Toujours curieux des usages liés à internet, j’ai découvert ces derniers jours – du 17 au 22 juin –, avec un certain étonnement, un pic de consultation – une vingtaine – de mon texte du 18 juin 2007 consacré à la fête de la Musique. Tout comme on ranime la flamme du Soldat Inconnu chaque soir sous l’Arc de Triomphe pour lui réchauffer les doigts de pieds au gaz de ville de plus en plus coûteux, certains textes anciens des blogs refont surface cycliquement par la grâce des circonstances et connaissent ainsi une gloire posthume qui n’est somme toute pas déméritée.
L’intérêt du phénomène réside dans le contenu des requêtes saisies sur divers moteurs de recherche et qui ont conduit à mon texte de l’an passé relatif à la fête de la Musique. On a là une vision instantanée du mode de perception de cette fête de la Musique par certains individus. A côté de ceux qui cherchent tout simplement à se renseigner sur cette fête, on trouve en effet de curieuses demandes.
Quelqu’un demande notamment « où est-ce qu’il y a des chanteurs dans le coin pour la fête de la musique ? », l’ordinateur étant censé sans doute deviner de quel « coin » il s’agit ! Il faut dire que c’est un Parisien qui a saisi la demande : il doit donc penser qu’il n’existe rien en dehors de Paris voire de son quartier…
Un individu lambda, manifestement en proie à un grand désarroi, confie à son ordinateur qu’« [il] n’aime pas la fête de la musique », cherchant le réconfort virtuel de ceux qui partageraient son opinion ; un autre, à 02h31 en ce 22 juin, sans doute excédé par des nuisances sonores tardives proclame quant à lui : « je hais la fête de la musique ». Il faut dire à leur décharge que ces personnes sont peut-être voisines de celui qui a rédigé la requête « emmerder mon voisin fête de la musique », ce qui en dit long sur le degré de perversion de certains à l’égard de leur voisinage et de l’usage détourné que certains font de la musique comme source de nuisance en un jour particulier où l’impunité leur est acquise.
C’est dans cette même logique que se développe la notion de « bruit » dans les requêtes : « peut-on faire du bruit chez soi à la fête de la musique ? », « fête de la musique bruit dehors durée », « jusqu’à quelle heure peut-on faire du bruit le jour de la fête de la musique ? », « tolérance du bruit le jour de la fête de la musique ». Il est particulièrement significatif de voir l’association des termes « musique » et « bruit », ce dernier renvoyant plutôt à la notion de nuisance. La musique, et sans doute plus encore celle du 21 juin, semble donc vécue, voire même conçue, comme une nuisance sonore par certaines personnes. Il est vrai que certains adeptes de la fête de la Musique et même certains de ses acteurs ne semblent pas concevoir cette fête autrement que comme une débauche de décibels. La musique étant conçue comme la recherche d’une harmonie, un mode d’expression fédérateur et une forme de liberté, tant pour le créateur que pour l’auditeur d’ailleurs, on peut s’étonner alors d’une telle conception négative manifestement assumée.
Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement quand on considère la situation des 364 autres jours de l’année ? Dès que les beaux jours reviennent, les fenêtres s’ouvrent et, avec elles, s’épanouissent la promiscuité de conversations privées qui sont exposées au grand jour et tous ces bruits divers qui viennent polluer sans vergogne notre espace idéal minimum de quiétude. Bientôt le chant délicat des oiseaux et le doux murmure de l’air cèdent le terrain aux concerts de klaxons, aux basses agressives de morceaux musicaux divers ou encore aux postes de radios et de télévisions qui permettent de profiter, sans payer la redevance, du journal de Jean-Pierre Pernaut, à la découverte de la fabrique de ronds de serviette en sapinette des Vosges de Fouchifol, ou de Plus belle la vie, le feuilleton qui fleure bon la daube provençale ! On pourrait encore signaler à la vindicte populaire le percussionniste qui anime sa batterie dans son salon non insonorisé ou encore la simili-pianiste qui utilise un instrument désaccordé depuis dix ans. Autant de bonnes raisons d’être sourd – tout comme le percussionniste d’ailleurs – ou de le devenir ! D’autant que chacun, dans un grand élan de liberté égoïste, y va de ses propres nuisances dont une part entre dans une logique guerrière… derrière leur sourire, les voisins se répondent en effet par une surenchère de nuisances sonores : à une demi-heure de zouk répondent depuis d’autres fenêtres une demi-heure de Frank Michaël ou de musique « orientale »… ou encore une demi-heure de perceuse ou un chien lâché volontairement au fond du jardin pour aboyer.
Voilà… c’était « tranche de vie banlieusarde »… que du vécu… presque trente d’années d’expérience ! En tout cas, on finit par devenir très sensible à la notion de bruit ou de musique non consentie et on a de multiples occasions de constater que la noble musique est souvent instrumentalisée à des fins peu avouables, au sein de tout un environnement sonore imposé et qui crée une sorte de fatigue auditive permanente. J’aime la nuit dans mon quartier car c’est à ce moment qu’on entend le moins de bruit ; j’aime aussi ces matins d’été irréels, lorsqu’à six ou sept heures du matin il fait jour et que tout semble encore endormi. J’aime la musique… et j’aime le silence… pas simple à concilier !
4 commentaires:
ca m'arrive souvent ca :) des textes anciens vu plus que des nouveaux !
c'est la loi de l'offre et de la demande !:)
Merci pour ton commentaire, Habibou. C'est vrai que nous sommes des marchandises... très précieuses ! :)
en tt k le vert fluo ne donne pas envie de relire ce txt là :)
et oui mais malheureusement je n'ai pas l'intention de changer la couleur de mes notes.
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