lundi 14 avril 2008

Les Phéniciens à Paris

Je ne vais pas parler ici de la présence tunisienne et libanaise à Paris mais plutôt de celle de certains de leurs lointains ancêtres ! Il reste une petite semaine à ceux qui ne l’auraient pas encore fait pour découvrir l’exposition La Méditerranée des Phéniciens, de Tyr à Carthage à l’Institut du monde Arabe, à Paris.


Les expositions consacrées à une civilisation spécifique sont légions à Paris et chaque année on a la chance de pouvoir découvrir plusieurs d’entre elles et enrichir ainsi nos connaissances tout en repoussant les frontières de notre horizon mental.


Le principal intérêt de ce type d’exposition, au-delà de leur contenu, est en général de montrer qu’une civilisation quelconque n’est pas un monde clos, replié sur lui-même. C’est au contraire un monde ouvert, vivant d’interactions mutuelles, apportant aux autres civilisations contemporaines autant qu’il leur emprunte. Outre cet effacement des barrières spatiales, il faut aussi souligner celui des barrières temporelles : chaque civilisation se nourrit de celles qui l’ont précédée et inspire les suivantes.


Ces deux leçons – relativité des barrières spatiales et temporelles – sont fondamentales pour comprendre l’Histoire mais aussi pour nous comprendre, nous, humains du XXIe siècle. La réalité n’est en effet pas différente aujourd’hui d’hier. Il est bon, dans un monde où le nombrilisme identitaire et communautaire est souvent développé au plus haut niveau un peu partout comme réponse aux épreuves diverses que nous traversons, de rappeler que nous ne sommes pas les représentants de cultures qui seraient nées de rien et seraient miraculeusement exemptes de contacts et influences extérieurs. Nous sommes bel et bien héritiers d’une longue chaîne de civilisations qui se sont mêlées les unes aux autres, certes avec des nuances régionales mais avec une base commune souvent importante ; aussi ne devons-nous pas avoir peur des phénomènes d’échanges actuels qui ne sont que la poursuite logique de processus immuables dont la recherche historique se fait l’écho lointain.


On pourra seulement regretter que l’exposition de l’Institut du monde arabe ne mette pas plus en valeur certaines réalités de la civilisation phénicienne : la dimension politique, l’organisation en cités, les rapports des cités phéniciennes entre elles et avec l’extérieur ou encore l’expansion coloniale phénicienne, autant de phénomènes véritablement négligés.


De même l’enracinement urbain et rural des Phéniciens n’est pas suffisamment souligné, l’accent étant plutôt mis sur la vie maritime qui est fondamentale certes mais pas exclusive. Qui dit dynamique dit aussi ancrage, implantation et donc statique. Les Phéniciens avaient des villes, des conceptions urbanistiques, une capacité à la réalisation d’équipements publics et collectifs tout autant que d’ouvrages privés ; rien de cela ne transparaît clairement dans l’exposition, pas plus que les productions vivrières et l’approvisionnement en matières premières nécessaires tant à la vie des Phéniciens qu’à la productions de biens ayant fait leur force commerciale.


La mise en perspective de spécificités régionales n’est pas plus valorisée alors qu’il eut été commode de distinguer diverses aires et de souligner les échanges spécifiques avec des voisins immédiats pour le moins différents selon que les Phéniciens s’étaient implantés en Afrique, en Sicile, en Sardaigne, aux Baléares ou encore en Espagne.


On réduit trop souvent dans les expositions la culture à l’artisanat ou à la religion. Pour les Phéniciens, l’accent est mis presque exclusivement sur l’alphabet, illustré par quelques inscriptions telles que textes officiels, dédicaces religieuses, épitaphes ou marques de propriété. Quant aux assises culturelles phéniciennes, elles sont pour le moins négligées, sauf l’influence égyptienne qui est visuellement bien perceptible à défaut d’être expliquée de manière substantielle. La religion, comme souvent, relève plus de l’énumération fastidieuse de divinités conjuguée à leurs représentations iconographiques qu’à une analyse, même sommaire, des mythes et du fonctionnement religieux des cités phéniciennes.


En définitive, l’exposition tient parfois plus à l’exhibition de beaux objets caractéristiques de la civilisation phénicienne et ayant circulé dans tout le bassin méditerranéen qu’à la présentation synthétique d’une civilisation, de ses origines, de son fonctionnement, de ses interactions internes ou externes, ... C’est malheureusement un constat assez fréquent pour ce type d’expositions qui met l’accent sur l’objet-œuvre d’art plutôt que sur tout ce qui l’entoure. Cela étant dit, ce que l’on peut y apprendre demeure extrêmement profitable même si c’est une vision réduite qui demande à être complétée par des investigations ultérieures personnelles.


2 commentaires:

AntikoR a dit…

On veut des photos ..

Les photos , les photos, les photos, les photos..

Roumi a dit…

"- C'est une révolte ?"
- Non, Sire, une révolution !"
:p

Mon petit Antikorounet, je suis au regret de te dire qu'il est interdit de prendre des photographies dans les expositions. :) En l'occurrence je me suis permis de mettre la photographie de mon ticket d'entrée et j'espère qu'on ne me fera pas un procès pour cela d'ailleurs ! :p