mardi 27 mai 2008

Je n'irai pas me coucher sans avoir écrit un poème...

Je m'aperçois avec consternation... en fait je ne m'aperçois pas... je ne le sais que trop... que je n'ai pas écrit de poème depuis bien longtemps ici. C'est pourtant l'une de mes spécialités. Mon âme est pourtant inchangée, toujours aussi à même de s'exprimer par ce mode original. Cela étant dit, il me manque le plus souvent le temps et la concentration nécessaires.

Cette situation est intolérable, je te le concède, Lecteur. Je te tutoie car apparemment je n'ai plus de lecteurs ou si peu que c'est plus simple de te dire tu. Donc rien que pour toi, voici un poème roumien.

L’enfant qui a peur vénère sa chambre

Où il est tel l’abeille fixée dans l’ambre ;

Elle est peuplée de livres et d’espérances :

Autant de soldats chargés de sa défense.

De l’extérieur percent des bruits sourds,

Cris de ceux qui lui refusent leur amour.

L’enfant désire résister... il les ignore,

Inconscient tel qu’il est, jeune matador !

Sa petite chambre est son triste royaume,

Si réduit qu’il tiendrait dans ses paumes.

Qui, hormis lui, voudrait d’un tel domaine

Où, condamné, il porte ses propres chaînes ?

Tel le moine savant ou le pâle prisonnier,

Il est en ce lieu le maître autant que le sujet.

Derrière la vitre, ruisselante de ses larmes,

L’enfant, que son infinie naïveté désarme,

Contemple, glacé, un bestiaire qui, avec rage,

L’observe là, en train d’étouffer dans sa cage.

Dehors, ils le regardent tous, animal blessé

Qu’ils imaginent avoir déjà bien achevé.

Sa voix, exsangue, nourrit l’ultime clameur :

« Qu’ils vivent donc… et moi je meurs... ! »



4 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci Roumi pour ce magnifique poème. Il parait tellement sincère que j'ai l'impression que tu parles de toi ou bien que tu t'es inspiré de ton expérience personnelle, ai-je raison? Aucun enfant de devrait ressentir une telle solitude ou plutôt aucun adulte ne devrait laisser un enfant dans cette solitude... s'il n'a pas la joie de vivre à son age, alors quand l'aura-t-il ?

Roumi a dit…

Bonjour et merci. Effectivement ce poème parle de moi... et d'autres encore, comme d'un ange qui m'en a fait la remarque justement il y a peu. J'ai commencé à écrire ce poème il y bien longtemps, à une époque où je ressentais encore les choses dans ma chair. L'an passé j'ai repris ce poème pour le remettre au goût du jour d'un point de vue stylistique et le hasard a fait qu'il y a quelques jours je me suis aperçu que je n'avais pas terminé ce travail, ce que je me suis donc employé à faire enfin.

Comme je l'avais écrit déjà à propos d'un autre poème évoquant cette période trouble, il y a désormais une distance entre cet enfant et moi... même s'il est moi.

Effectivement je crois qu'aucun enfant ne mérite la solitude. Malheureusement je suis loin d'avoir été le seul dans ce cas et cela ne semble pas devoir s'interrompre. Certains enfants sont broyés dans le moule du conformisme, détruits pour leurs différences.

Aujourd'hui quand j'entends parler de jeunes qui souffrent des mêmes maux, c'est mon coeur qui meurt à nouveau. Il ne faut pas se faire d'illusion ; tous les témoignages, que ce soit un poème comme ici ou toute autre chose, ne changeront pas radicalement la nature humaine.

Il faut bien aussi voir qu'il y a en prime une sorte d'engrenage... la solitude qui nous est parfois imposée peut devenir un mode de vie où l'on finit de s'enfermer soi-même, sans plus parvenir à parler aux autres qui de toute façon ne voient pas forcément grand-chose.

C'est vrai qu'un enfant ne mérite pas cela, qu'il mérite la joie de vivre. C'est vrai que c'est difficile de se construire sur de telles bases mais il ne faut pas pour autant désespérer. On finit par avoir une certaine joie de vivre même si elle peut être entachée de certains handicaps, de certaines réserves, même si c'est plus difficile de trouver un sens à sa vie, même si pour cela on est obligé de passer par certains processus complexes.

Parmi ces processus, il y a notamment la conversion de nos souffrances en forces, en qualités, ... Le fait d'écrire par exemple à propos des sentiments humains et de voir que cela est apprécié est profondément valorisant et une sorte d'encouragement à persévérer dans certains directions qui contribuent à donner un sens à la vie.

Anonyme a dit…

Je suis persuadée que cette dure épreuve de la vie t'a permis d'acquérir bien des qualités aujourd'hui. Il suffit d'ailleurs de parcourir ton blog pour se rendre compte de tes formidables capacités d'empathie. Je pense sincèrement que de telles personnes sont rares dans ce monde où chacun vit sa vie sans se préoccuper des autres.

Même si cet enfant était toi, je suppose que tu as su tirer profit de cette blessure. Peut être qu'elle réussit parfois à prendre le dessus et s'ouvre à nouveau à cause d'un évènement déclencheur car ce genre de blessure laisse des traces malgré nous...On a beau croire être passé à autre chose, cela finit tôt ou tard par nous rattraper.

Quant au sens de ta vie, il est très clair pour moi: aider les autres pour éviter qu'ils éprouvent un jour une souffrance comme la tienne.

Au plaisir de te lire.

Roumi a dit…

merci titemey, tu as décrit les choses de manière synthétique.