lundi 18 août 2008

Sport... désespoir...

J'ai envie de parler un peu de sport, une fois n'est pas coutume. L'occasion m'en est donnée par le déroulement actuel des Jeux Olympiques que je suis d'extrêmement loin mais dont certains échos significatifs m'ont interpellé.

Je commencerai d'abord par évoquer le jugement expéditif qui me frappe en matière de sport : "Tu n'aimes pas le sport... tu ne t'intéresses pas au sport..." dixit ma famille. Ce n'est pas la première fois que j'entends cela mais enfin c'est de circonstance ces derniers jours.

Ma surprise est toujours grande à ces mots et j'ai toujours envie de sortir un dictionnaire pour y lire et relire la définition du sport et la comparer à celle des autres et à la mienne. Les dictionnaires parlent donc du sport comme d'une "activité physique", ce que l'on peut difficilement contester en effet ! Il est ensuite question d'une pratique "sous forme de jeu", un point déjà plus flou car le jeu a plusieurs significations dont aucune n'est pleinement satisfaisante. Si le jeu est une activité "organisée au moyen de règles", le sport n'est pas nécessairement un jeu car il est des activités sportives sans règles, en particulier quand on fait du sport individuellement. Si le jeu est une activité qui se caractérise par sa "gratuité" et "destinée au simple plaisir", on est là encore confronté à des contradictions car le sport est bien connu pour être une source d'enrichissement matériel pour certains d'entre nous et la notion de plaisir n'est pas non plus toujours au rendez-vous. Bref, ce que l'on peut dire c'est que la définition du sport demeure totalement floue et que la représentation que s'en font les gens l'est, par conséquent, tout autant.

La mienne de définition est beaucoup plus précise, tout en ne perdant de vue ni l'origine du terme ni l'évidence. Le sport est une "activité physique visant à assurer son bien-être physique et éventuellement mental" [Dictionnaire de Roumi, 2008]. Je dirai que c'est en cela que réside l'essence du sport, avant que des déviations ne se produisent.

Voilà donc dire que je n'aime pas le sport, cela pourrait être vrai si l'on songe à toutes ces déviations mais en revanche si l'on s'en tient à ma définition, je suis en droit de dire que je l'apprécie. Tout est donc question de vision... Je suis évidemment pour le développement du bien-être physique et mental à travers le sport. Oui mais voilà, je ne suis que pour cela... le reste ne m'intéresse pas !

Et j'ai sans doute de bonnes raisons de ne pas m'intéresser au reste. Pour moi le sport tel qu'on le conçoit globalement, tel qu'on le met en pratique aussi, est une perversion absolue ! Il s'agit en effet, notamment dans le cadre scolaire, d'une activité totalement contrainte qui méprise l'individu, se moquant de savoir si le jeune a envie de faire du sport, s'il a envie d'en faire à un moment précis, s'il a envie de faire un sport précis, s'il a envie de sport individuel ou collectif, ...

Ce mépris affiché peut s'avérer désastreux. En effet, il renvoie à certains jeunes l'image d'une activité rébarbative dans la mesure où il est vécu comme une contrainte. Je ne cache pas que j'étais de ceux-là ; l'un des rares sports que j'ai pratiqué de manière relativement régulière est le cyclisme mais jamais je n'ai fait de cyclisme à l'école... donc je peux dire que mes envies dans ce domaine n'étaient jamais valorisées et satisfaites.

Ensuite il y a le problème des sports collectifs et individuels. C'est un problème majeur car on apprend aux jeunes à faire du sport en groupe ce qui les détournent de la perception du bienfait personnel de cette activité. Il n'y a qu'à voir le nombre de personnes qui ont fait du sport collectif dans leur jeunesse et qui, une fois isolés, n'en font plus.

En fait le sport est depuis le XIXe siècle un vecteur idéologique : il suffit par exemple de songer aux racines de la rivalité entre Pierre de Coubertin et Paschal Grousset. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'on parle non pas des "cours de sport" mais des "cours d'éducation physique et sportive". Le problème est de savoir de quelle éducation on parle ! En fait il ne s'agit que rarement d'une éducation aux bienfaits de la dépense physique et de la pratique sportive. En France c'est plutôt l'éducation à la convivialité, au partage, à la solidarité, à la fraternité, au lien concitoyen, ... Ce choix, qui trouve son expression la plus évidente en milieu scolaire, a certains avantages effectivement : il peut apprendre aux jeunes à vivre ensemble, à former un projet, à l'entreprendre et à en tirer une satisfaction commune.

Cela étant dit on est là dans de la théorie qui s'embarrasse peu de certaines réalités qui sont pourtant inacceptables. Les jeunes qui sont un peu handicapés, chétifs ou au contraire enrobés sont notamment l'objet de constantes humiliations dans les cours d'éducation physique ; on leur fait sans cesse remarquer qu'ils font perdre leur équipe... normal dans un système d'éducation sportive qui ne pense qu'en terme collectif. On leur fait remarquer qu'ils ne sont pas performants - les notes sont là pour leur rappeler - et ils sont ainsi culpabilisés par le biais de leur corps, un corps qu'ils se mettent alors insidieusement à mépriser. Et puis, suprêmes beautés de cette démarche humaniste qu'incarne l'éducation sportive, des coups, injures et autres humiliations pleuvent comme tribut à la faiblesse de ces moutons noirs qui ne sont "pas sportifs", généralement dans la plus totale indifférence des adultes responsables quand ce n'est pas tout bonnement avec leur complicité. Je suppose également que lorsque à sept ans on m'a dit pour la première fois que j'étais pédé c'était sur un terrain de sport... c'est bien l'endroit où s'écrivent les plus belles pages de notre "civilisation" !

Il y a un contraste saisissant entre l'inhumanité de ces mots et la prétention aveugle à éduquer la jeunesse par le sport. Je suis désolé alors si pour ma part je n'ai retenu du sport, tel qu'on me l'a fait vivre, que la violence, l'injustice et la lâcheté... Aujourd'hui, devenu adulte, je suis indigné de voir que l'on continue à sacrifier certains jeunes en broyant leur vie, une vie qui sera ensuite si compliquée à construire sur des bases ruinées par la bêtise humaine.

C'est la même révolte qui m'atteint quand j'entends que des athlètes n'ont pas l'âge règlementaire, que certains jeunes sont forcés à devenir sportifs de haut niveau depuis leur plus jeune âge par un Etat totalitaire ou, dans les pays riches, par des parents pathétiques qui projettent leur vie dans celle de leur enfant, qu'on prépare cent athlètes et qu'on en jette sans ménagements 99 pour n'en garder qu'un. De même je suis choqué de voir des sportifs pleurer parce qu'ils ont perdu... ou gagné des places de deuxième. Où est la dimension d'épanouissement du sport dans tout cela ? Dans bien des cas le sport c'est beaucoup de souffrance, beaucoup de travail pour peu de bonheur et de détente. Quand le sport devient une contrainte, quand il devient un enjeu autre que celui de son bien-être personnel, quand il devient compétition, le sport perd finalement son âme.

Le fait de se comparer aux autres, de se mesurer à eux est en somme, quand on y réfléchit, un aveu de notre incapacité à faire une chose simplement pour elle-même. Il nous faudrait donc toujours un enjeu... C'est finalement la vision qui s'est imposée à partir de la fin du XIXe siècle, à l'issue d'une véritable lutte idéologique, par le biais de théoriciens dont on ne peut cacher qu'ils étaient pour certains motivés par des idées troubles comme l'élitisme, la misogynie, le racisme ou encore le nationalisme. Exit alors la promotion de l'idée d'un sport dépouillé d'esprit compétitif défendue par d'autres théoriciens dont on ne peut cacher qu'ils étaient à l'époque fortement marqués par des idées d'extrême-gauche. C'est aussi donc une illustration supplémentaire de notre incapacité à intégrer des idées modérées. Nous vivons sur cet héritage... que nous avons bien entendu poussé à l'extrême.

Enfin je vois de sérieux avantages à se concentrer sur la dimension personnelle du sport, à commencer par l'espoir de réduire un peu de la bêtise humaine ambiante. Quand on voit que la préoccupation principale de nos contemporains se réduit à comptabiliser le nombre de médailles de son pays aux Jeux Olympiques, que le sport se résume manifestement pour beaucoup à assister aux performances sportives des autres en étant assis dans un fauteuil devant la télévision, quand on voit que le sport est devenu une confrontation désarmée certes mais toujours si hautement nationaliste, sans parler de toutes les phénomènes de violence effective qu'il génère, il serait peut-être temps que chacun se pose des questions sur le sport, sa définition, son objectif, ses avantages et inconvénients, ... afin de revenir à l'essentiel de cette activité.

3 commentaires:

C0mP1laT0r a dit…

ça tombe bien moi aussi j'ai jamais réussi à prendre du plaisir en fessant du sport, surtout scolaire :)

Roumi a dit…

Eh oui je crois que nous étions et sommes un certain nombre dans ce cas. Quand on penser qu'on veut notre bien à travers cette activité et qu'on fait en réalité beaucoup de mal à certains... c'est incroyable de penser au manque de discernement à ce propos !

Anonyme a dit…

http://tunisie-harakati.mylivepage.com

Je pense qu'il n'y a pas mieux que le sport pour évacuer le stresse du quotidien et d'en profiter pour entretenir un bel état physique, la santé n'a pas de prix. C'est se que nous suggérons régulièrement à madame Sameh Harakati, cette jeune femme se trouve toujours en prison en Tunisie.

http://tunisie-harakati.mylivepage.com