dimanche 23 janvier 2011

L'overdose du mauve, du sept et des horloges...


J'ai ressorti d'un tiroir un objet qui appartient désormais au passé... un gros agenda de l'Ambassade de Tunisie à Paris.

L'individu à qui l'ambassade l'avait offert, indisposé qu'il était par la couleur de l'objet - et accessoirement par son contenu, la première page nous mettant nez à nez, si j'ose dire, avec l'ancien président -, s'était empressé de s'en débarrasser en me le donnant.

J'ai pour ma part conservé l'agenda de l'Ambassade en tant que cadeau de cette personne qui était chère à mon cœur. Ceci dit, j'ai ressenti le même malaise face à la couleur de l'agenda qui marquait clairement la confusion scandaleuse entre l'État tunisien et son chef. Alors qu'il n'aurait dû être qu'un cadeau témoignant de la chaleur d'une nation à l'égard de ses enfants et amis, cet agenda devenait le triste symbole d'une idéologie partisane.

Rarement une puissance politique aura d'ailleurs été aussi loin en matière de dégradation des symboles nationaux... Le mauve et le chiffre 7 de l'ex-président se sont en effet imposés un peu partout jusqu'à l'overdose, jusqu'où on n'imaginait pas même qu'ils puissent arriver comme sur certains ponts, paraît-il, ou encore sur la carlingue des avions de la défunte Tuninter, rebaptisée Sevenair pour mieux célébrer le "coup d'état médical" du 7 novembre 1987 et les orientations politiques d'un pouvoir devenu hégémonique. Les timbres postes commémoratifs du "Changement" ou de la vie politique confisquée sont sans doute parmi les meilleurs exemples de cette rhétorique où les symboles se combinent généralement de manière particulièrement grossière, mâtinés de couleurs criardes et de slogans plus creux les uns que les autres au regard des dérives connues du système. Nulle subtilité donc dans tout cela !

Il faut saluer l'initiative récente qui a fait tomber divers symboles de cette corruption intellectuelle, SevenAir devenant par exemple Tunisair Express ou TV7 devenant Télévision tunisienne 1. De même le site présidentiel tunisien (carthage.tn) semble manifestement en cours de toilettage... vaste chantier ! Ce toilettage généralisé risque de prendre un bon moment tant l'image de l'ancien président et de son parti était répandue, sous forme explicite ou symbolique : portraits, noms de rues ou enseignes commerciales évoquant le 7 novembre, ... Un véritable culte de la personnalité déguisé qui semblait faussement en retrait de la pratique précédente - Habib Bourguiba était partout statufié ou encore représenté en buste sur les billets et pièces de monnaies.

Resterait aussi à abattre quelques-unes des nombreuses horloges mises en scène au milieu de places publiques comme pour mieux signifier que l'ancien président avait aussi la prétention d'être à sa façon le Maître du Temps, ce temps qui l'a pourtant rattrapé dernièrement. Rappelons à ce propos que le "Réveil-Matin" installé sur la place du 7 novembre, au milieu de l'Avenue Bourguiba, pour faire oublier la statue équestre déboulonnée du père de l'indépendance tunisienne, tenait plus de la guillotine que de l'horloge. L'obélisque-horloge qui l'a depuis remplacé est d'une lourdeur telle qu'il n'a pas plus de valeur esthétique ; le bon goût manque souvent quand il s'agit seulement de propagande.

Espérons donc que la Tunisie retrouve enfin ses véritables symboles : son drapeau, ses armoiries ou toute autre représentation de l'État, de la nation, du corps des citoyens, ... une affirmation de l'intérêt collectif en lieu et place de l'individualisme partisan.

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