires:
C vrai que cette partie du muséum est très mais alors très décevante, ça m'a beaucoup rappelé une exposition de paléontologie à laquelle j'étais allé quand j'avais 9 ou 10 ans au musée du Bardo et qui était à pleurer .
Franchement l'organisation des lieux est indigne de la renommée d'un musée aussi prestigieux, heureusement que j'étais bien accompagné ce jour là :)
Ton ami a de la chance de t'avoir, je suis prêt à parier qu'il n'en pense pas moins de toi.
@iznogood : c'est vrai que c'est décevant, plus encore finalement qu'un petit muséum de province qui présente des animaux empaillés et quelques minéraux et fossiles.
Je ne sais pas si cet ami "n'en pense pas moins" de moi ; il faudra que je lui demande. :)
euuh, il faut combien de temps pour tout voir ?? c'est trop encombré..
@antikor : il faut plusieurs heures pour tout voir convenablement... mais au bout d'une heure ou deux on n'est déjà plus en état de regarder ces choses un peu répétitives et pas très bien présentées. :)
Enregistrer un commentaire