lundi 15 septembre 2008

Mon refuge (II)

Il y a un an et quelques poussières, j'avais écrit Mon refuge, un texte destiné à évoquer l'un de mes endroits favoris, le Jardin des Plantes. Depuis lors on peut dire que j'ai été satellisé sur ce lieu que j'ai dû faire visiter une dizaine de fois, sans compter les promenades en solitaire. Des images de ces promenades à deux me reviennent, des pensées nostalgiques heureuses qui me font sombrer dans une certaine mélancolie, surtout quand je pense à ceux qui se sont depuis évanouis. Il y a toi aussi, toi qui me dis aimer ce lieu et avec qui il me faudra y aller également... une question de logique humaine.

Quoi qu'il en soit, il m'a semblé opportun de renouveler cette expérience en proposant un autre de mes refuges ; je l'ai découvert au début de cette année, dans une de ces errances mélancoliques qui me poussent à marcher dans Paris sans savoir où je vais. Ce faisant, on parcourt souvent les mêmes lieux, presque instinctivement, et il faut une certaine force pour décider de changer de trottoir, tourner à gauche quand on tourne systématiquement à droite de tel ou tel monument, ... Il y a aussi ce que je qualifierais de "redécouverte", des lieux que l'on connait sans les connaître, des lieux que l'on a connu et dont on avait négligemment oublié les charmes... cette redécouverte n'en est que plus heureuse.

Si vous décidez de partir à la chasse au Roumi, voici un nouvel endroit où vous risquez de me trouver, du moins aux périodes creuses de l'année :
ce lieu charmant est le port de l'Arsenal à Paris. Un port en plein Paris... un Ailleurs en pleine ville, dans cette ville que je connais tant... J'en conseille la visite aux périodes les plus rudes, quand on est sûr de n'y croiser personne ou presque... quand on n'y trouvera que les passionnés, les convaincus. Dès les beaux jours ce lieu doit être envahi de parasites qui viennent s'y montrer... paraître... séduire... Vous ne me faites aucun effet et ne comptez pas sur moi pour me dévoiler à votre regard intéressé... C'est le risque des endroits un peu originaux, décalés, situés en plein coeur de Paris où règnent le politiquement correct, le sociologiquement correct, le culturellement correct et j'en passe... Voilà donc une petite promenade sur place entre novembre et mars me semble tout à fait saine de ce point de vue. Le regard peut s'y délasser et s'y concentrer sur l'essentiel, sur la vérité de ce lieu comme de bien d'autres d'ailleurs.

Héritier des fossés adjoints à l'enceinte parisienne de Charles V, construite entre
1356 et 1383, le bassin de l'Arsenal n'a pris sa forme actuelle qu'au XIXe siècle, époque à laquelle le port de l'Arsenal était une place d'échanges commerciaux intenses, à la jonction du canal Saint-Martin et de la Seine. Aujourd'hui l'endroit est bien calme et le tumulte de la navigation commerciale a cédé la place au calme de la navigation de plaisance. C'est une vaste place, coupée en deux dans sa longueur par le canal... placée en retrait de la ville... en contrebas. Y accéder c'est comme pénétrer dans un autre monde... un monde de relative quiétude d'où l'on peut observer l'agitation environnante avec un certain recul et détachement... comme un miroir éclatant de la vanité de la vie.

Il faut bien reconnaître qu'en tant que port de plaisance l'endroit peut être mortel d'ennui... mais ce silence est appréciable dans certaines circonstances de nos vies et d'autant plus appréciable dans une ville somme toute relativement bruyante comme l'est Paris. Bien évidemment il serait intéressant de revoir le port de l'Arsenal lorsqu'il est plus animé... mais on est souvent déçu par l'animation des ports de plaisance de toute façon. Rien ne vaut un port de pêche, de marchandises ou de voyageurs... et je songe encore avec nostalgie aux heures passées notamment à la gare maritime de Marseille, portant mes regards affectueux à Habib. On serait déçu donc si l'on recherchait à l'Arsenal autant d'agitation, autant de vie et de fantaisie.


Ce mouvement, on le trouvera dans le souffle de l'air, dans le murmure qu'il produit, dans les ondulations de l'eau du bassin, dans le frémissement de la végétation à demi-endormie du jardin qui y a été créé sur le quai oriental, dans le son de nos propres pas sur le sol. Et puis, qui sait, peut-être croiserons nous le précieux regard ou le rare sourire, ceux d'une personne en quête de cette vérité simple du lieu qui en fait la touchante beauté. Un endroit que l'on peut également voir à deux, en amis ou en amoureux ; j'attendrai alors...


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