Permis de tuer
« On parle souvent du deuxième amendement de la constitution américaine qui permet à chaque citoyen de détenir une arme. On s’attarde moins sur le fait que chacun d’entre nous, même le plus démuni, est potentiellement un danger redoutable. De quelles armes disposons nous, me direz-vous, vous qui parlez à un cadavre ? Eh bien la parole, l’indifférence, le mépris, la négligence et bien d’autres délices de ce genre encore ; autant de munitions fatales, d’objets tranchants ou contondants qui constituent l’arsenal le plus développé qui soit ; à côté de cela, le nombre de têtes nucléaires fait doucement rigoler. Si ces armes diverses et variées ne sont pas un permis de tuer accordé à tout un chacun, je ne sais pas ce qu’il vous faut ! »
Repérage d’une proie facile
« Mon tortionnaire m’a repéré assez facilement. Il faut dire que la bonté se lisait sur mon visage et se reflétait dans chacun de mes mots. Il ne lui a fallu que quelques minutes pour réaliser que j’étais la proie idéale. Il s’est approché de moi, m’a parlé gentiment, avec de grands sourires. Je me suis confié un peu à lui, évoquant quelques épisodes douloureux de ma vie ; il me répondait avec force, n’ayant d’ailleurs pas de mots assez durs contre ceux qui m’avaient blessé auparavant. Il s’apprêtait pourtant à faire de même quand je le regardais naïvement, à l’image d'une tête de bétail qui franchirait, insouciante, les portes de l’abattoir… »
L’assassinat
« Mon futur assassin connut très vite ses limites et les miennes. Il savait dès lors qu’il me tuerait et prémédita son forfait. Les premiers coups ne furent pas mortels ; il fit même mine de les avoir porté involontairement, à l’image de ceux qui tuèrent en César, incrédule, qui un père, qui un frère, qui un ami. Un coup en appelait pourtant un autre puis encore et encore jusqu’à ce que mort s’en suive, du moins c’est ce que tu pensais ! »
L’assassin en fuite
« Mon assassin prit ensuite la fuite, s’éloignant autant qu’il pouvait du lieu de son forfait. La distance lui semblait une merveilleuse échappatoire où les vagues du sang qu’il avait versé ne risqueraient pas de s’abattre sur lui. Tu m’as laissé agoniser lentement, tu m’as saigné comme on écorche le gibier, tu m’as laissé pourrir comme on laisse faisander le gibier. Personne ne pouvait songer à toi pour ce crime vu la distance qui te séparait désormais de moi. Personne n'aurait cru que derrière ton masque pour le moins angélique se cachait un de ces tueurs ordinaires aux armes si discrètes. »
Le cadavre invisible
« Moi le cadavre, on aurait dû me découvrir, supposez vous ?! Pensez donc ! Je suis un cadavre introuvable, invisible même. Il m’aurait collé dans un placard que cela n’aurait rien changé ! Car je ne suis cadavre qu’en dedans de moi. Ton crime se lit dans mon cœur, fracassé par ton silence, et dans mon âme, pulvérisée par ton manque de confiance en moi. Tu m’as détruit, oui… détraqué ma foi en toi… atomisé mes illusions… jeté mes rêves aux orties… »
Peine encourue
« Aucune peine encourue par toi puisque l’on ne peut te confondre… aucune peine donc sinon une perpétuité sans murs, ces regrets qui te poursuivront assurément et le poison des non-dits que tu crois pouvoir dissimuler indéfiniment. Mon cadavre continuera quant à lui à mourir, portant ta marque profonde au cœur. »
Ceci est une fable, bien entendu, une fable cruelle certes mais qui n’est rien d’autre que l’histoire de crimes ordinairement perpétrés contre les sentiments humains.
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