mardi 11 novembre 2008

Il y a quatre-vingt-dix ans...

Un matin de novembre, je vous ai rendu visite... Le soleil timide cédait au ciel voilé et le vent frais, mêlé de souffles plus chaleureux, m'envahissait.

À l'horizon vous sembliez former un voile de neige recouvrant cette terre sanglante. Le bruit de mes pas vint seul troubler le silence terrible de vos vies à jamais endormies. Seul parmi vous, réunis tous ensemble, je songeais à la mémoire humaine sélective qui vous tue une seconde fois, peu à peu, inexorablement, tout comme vos plus anciens voisins civils dont les stèles sont à demi effacées ou effondrées. Le paradoxe est que vos tombes sont intactes quand votre souvenir s'éteint lentement et que vos cendres s'assèchent sans larmes.

L'atmosphère dégagée par des tombes est toute symbolique. Si c'est bien évidemment ailleurs que se joue l'essentiel du travail pour une mémoire intelligente, consciente et constructive, ces tombes anciennes peuvent favoriser l'établissement d'un contact plus intime et plus concret avec la période de l'Histoire concernée et plus largement dans ce dialogue que nous devons engager régulièrement entre le passé et le présent. L'émotion, à condition de bien l'encadrer, n'est pas forcément mauvaise pour déclencher chez certaines personnes un processus de pensée constructive.

Il s'agit de s'interroger et, en définitive, de se déterminer personnellement face à ce drame particulier de l'Histoire qui tend à l'universel en ce qu'il incarne la folie humaine, le fratricide ou encore une surenchère devenue impossible à maîtriser ; comme une tragédie antique ou moderne, il s'agit de thèmes qui conservent au-delà du temps toutes leurs significations. Puissent ces tombes ne pas cristalliser les rancoeurs passéistes et stériles ! Puissent ces vies sacrifiées constituer le rappel des excès que nous devons tous éviter et des devoirs de chaque être pour construire un monde plus humaniste !

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