J’aime les lettres... j’aime les écrire... j’aime les lire... La Poste représente donc pour moi quelque chose de beau, quelque chose de noble... du moins en théorie car, plus les années passent et plus mon rêve se brise...
Merci à toi, postier négligent, toi qui éprouves les plus grandes difficultés à envoyer une lettre en France si le mot France a été malencontreusement oublié par l’expéditeur. Tu ne prendras bien souvent pas la peine d’ajouter toi-même le mot France, même si c’est évident, et d’acheminer cette lettre, contrairement à certains de tes collègues d’autres pays. Tu n’auras généralement pas la curiosité de chercher où se trouve une ville étrangère ou de reconnaître un pays par la structure de son code postal, pourtant bien caractéristique d’un pays à l’autre. Tu préféreras renvoyer cette lettre directement à l’expéditeur, s’il a pris soin d’indiquer son adresse. Merci de t’en tenir strictement à ton travail et ne nous rendre ainsi service quand on commet une petite défaillance.
Merci à toi, postier incohérent, toi qui distribues sans honte, avec une semaine d’écart, des lettres parties de France le même jour, depuis le même bureau, ayant pris le même avion, ayant certainement fait tout le trajet dans le même sac, blotties les unes près des autres, et ayant la même destination, Tunis et sa banlieue, à un ou deux kilomètres près. C’est vrai qu’on ne s’en rend pas compte mais, pour qu’une lettre fasse un kilomètre de plus que sa « cousine », il faut parfois une semaine supplémentaire. Quoi de plus logique ? Tu fais toujours tout ton possible, cela va de soi.
Merci à toi, postier rançonneur, toi qui « soulages » de leur argent tes propres concitoyens en leur faisant croire qu’une taxe de deux dinars, s’ajoutant au tarif d’affranchissement de 600 millimes, fera arriver plus rapidement une lettre en France. Tu as volé deux dinars à un de mes frères et sa lettre a mis treize jours à me parvenir, alors que le délai moyen d’acheminement n’est que d’une semaine au tarif normal. Tu as bien raison d’enrichir les caisses de ton entreprise en prétendant qu’une simple lettre peut arriver plus vite que le délai moyen ; tu es bien le seul à croire encore à ce genre de miracle.
Merci à toi, postier maniaque, qui n’as pas distribué deux grosses lettres pour un de mes frères alors que l’adresse était correcte, toi qui t’es ensuite acharné comme un sadique pour y tamponner en plusieurs exemplaires la mention « non réclamé » et qui m’a renvoyé le tout en France au bout de deux mois. Merci de m’avoir empêché de souhaiter convenablement un anniversaire à un être cher ; merci de m’avoir empêché de lui présenter des vœux de bonne année lorsqu’il en était encore temps. Rien ne presse évidemment.
Merci à toi, postier violeur, toi qui as ouvert le petit colis pour mon frère. Ta paranoïa t’y a fait découvrir un simple DVD culturel, tout ce qu’il y a de plus ordinaire... tu aurais dû en rester là, constatant qu'il n'y avait là rien d'anormal, mais tu a poussé le zèle jusqu’à ouvrir la lettre personnelle qui était jointe à ce DVD. Tu as violé gratuitement le secret de la correspondance ; tu as posé tes sales yeux et tes mains dégueulasses sur ma lettre. Tu as lu les mots d’amour que j’adressais à mon petit frère pour son anniversaire. Tu m’as violé... tu nous as violé... Tu dois être fier de toi quand tu rentres le soir, la tête pleine des mots des autres, et que tu embrasses tes enfants, sous les yeux admiratifs de ta femme... malheureusement pour toi, on ne te récompensera même pas pour tes basses oeuvres... mais moi je t’offre la médaille du plus misérable des cafards.
Le secret de la correspondance est garanti en Tunisie par l’article 9 de la Constitution ainsi que par les articles Premier, 10 et 29 du Code de la Poste (loi 98-38 du 2 juin 1998) ; selon l’article 29 du Code, la violation du secret de la correspondance tombe sous le coup de l’article 253 du code pénal qui prévoit une peine d’emprisonnement de trois mois.
L’article 9 de la Constitution, modifié par la loi constitutionnelle 2005-51 du 1er juin 2002, exclue néanmoins du secret de la correspondance « les cas exceptionnels prévus par la loi », cas précisés notamment par les articles 20 à 26 du Code de la Poste qui habilitent les autorités compétentes à « constater » l’existence d’« envois (...) qui sont de nature à porter atteinte à l’ordre et à la sécurité publics ».